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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mardi 3 novembre 2009





Eraste et éromène





Les Grecs anciens semblent avoir été les premiers à s'être exprimés au sujet de la pédérastie, à l'avoir étudiée et à l'avoir organisée et érigée en institution dans certaines cités. Divers indices permettent néanmoins de supposer que le modèle pédérastique de la Grèce antique a évolué à partir de rites initiatiques des sociétés de chasseurs-cueilleurs du paléolithique supérieur.

La pédérastie supposait un lien de couple entre un homme et un garçon déjà entré dans la préadolescence (donc à partir d'au moins douze ans). Ce couple tenait sa légitimité de nombreux équivalents symboliques ou mythologiques en la personne des dieux ou des héros (Zeus et Ganymède, Apollon et Hyacinthe, Apollon et Cyparisse, Héraclès et Iolaos, Thésée et Pirithoos, Achille et Patrocle). À Sparte, il était directement institué par la loi (Grande Rhêtra de Lycurgue).

L'environnement socioculturel faisait de la pédérastie un mode reconnu de formation des élites sur le mode ésotérique (un maître-un élève). Les termes désignant l'homme et le garçon pouvaient varier d'une cité à l'autre : par exemple, erastes (amant) et eromenos (aimé) à Athènes, eispnelas (inspirateur) et aites (auditeur) à Sparte. Les modalités de la relation différaient également ; selon les cités, les rapports sexuels étaient permis ou non. Les fêtes publiques initiatiques axées sur l'homosexualité pédagogique étaient nombreuses à travers la Grèce : les Hyacinthies de Sparte, les Théséia et les Euandria d'Athènes...

La Crète offre le modèle le plus ancien d'institution pédérastique, dont on connaît essentiellement les caractérisitques grâce à un texte d'un historien grec du IVe siècle, Ephore, repris par Strabon. Après en avoir fait l'annonce et obtenu l'approbation du père, l'homme procédait à l'enlèvement rituel du garçon, le rapt pédérastique. Commençait alors pour ce dernier une période d'apprentissage placée sous la responsabilité de l'adulte, qui l'isolait avec lui à la campagne pour une durée de deux mois environ. Il s'agissait de faire du garçon un chasseur adroit et un combattant courageux. Pendant toute cette période, le couple partageait également des activités sexuelles. On considérait comme normal pour le jeune garçon de s'offrir à son amant, en marque de reconnaissance pour les efforts que l'homme consacrait à sa formation. À l'issue de cette période, le garçon était reconduit dans la cité, où l'on fêtait son retour et sa renaissance sociale, publiquement et à grands frais. Parmi les nombreux présents, trois cadeaux rituels étaient obligatoires : un bœuf, qui manifestait sa capacité à sacrifier aux dieux, une armure, qui marquait son entrée dans le groupe des citoyens-soldats et une coupe lui permettant de participer au banquet ou symposion, festin civique masculin. On reconnaissait alors l'éphèbe à la fois comme homme et comme citoyen. En même temps, le garçon pouvait dénoncer son partenaire s'il l'avait forcé à des relations contre sa volonté, et ainsi couper la relation. Cette initiation rituelle ne concernait pas l'ensemble des citoyens. Ceux qui l'avaient connue se voyaient accorder des marques d'honneur particulières.

Sparte requérait de tous ses citoyens de nouer une relation pédérastique. Mais l'homme devait au préalable gagner l'affection du garçon, à la différence du cas de la Crète ou même de celui d'Athènes et de nombreuses autres cités grecques, où cette affection, bien que souhaitée, n'était pas requise.

Thèbes est célèbre pour son bataillon sacré (Hiéros Lokhos) de trois cents combattants, formé de couples pédérastiques. À Leuctres, ils écrasèrent Sparte. Il fallut attendre Philippe II de Macédoine, père d'Alexandre le Grand, pour en venir à bout. Après les avoir enfin vaincus à Chéronée, il leur rendit les honneurs militaires.

Quelle que soit la cité, il est normal pour un homme d'être séduit par un jeune garçon et d'en faire publiquement état, pourvu que le garçon en question présente les deux caractéristiques nécessaires pour justifier l'établissement du lien pédérastique : il doit être καλός kalos (beau) et ἀγαθός agathos (bon, courageux, droit et réservé).

Athènes offre l'exemple le plus significatif de l'évolution d'une institution éducative aristocratique et guerrière en une pratique moins rigoureuse, davantage centrée sur l'esthétisme et les sens. Sur les céramiques, les grands adolescents musclés et vigoureux firent place peu à peu à des garçons plus délicats et souvent plus jeunes. Pour les amoureux des garçons, kalos prenait le pas sur agathos, ce qui ne fut pas sans entraîner des dérives, critiquées par certains auteurs, tantôt sur le mode humoristique, tantôt sur le mode sérieux. Dans l'espoir de séduire un même beau garçon, des hommes pouvaient rivaliser de cadeaux. Certains garçons en profitaient, accordant leurs faveurs au plus offrant. Que ce fût la passion amoureuse ou le pur désir sexuel qui prît le dessus, le résultat fut le développement d'une quasi-prostitution parmi les fils de citoyens, dans une proportion difficile à évaluer.

Platon fut de ceux qui s'élevèrent contre le dévoiement de la pédérastie institutionnelle. Que ce soit dans Le Banquet ou dans Phèdre, il ne remit pas en question la pédérastie elle-même. En revanche, dans Les Lois, il va jusqu'à en envisager l'interdiction pure et simple. Ses idées en la matière ne furent guère suivies.

Les relations pédérastiques perdurèrent en Grèce jusqu'à leur interdiction; tardive par l'Empire romain, après que le christianisme fut reconnu comme religion officielle, puis seule religion d'État.
source:wikipédia







Éraste et Éromène, détail de La Marseillaise de François Rude, Arc de Triomphe, Paris (1833).







Scène pédérastique l'éraste (amant) touche le menton et le sexe de l'éromène (aimé). Face A d'une amphore à col attique à figures noires, v. 540 av. J.-C.






documentaire « Le sexe dans la Grèce antique » sur la chaîne Planète-2007














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