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mardi 24 avril 2018
Werner Bandi, 1891-1964.Suisse
Werner Bandi
Qui était le discret photographe suisse Werner Bandi, né en 1891 à Thoune et décédé en 1964 à Spiez? Peu de choses de sa vie nous sont connues. Bien que certaines de ses prises de vue apparaissent de temps à autre dans des galeries parisiennes ou new-yorkaises, celles-ci se voient le plus souvent attribuées à « un naturiste italien »si elles ne sont pas labélisées: « photographe inconnu. »
Le père de Werner Bandi, premier garde forestier à Thoune disparaît en 1899. Werner a huit ans à l‘époque, il est cadet d‘une fratrie de trois enfants. Deux ans après le décès de son mari, la mère de Bandi, issue d‘une famille aisée, loue la pension Erica, située à Spiez au bord du lac de Thoune.
Une année plus tard, elle acquiert cet hôtel au style « chalet suisse » avec 24 chambres, fumoir, chambres de lecture et autres dépendances pour la somme respectable à l‘époque de 88‘000 francs. Spiez était une destination de vacances attrayante avec des complexes hôteliers imposants, aux noms évocateurs: Château-hôtel Schonegg, Grand Hotel Spiezerhof, Park-Hotel Bubenberg ou encore hôtel Belvédère & Beau-Rivage. Au tournant du siècle, un tram électrique relie le port de la petite ville avec la gare ferroviaire Berne-Lötschberg-Simplon, située plus haut. La station de loisirs bernoise avec un air du sud est une région très prisée, attirant des hôtes parfois illustres, dont beaucoup y passent des séjours prolongés.
L‘idylle prend fin lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Avec la réquisition des palais hôteliers pour l‘armée Suisse, ceux-ci se dégradent et dans les années cinquante, la plupart des magnifiques bâtiments Belle Époque sont démolis. Ils ne correspondent plus à l‘esprit du temps avec l‘essor économique des années cinquante et ne paraissent plus assez confortables à une nouvelle clientèle, souvent motorisée.
Werner Bandi hérite de sa mère un charmant chalet, en 1951. Il travaille en qualité de commis voyageur et plus tard devient cadre de l‘entreprise de cartonnage Hoffmann, à Thoune. Son imposante Dodge Sedan à quatre portes attire l‘attention, car cette flamboyante voiture américaine n‘aurait guère pu être payé avec son salaire.
Cet homme élégant d‘un certain âge est un marginal dans la petite ville et vit très reclus. Les riverains du quartier Kornmatt n‘aperçoivent leur voisin qu‘en soirée, quand il promène son chien. En journée, c‘est la gouvernante Hulda qui effectue cette tâche.
Une ancienne voisine raconte que les enfants ont été sommés d‘éviter la maison « Bandi » en-dessus de la gare de Spiez car en fin de semaine, celle-ci était fréquentée exclusivement par une gente masculine, jeune et belle. L‘un de ces jeunes hommes est Alfred Jonathan « Bob » Steffen, le modèle préféré du photographe.
Bob Steffen par Werner Bandi, vers 1943
Bob Steffen, né en 1928 et décédé en 2012, est appelé par sa mère affectueusement « Bobes. » Comme Werner Bandi, il est le cadet d‘une fratrie de trois enfants, mais d‘origine bien plus modeste. Son père est un « charmant vaurien », la mère fait des ménages et lave le linge, pour assurer les besoins de la famille. Situé un peu en dehors du centre de Berne, le quartier Steinhölzli où habite la famille est peuplé de personnes de condition modeste. On y cultive des jardins potagers pour pouvoir en partie s‘autoalimenter. Bob Steffen ne connait pas le luxe en tant qu‘enfant et adolescent.
En 1943 – Bob fréquente encore l‘école – il fait la connaissance, dans le quartier chaud autour de la gare centrale de Berne, d‘un chirurgien nommé Juri. Celui-ci le présente à Werner Bandi, âgé de cinquante-deux ans à l‘époque qui est toujours en quête de modèles de nu. De cette rencontre naît une relation qui durera vingt ans.
Pendant la guerre, Bob, avec le consentement de sa mère, accompagne Werner Bandi plusieurs fois au Tessin, à Ascona et la vallée de la Maggia. Plus tard, lorsqu‘on pouvait à nouveau quitter la Suisse, les deux hommes se rendront à Ischia et feront des croisières ensemble.
Bob Steffen par Werner Bandi sur l'Augustus Genova
Dans les années 1949, 1950 et 1951, le couple inégal passe des vacances à bord de l‘ « Augustus Genova » et d‘autres navires de luxe. Le jeune homme séduisant réussira de faire sortir Bandi de sa réserve vis-à-vis d‘autrui. Celui-ci a le plus souvent sa camera sous la main et photographie Bob lorsqu‘il danse, dîne, flirte ou flâne – en costard élégant, en tenue décontractée, en maillot de bain ou dans le plus simple appareil.
Bob Steffen, en haute mer, Werner Bandi, vers 1950
Bob Steffen, autoportrait, vers 1955
Avant de mourir, en 1964, Bandi ne peut désigner Bob Steffen, alors déjà décorateur d‘intérieur à succès, comme légataire universel – malgré ses intentions dans ce sens. Par contre, son trésor photographique, ses photos de nu et les prises de vue de leurs voyages et croisières en commun, il les lui avait déjà mis à disposition plus tôt.
En 2012, Bob Steffen cède à son tour son fonds photographique à l‘association « Bob, le Flaneur », qui, en 2015, met en scène au Kornhausforum de Berne l‘exposition au nom homonyme, consacrée à sa vie et son oeuvre.
En 1942, le paragraphe du Code pénal suisse réprimant des actes homosexuels est aboli. La Suisse représente alors un cas à part. Cela permet aussi la création de la revue « Le Cercle » à Zurich, qui sera pendant de longues années l‘unique publication pour homosexuels au monde.
Le film « Le Cercle » de Stefan Haupt et le livre « Der Kreis – Eine Sammlung » témoignent de manière impressionnante des luttes émancipatoires et de l‘ambiance répressive de l‘époque. Werner Bandi a dû être l‘un des abonnés du « Cercle », en 1946, sa première photo paraît dans cette revue. Tous les auteurs et photographes du « Cercle » utilisent des pseudonymes: Karlheinz Weinberger s‘appelle « Jim », George Platt Lynes devient « Roberto Rolf », Konrad Helbig s‘appelle « Petronius » et Werner Bandi simplement « un photographe suisse » ou pire comme anonyme.
Photo Werner Bandi
Photo Werner Bandi
Dans Le Cercle, la reproduction du nu intégral n‘étant pas possible, les parties génitales étaient soit retouchées soit la photo en question était distribuée à part en petit nombre, au format 8 × 12 cm, dans une enveloppe neutre, glissée dans une partie du tirage de la revue, par le biais du « Bilderdienst » (service des images).
Le plus fort tirage du Cercle se situera bien plus tard à quelque deux mille exemplaires et on estime que seul environ une centaine de photos à la fois ont été expédiées grâce au Bilderdienst. Et ce sont précisément ces photos que Werner Bandi avait fournies au service des images, ou le peu qui en a été préservée au fil du temps, qui réapparaissent occasionnellement sur le marché de l‘art.
A coté de Bob Steffen, il y a d‘autres hommes qui ont servi de modèle à Werner Bandi, sans toutefois pouvoir être identifiés. Toutes les photos mettant en scène des nus ont été prises dans la nature et beaucoup dans les environs proches de Spiez. Le lac de Thoune, le Kiental, le paysage montagnard sauvage autour du lac Oeschinen, avec les montagnes de plus de trois mille mètres Doldenhorn, Fründenhorn et Blüemlisalp servent de décor pour les photos de Bandi et jouent un rôle étrangement imposant. Il semble parfois que ce sont les parois rocheuses massives, les arbres tourmentés ou la mer près d‘Ischia et non pas le modèle qui détermine la photo.
Auf dem Felsen (Sur le rocher), 1945
Auf der Bergwiese (Sur la prairie de montagne), 1944
Auf der Lichtung (Dans la clairière), 1945
Bob, Berner Oberland (Oberland bernois), 1945
Le témoin de l‘époque, Ernst Ostertag commente: « Les photos préférées du service des images – aussi les plus sollicitées des abonnés – sont celles prises dehors, dans la nature sauvage. Grâce au petit format, elles pouvaient tout à fait être considérés comme des photos que l‘on avait fait soi-même ou reçu en cadeau, en guise de souvenir d‘un retour de vacances. Même si elles étaient découvertes par hasard, lors d‘une visite de famille ou en cas d‘accident, de fouille ou de mort si elles devaient tomber en de mauvaises mains. »
A cette théorie s‘oppose la mise en scène des poses, dont les modèles ne se rendaient probablement pas compte mais les photographes et une partie des lecteurs du Cercle en étaient certes conscients. Les classiques ou des œuvres connues sont reproduits ou adaptés avec récurrence: le Jeune homme nu assis en bord de la mer de Hippolyte Flandrin (1837, Louvre, Paris) existe en version Werner Bandi – évidemment photographié au lac de Thoune. D‘autres photographes, dont F. Holland Day, Wilhelm von Gloeden, Wilhelm von Plueschow ou plus tard Robert Mapplethorpe en ont fait leur version également.
Bob Steffen photographie de nu pour le magazine Der Kreis
Des accessoires, tels un arc avec sa flèche, on en retrouve fréquemment chez Werner Bandi. Souvent un bateau à rames sert de décor, et ne serait-ce que parce qu‘on peut photographier plus aisément loin des rivages. Imaginons aussi les efforts consentis pour amener un cheval en forêt afin de photographier un jeune homme nu sur son dos!
Im Wald (Dans la forêt), 1946
Mit Pfeil und Bogen (Avec arc et flèche), 1945
Bob Steffen
Sans doute, chaque photo de Werner Bandi est sujette à une forte intention créatrice, chaque position du bras, de la jambe ou de la tête légèrement étirée suivent certaines indications – rien ne semble laissé au hasard. Pour ce motif, les aménagements et surtout les poses des modèles peuvent paraître scénarisés d‘un point de vue contemporain. Bandi s‘inscrit ainsi dans la tradition photographique arcadienne, mais pour lui, les bords de la Méditerranée sont inaccessibles à cause de la guerre, il ne pourra les visiter que plus tard, raison pour laquelle les montagnes et lacs suisses deviennent son Arcadie.
Rückenakt (Nu de dos), 1946
Freunde (Amis), 1945
La technique photographique de 1900 avec ses longs temps d‘exposition demande toujours une certaine pose, un certain arrêt sur image dans le mouvement. Bandi, avec surement une technique plus moderne à disposition, s‘imprègne quand même de l‘esthétique qui s‘en dégage, et en fait son style marquant. Ce n‘est pas la modernité photographique des années vingt à trente qui le tente, ni les « nus héroïques » des nazis qui semblent l‘intéresser, du moins ils n‘ont pas d‘influence sur son oeuvre.
Bob Steffen als Aktmodell in klassischer Pose am Öschinensee, 1944
Il crée en 1943 sur l‘îlot Suisse visiblement un monde propre à lui. Werner Bandi, bien que photographe amateur, laisse une oeuvre particulière d‘une beauté singulière qui n‘est pas sans raison souvent attribuée à tort aux années trente. Il est établi que peu de matériel de cette époque a survécu, chacune des diapositives retrouvées grâce à la transmission à Bob au moment opportun représente une vraie aubaine. L‘épicurien Bob Steffen divertissait volontiers ses innombrables visiteurs avec des anecdotes de ses rencontres amoureuses, farfouillant dans les tiroirs, caissons, enveloppes et montrait ses photos. Il mentionnait souvent vouloir classer ces photos éparpillées dans des cartons imprégnés de goudron et de nicotine.
(Texte : Veronika Minder, Björn Koll Verein « Bob, le Flaneur »)
Les photos de Bob
Bob, Blüemlisalp, Bob Steffen 1945
Bob, Der Bogenschütze (L'archer), Bob Steffen 1945
Bob Vor dem Doldenhorn (Sommet de Suisse), 1944
Bob Vor der Berghütte (Devant le refuge de montagne), 1944
Im Kiental (Vallée de Suisse), Bob Steffen 1945
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Politique
vendredi 6 avril 2018
Tant d'années, tant de luttes.
Petit florilège d'images des années de lutte pour l'obtention de droits civiques.
Partie 2 - Les années 80.
Une brève histoire du SIDA
A l'heure de l'émancipation, après les années de libération sexuelle des années 70, la communauté gay est frappée de plein fouet par une nouvelle maladie que personne ne connait. Durant cette décennie et la moitié de la suivante, c'est l'hécatombe. Les gays s'effondrent les uns après les autre dans l’incompréhension, la colère et le désintérêt des pouvoirs politiques qui sous-estiment ou pire, nient l'épidémie. L'apathie de leur réaction fit des milliers de morts.
L'histoire retiendra la date du 5 juin 1981 comme point de départ de l'épidémie de Sida. En effet, c'est en ce vendredi que les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains ont publié dans leur revue Morbidity and Mortality Weekly Report les premières conclusions marquantes au sujet de la maladie.
L'article scientifique décrit cinq jeunes hommes homosexuels de Los Angeles, tous touchés par une pneumopathie causée par la bactérie Pneumocystis carinii, à l'origine de la mort de deux d'entre eux au moment de l'étude. Cette pathologie se déclare lorsque les taux de lymphocytes T CD4+ (LT4), des cellules du système immunitaire, sont particulièrement bas. Or, ces LT4 sont la cible du VIH, même si on l'ignore encore à l'époque. Des analyses menées chez trois de ces patients révèlent effectivement une faiblesse immunitaire.
Le jour où le Grid est devenu SIDA
Au cours des mois suivants, le nombre de patients immunodéprimés est en recrudescence à l'échelle du pays. Dans un premier temps, les malades sont tous des homosexuels ayant eu de nombreux rapports. Ainsi est née l'hypothèse d'une infection sexuellement transmissible, qui ne sera confirmée que quelque temps plus tard. D'abord baptisée gay-related immunodeficiency disease (Grid), ce trouble immunitaire change de nom quand des personnes hétérosexuelles en présentent aussi les symptômes. La maladie devient alors acquired immunodeficiency syndrome (Aids). Traduit en français, l'acronyme deviendra SIDA, pour Syndrome d'Immunodéficience Acquise.
Le virus responsable est décrit pour la première fois dans le numéro de la revue Science daté du 20 mai 1983, après une première observation microscopique réalisée le 4 février de la même année par l'équipe de Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi. Si le lien de cause à effet n'est pas affirmé d'emblée, le virus, baptisé VIH (virus de l'immunodéficience humaine) en 1986, est suspecté de s'en prendre aux populations de LT4. Il est finalement jugé responsable du SIDA.
1980, l'année ou personne ne sait encore rien.
Castro Street Fair, San Francisco, California, August 17, 1980. Photo Paul Fusco.
GAY & PROUD, International Gay & Lesbian Freedom Day, San Fran
Halloween, Castro Street, San Francisco, California, October 31, 1980. Photo Blaine Di
International Lesbian & Gay Freedom Day, San Francisco, California, June 29
« L’affirmation d’une libération sexuelle avérée relevait d’un vœu pieux de la part des jeunes de la génération Woodstock. C’était peut-être vrai si on avait 18 ans et qu’on vivait à New-York ou dans le San Francisco du Summer Love (1967) : ces jeunes devaient avoir le sentiment incompréhensible d’appartenir à une génération unique, d’être les premiers à vivre une telle liberté. Mais c’était loin d’être la vérité générale. Et Edmund White a éclaté de rire et admis qu’il était un peu prématuré de crier victoire après Stonewall.»
Il soulignera que l’attitude de Reagan, lors de sa présidence de 1981 à 1989 a été indéfendable : « Il y a eu son silence, sa passivité, son abandon des malades à leur sort. Il y a eu plus de New-Yorkais morts du sida que d’Américains tués au Viet-Nam ! … Ce qui aggrave son cas, c’est que Reagan est sans doute le président américain qui connaissait et fréquentait le plus d’homosexuels, en toute connaissance de cause… plusieurs de ses amis sont morts du sida. »
En 1980, aux USA, les psychiatres ôtent l’homosexualité de la liste des troubles sexuels du comportement figurant dans le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) publié pour la 1ère fois en 1952 listant près de 100 pathologies, avec des révisions en 1968, d’autres suivront en 1994 (ce sera le DSM 4, 294 pathologies), avant d’attendre celle de 2013 (DSM 5)
1981
Le US Centers for Disease Control (CDC) est informé du taux anormalement élevé de maladies rares, la pneumonie Pneumocystis carinii (PPC) et le sarcome de Kaposi chez les jeune hommes homosexuels.
5 juin 1981 : aux USA, le Bulletin épidémiologique des CDC d’Atlanta annonce l’apparition de ce qui pourrait être une nouvelle maladie ; à Paris, Willy Rozenbaum établit un lien entre cette information et les signes cliniques d’un de ses patients
On donne d’abord à la maladie le nom de Gay-Related Immune Deficiency (GRID) car elle ne semble toucher que les hommes homosexuels.
10 mai 1981 : élection de François Mitterrand ; le Monde estime 2 jours après que « le vote homosexuel » a « contribué à la victoire du nouveau président », le journal Gai Pied titrera « 7 ans de bonheur ? » ; après l’élection de François Mitterrand, les mesures annoncées sont prises avec rapidité : circulaire Defferre pour la limitation du fichage homosexuel et du contrôle d’identité sur les lieux de drague (12 juin), dissolution de la brigade homosexuelle à la préfecture de police, la classification de l’OMS faisant de l’homosexualité une maladie mentale n’est plus reconnue par la France (la notification du gouvernement est du 12 juin)
Magazine «Gai Pied», juin 1981
12 juin 1981 : Circulaire Defferre pour la limitation du fichage homosexuel et du contrôle d’identité sur les lieux de drague ; dissolution de la brigade homosexuelle à la préfecture de police ; la classification OMS, adoptée par la France en 1968, faisant de l’homosexualité une maladie mentale (trouble mental) n’est plus reconnue ; le préfet Maurice Grimaud, directeur de cabinet de Gaston Defferre, écrit au responsable de la police nationale : « Mon attention est appelée sur l’attitude des services de police à l’égard des homosexuels… », il nomme « le groupe d’inspecteur spécialisé dans le contrôle des établissements fréquentés par les homosexuels », « les contrôles d’identité pratiqués dans les lieux de rencontre (où) des personnes seraient fichées comme homosexuels », il conclut « conformément aux orientations définies par le président de la République, aucune distinction, aucune discrimination, ni, à plus forte raison, aucune suspicion ne sauraient peser sur des personnes en raison de leur orientation sexuelle »
Septembre 1981 : Premier article dans Gai Pied sur « l’amour à risque », le « cancer gay » apparaît, Michel Chomarat rédige la notice nécrologique de Pierre Jeancard, mort du SIDA, auteur du livre culte La Cravache ; pour Gai-Pied, Jean le Bitoux a obtient la dernière interview de Jean-Paul Sartre, peu de temps avant sa mort.
Octobre 1981 : Le Parlement européen émet une résolution recommandant de mettre fin à toute discrimination à l’encontre des homosexuels.
20 décembre 1981 : Robert Badinter, Garde des Sceaux, prend la parole devant un hémicycle clairsemé, et des tribunes du public pleines à craquer, il cite Cambacérès et déclare « il n’est que temps de prendre conscience de ce que la France doit aux homosexuels, comme à tous les autres concitoyens. »
Robert Badinter
Extraits du discours de Robert Badinter, Garde des Sceaux du gouvernement Mauroy. Intervention à l’Assemblée Nationale, le 20 décembre 1981 :
"Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les députés,
La proposition de loi qui vous est soumise est de celles auxquelles le Gouvernement s’associe pleinement. [...]
Une évidence s'impose: pendant cent cinquante ans, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, de 1791 à 1942, la loi pénale française a refusé la répression de l’homosexualité en tant que telle, c’est-à-dire entre personnes consentantes, y compris si l’une d’elles ou les deux étaient des mineurs de plus de quinze ans. [...]
Les années 1791 à 1942 ne sont pourtant pas, historiquement, ce qu’on peut appeler une période de libertinage ou de laxisme dans les mœurs; c'est l'époque du triomphe de la morale bourgeoise, avec ce qu’elle comportait de valeurs et de rigueur au moins proclamées dans le domaine des mœurs.
Croit-on vraiment que si les champions de l’ordre moral si exigeants du XIXe siècle – qu’ils s’appellent Odilon Barrot, Mole ou le duc de Broglie - avaient considéré que la sauvegarde des mineurs contre ce qu’ils appelaient le "désordre des mœurs" passait par la répression pénale de l’homosexualité, ils n’auraient pas saisi les assemblées parlementaires, alors composées en majeure partie de notables, de projets de textes répressifs identiques à l’article 331, deuxième alinéa ? Rendons-leur à cet égard, témoignage; si Oscar Wilde a été condamné par la justice anglaise pour avoir séduit Lord Douglas, nous savons que Verlaine ne pouvait être poursuivi par la justice française pour avoir séduit Rimbaud, âgé de dix-sept ans, à moins d’ailleurs, que la séduction ne fût en sens contraire. Tous les rapports de police de l’époque témoignent que la liaison était notoire.
Alors, interrogeons-nous !
La justice anglaise s’est-elle trouvée grandie d’avoir détruit moralement et physiquement Oscar Wilde ?
Et l'homosexualité chez les jeunes gens de l’aristocratie anglaise s’est-elle trouvée réduite par ces pratiques répressives ? À lire les mémoires de l’époque, il est permis d’en douter.
En réalité, ces législateurs du XIXe siècle savaient fort bien - je n'ose pas dire par expérience séculaire - que jamais la répression pénale n’a eu à l'égard de l’homosexualité, la moindre efficacité.
Nul d’ailleurs ne le savait mieux que notre éminent prédécesseur, l’archichancelier de l’Empire, M. Cambacérès l’un des auteurs du Code pénal, bien connu au Palais-Royal sous le sobriquet de "Tante Urlurette". [...]
L’Assemblée sait quel type de société, toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. Cette discrimination et cette répression sont incompatible avec les principes d’un grand pays de liberté comme le nôtre. Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels comme à tous ses autres citoyens dans tant de domaines.
La discrimination, la flétrissure qu’implique à leur égard l’existence d’une infraction particulière d’homosexualité les atteint - nous atteint tous - à travers une loi qui exprime l’idéologie, la pesanteur d'une époque odieuse de notre histoire.
Le moment est venu, pour l’Assemblée, d’en finir avec ces discriminations comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France."
À la fin de la même année on signale des cas de SIDAchez les utilisateurs de drogues injectables.
International Lesbian & Gay Freedom Day Parade, San Francisco, California, June 1981.
Mandate, December 1981
BodyPolitic, Canada, October 1981
Marche nationale pour les droits et les libertés des homosexuels et lesbiennes » organisée par le Comité d’urgence anti-répression homosexuelle (CUARH) à Paris le 4 avril 1981
31 décembre 1981 : 11 cas de sida ont été recensés en France ; 17 cas cumulés seront identifiés a posteriori.
1982
La maladie est renommée Syndrome d’immunodéficience acquis (SIDA).
On se rend compte que la maladie peut être transmise par voie sexuelle.
Des cas sont signalés chez les hémophiles et les transfusés de sang.
Les premiers cas de sida sont signalés en Afrique.
En Afrique, découverte du 1er cas de contamination du VIH chez une femme
Le Canada signale son premier cas de SIDA en mars.
Janvier 1982, New York, création de la première association de lutte contre le Sida : GMHC (the Gay Men’s Health Crisis). Fin 1982 Londres : création de la Terrence Higgins Trust.
Le 2 janvier 1982, « Le Matin de Paris » titre « les homos punis par le cancer » et participe ainsi à la stigmatisation des « 4H » Homosexuels, Haïtiens, Héroïnomanes et Hémophiles. Après la libération des mœurs, le SIDA est ainsi montré comme une « punition » aux yeux de l’opinion publique.
Février 1982 : autour de Willy Rozenbaum et Jacques Leibowitch se met en place un groupe d’alerte sur le sida, la « communauté homosexuelle » est immédiatement informée.
Sur une proposition du ministre de la Justice, Robert Badinter, l'Assemblée Nationale vote le 27 juillet 1982 la dépénalisation de l'homosexualité. Avec l'abrogation de l'article 332-1 du code pénal, qui établissait une différence de majorité entre hétéros et homosexuels, désormais la majorité sexuelle est de 15 ans pour tous. L'homosexualité n'est plus considérée comme un délit. La loi du 4 août 1982 supprime le dernier texte pénal stigmatisant les relations homosexuelles.
Christopher Street Liberation Day, New York City, June 27, 1982. Photo Fred W. McDarrah
Juillet 1982 : le journal Gai Pied s’inquiète de l’arrivée du SIDA, en page 3 du n° 40 on parle du cancer gay illustré par la photo d’un homme miné « Marc 28 ans apprend brutalement qu’il a le cancer gai »; Jacky Fougeray dira : « Gai Pied n’a pas eu peur de parler du sida dès le début. Mais on ne mesurait pas son ampleur. On ne voulait pas sombrer dans le catastrophisme : on continuait alors de battre nos records de vente. »
Attendees, Reno Gay Rodeo, Reno, Nevada, August 1, 1982. Photo Bob Sorensen
Coordinators, Opening Ceremonies, Gay Games I, San Francisco, California, August 21, 1982. Photo JP Laffont.
4 août 1982 : loi n° 82-683 de dépénalisation de l’homosexualité – à la date anniversaire de l’abolition des privilèges de 1789 de l’aristocratie et du clergé – abrogation de l’alinéa 2 de l’article 331 du code pénal pénalisant les relations homosexuelles avec des mineurs de plus de 15 ans ; le Sénat refuse de voter le texte, Etienne Dailly rapporteur du texte déclare que la loi « laisse à penser à l’ensemble du pays que la pratique homosexuelle est devenue normale » ; le député gaulliste de l’Aveyron Jacques Godfrain pose une question écrite demandant au Gouvernement s’il ne lui semble pas nécessaire de lancer une campagne de publicité pour informer ma jeunesse des dangers de l’homosexualité ;
Robert Badinter déclare : « L’Assemblée sait quel type de société, toujours marquée par l’arbitraire, l’intolérance, le fanatisme ou le racisme, a constamment pratiqué la chasse à l’homosexualité. Cette discrimination et cette répression sont incompatibles avec les principes d’un grand pays de liberté comme le nôtre. Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels, comme à tous ses autres citoyens dans tant d’autres domaines. La discrimination, la flétrissure qu’implique à leur égard l’existence d’une infraction particulière d’homosexualité les atteint – nous atteint tous – à travers une loi qui exprime l’idéologie, la pesanteur d’une époque odieuse de notre histoire. »
International Lesbian & Gay Freedom Day Parade, San Francisco, California, June 27, 1982. Photo Carl Viti
Mardi Gras, New Orleans, Louisiana, February 23, 1982. Photo Constantine Manos,
Octobre 1982 : s’appuyant sur les articles 8 (droit au respect de la vie privée) et 14 (non-discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’Homme condamne la législation de l’Irlande du Nord britannique incriminant les actes homosexuels entre adultes consentants (arrêt John).
Participants, Gay Games I, San Francisco, California, August 1982.
Décembre 1982 : dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, le mot SIDA apparaît, en même temps que de nouveaux groupes à risques sont identifiés (homosexuels, toxicomanes par voie intraveineuse, hémophiles, Haïtiens, immigrés)
31 décembre 1982: 48 cas de SIDA ont été recensés en France (dont 28 homo-bisexuels masculins).
1983
On découvre que les femmes peuvent être infectées par le sida lors de rapports hétérosexuels.
En France, des médecins isolent un virus – le virus lymphadéno-associé (LAV) – qu’ils pensent être la cause du sida.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) commence une surveillance globale du sida.
Des cas de sida sont signalés au Canada, dans quinze pays européens, en Haïti, au Zaïre, dans sept pays latino-américains et en Australie.
En Russie, décriminalisation de l’homosexualité.
Libération du mardi 17 mai 1983
20 mai 1983, la revue "Sciences" publie les travaux de l'équipe française des professeurs Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi de l'Institut Pasteur et de l'AP-HP sur le rétrovirus du SIDA. La découverte ne sera confirmée définitivement qu’en 1984. Ils devancent l'équipe américaine du professeur Robert Gallo. La primo-découverte française finit par être reconnue officiellement en juillet 1994 et couronnée en décembre 2008 par le prix Nobel.
Luc Montagnier, Jean Claude Chermann – oublié par l’académie Nobel – et Françoise Barré-Sinoussi en 1983, Institut Pasteur, Paris.
Le virus du Sida (en jaune) attaquant un lymphocyte T4
Les HSH (Homme ayant des relations sexuelles avec des hommes) sont exclus du don du sang en France.
Newsweek, April 18, 1983
1,112 AND COUNTING, by Larry Kramer, New York Native, March 14, 1983
18 juin 1983 : la Gay Pride est désertée : « Le triste cortège des gays », titre Libération ; le cortège lesbien ouvre la marche mixte du CUARH « Pour que vivent nos amours, le lesbianisme est politique » avec Espaces, les Feuilles vives, Lesbia, MIEL et le Trèfle. Pour la 1ère fois des chars commerciaux défilent.
Août 1983, Paris, le docteur Patrice Mayer crée la première association française : VLS / Vaincre Le SIDA (placée en liquidation en 2000). Ainsi ce sont les gays qui vont prendre en charge la lutte contre cette maladie avec ces associations qui visent à soutenir les malades et à lever des fonds pour la recherche contre le SIDA. Cela modifiera en profondeur le rapport des malades à la médecine résumé par « rien pour moi sans moi ».
Christopher Street Liberation Day Parade, New York City, June 26, 1983
Klaus Nomi
6 août 1983 : Klaus Nomi meurt du SIDA à 39 ans, le correspondant de Libération note qu’il est mort comme près de 600 homosexuels ou toxicomanes new yorkais.
31 août 1983 : le Parisien libéré titre « La peste rose, le SIDA »
Christopher Street Liberation Day street fair, The Ramrod Bar, New York City, June 25, 1983. Photo Richard C. Wandel
Christopher Street Liberation Day, New York City, June 26, 1983. Photo Thomas Hoepker
Christopher Street Liberation Day, New York City, June 26, 1983. Photo William Gale Ge
Gay Firefighters, Gay & Lesbian Freedom Day, San Francisco, California, June 26, 1983. Photo Mo Schle.
31 décembre 1983 : 140 cas de SIDA cumulés ont été recensés en France (dont 84 homo-bisexuels).
1984
Une épidémie de SIDA chez les hétérosexuels est signalée en Afrique.
Les médecins du US National Cancer Institute identifient un virus – virus T-lymphotrope humain type III (HTLV-III) – qu’ils pensent être la cause du SIDA. Une poursuite judiciaire s’en suit quand il devient évident qu’il s’agit du même virus isolé par les chercheurs français en 1983.
La première conférence internationale sur le SIDA a lieu en Géorgie, aux États-Unis.
Aux USA, Liz Taylor bravant la réprobation politique lance le combat contre le SIDA.
Aux USA, Liz Taylor bravant la réprobation politique lance le combat contre le SIDA.
Keith Haring (4 mai 1958 - 16 février 1990), 1984. Photo Richard Corman
« Je pense que c'est là l'avantage de créer de l'art en ce moment: lorsque nous réalisons que nous sommes temporaires, nous sommes confrontés à notre autodestruction, nous réalisons notre destin et nous devons le confronter. L'art est la seule réponse primale sensible à une perspective de destruction possible. » - Keith Haring.
Aux USA, le journaliste Bernard Guetta découvre le drame du sida à San Francisco, il voit à l’hôpital « des jeunes gens qui agonisent, respirant mal et couverts de croûtes marron, le cancer de la peau que le sida provoque. C’est la peste et , dans l’un des derniers bars ouverts, les clients ne sont plus là pour draguer mais pour se serrer les coudes, silencieux devant leur bière… Malade un prof de New York lui dit qu’il sait qu’il n’en a plus pour longtemps mais qu’il ne supporte pas que ses collègues n’osent plus lui serrer la main », il lui serre la main mais en s’interrogeant tout de même sur le risque qu’il prend alors…
Il voit « des gens magnifiques, organisant une solidarité financière, soignant des mourants qu’ils ne connaissent pas, allant tous les jours à l’hôpital aider les infirmières qui font face stoïque, professionnelles, comme sur un champ de bataille. »
Il voit « des gens magnifiques, organisant une solidarité financière, soignant des mourants qu’ils ne connaissent pas, allant tous les jours à l’hôpital aider les infirmières qui font face stoïque, professionnelles, comme sur un champ de bataille. »
Gaétan Dugas
Décès du québécois Gaétan Dugas, cet agent de bord d’Air Canada qu’on désignait comme le « patient zéro », c’est-à-dire celui qui aurait introduit le VIH aux États-Unis et qui serait à l’origine de la pandémie de SIDA en Amérique du Nord. Une étude vient de mettre à mal cette erreur scientifique.
Parution du livre de Edmund White Le jeune américain ; White s’interroge alors sur la difficulté d’imposer le concept de « littérature gay » qu’il assume, mais dont il est victime, les écrivains dont il connait l’homosexualité se gardant bien de s’afficher de peur de dévaloriser leurs œuvres : « Avant que soit inventée la catégorie littérature gay, des livres au contenu homosexuel (Un garçon près de la rivière de Gore Vidal, La chambre de Giovanni de James Baldwin, Un homme singulier de Christopher Isherwood) avaient un grand écho critique dans la presse et étaient devenu des best-sellers. Après avoir reçu l’étiquette « gay », ils ont été rejetés comme n’intéressant que les homosexuels » ; White trouve « un peu agaçant » que les « valeurs sûres (Jasper Johns, Cy Twombly, John Ashbery, Elisabeth Bishop, Susan Sontag, Robert Wilson) ne se soient jamais avouées homosexuelles » alors que « nous, les artistes ouvertement gays, nous devons affronter les jugements dédaigneux ou condescendants »
Gai Pied Hebdo n°132 du 25 au 31 août 1984
Février 1984 : aux USA, à San Francisco un groupe de militants gais conduit par Larry Littlejohn annonce vouloir fermer les saunas et backrooms de la ville afin de lutter contre la propagation du SIDA, la maire de la ville, Diane Feinstein, ne tranche pas et confie une mission d’étude au Dr Mervyn F. Silverman, celui-ci conclura le 30 mars contre la fermeture autoritaire des établissements de consommation sexuelle gaie, mais en tant que chef des Services de santé de la ville il fait prendre à la fin mai 1984 un décret qui implique la fermeture de tous les saunas de la ville ; les militants gays engagent un combat contre ce décret illégal et contre-productif et la décision est suspendue.
Au niveau des Etats-Unis la Moral Majority se déchaîne et début 1985 le Congrès autorise le Secrétaire d’Etat à la Santé de prendre les mesures nécessaires pour obtenir la fermeture des saunas homosexuels, le Surgeon General, autorité médicale suprême à Washington pourra demander à tout établissement de fermer pour raison de santé publique. En fin d’année les autorités sanitaires de New York ferment à titre provisoire le Mineshaft, sado-maso, et le St. Mark’s Bath, le plus renommé ; dans les faits les clients de ces lieux se montrent de plus en plus frileux, la fréquentation baisse et les rapports sexuels deviennent plus prudents.
Au niveau des Etats-Unis la Moral Majority se déchaîne et début 1985 le Congrès autorise le Secrétaire d’Etat à la Santé de prendre les mesures nécessaires pour obtenir la fermeture des saunas homosexuels, le Surgeon General, autorité médicale suprême à Washington pourra demander à tout établissement de fermer pour raison de santé publique. En fin d’année les autorités sanitaires de New York ferment à titre provisoire le Mineshaft, sado-maso, et le St. Mark’s Bath, le plus renommé ; dans les faits les clients de ces lieux se montrent de plus en plus frileux, la fréquentation baisse et les rapports sexuels deviennent plus prudents.
28 novembre 1984, pour Daniel Defert, sociologue né le 10 septembre 1937, ce sont les mensonges et malentendus sur le SIDA, lors du décès de son compagnon, le philosophe Michel Foucault, mort du sida le 25 juin 1984 qui l'ont conduit à déposer les statuts de l'association AIDES.
Fin décembre 1984 : Mise au point du test Elisa. Il sera peu à peu disponible en France en 1985. Les militants homosexuels, inquiets d’un éventuel fichage, sont hostiles au test, et le font savoir.
31 décembre 1984 : 377 cas de SIDA ont été recensés en France (dont 232 homo-bisexuels)
1985
En France, premiers essais d'un anti-rétroviral, l'AZT, qui sera autorisé en mars 1987.
Apparition des 1ers tests de dépistage du SIDA.
Aux USA, à Denver dans le Colorado, conférence médicale mondiale où le langage de présentation médicale est hermétique et inaccessible aux malades du SIDA ; un groupe de séropositif décide la rédaction d’une dizaine de principes, une charte qui met les malades au centre de la recherche, « les principes de Denver, ce sera la charpente idéologique du militantisme SIDA » dira Didier Lestrade, fondateur d'ACT UP Paris.
Gay & Lesbian Pride Rally, Chicago, Illinois, June 1985. Photo Alan Light
23 juillet 1985 : En France, arrêté ministériel qui institue le dépistage obligatoire des anticorps anti-LAV pour tout don de sang (applicable au 1er août).
Heritage of Pride Parade, New York City, June 30, 1985. Photo Homer Sykes.
GAI PIED HEBDO 185 - 01 09 1985
2 octobre 1985 : aux USA, décès de Rock Hudson, 59 ans ; beau comme un dieu avec une carrure d’athlète, considéré comme l’incarnation de la virilité et de l’image traditionnelle de l’homme depuis les années 1950 ; il avait été hospitalisé à Paris, le sida a désormais un visage (il est la 1ère victime people connue de tous), il a alors annoncé sa maladie et fait état de son homosexualité deux mois plus tôt le 25 juillet en répondant à un journaliste, ne pesant plus que 55 kg, il se décrivait comme « une épave à la dérive » ; à partir de cette annonce aucune compagnie aérienne n’a accepté de le transporter, c’est un boeing 747 privé qui l’a ramené aux USA ; par peur de la maladie, plus personne ne voulait le toucher.
Lesbian & Gay Freedom Day Parade, San Francisco, California, c. 1985. Photo Saul Bromberger & Sandra Hoover.
GAI PIED HEBDO 188 - 01 10 1985
Tuoko Laaksonen and his protégé Durk Dehner, The Eagle, San Francisco, California, 1985.
San Francisco, California, c. 1985. Photo Thomas Alleman
GAI PIED HEBDO 193 - 01 11 1985
1986
Le premier test sanguin de détection du SIDA est breveté par la US Food and Drug Administration (FDA).
On découvre que le VIH peut être transmis de mère à enfant quand elle nourrit au sein.
La première conférence canadienne de recherche sur le SIDA a lieu à Toronto.
31 décembre 1986 : 2 213 cas de SIDA ont été recensés en France (dont 1 363 homo-bisexuels).
Atlanta, Georgia, July 3, 1986. Photo John Spink
Constitutional state laws criminalizing sodomy, c. July 1986. Photo Chuck Nacke
Couple, International Lesbian & Gay Freedom Day (Forward Together, No Turning Back), San Francisco, California, June 29, 1986. Photo Alan Light
En Espagne, « La Loi du désir (La Ley del deseo) » de Pedro Almodovar raconte la liaison d’un écrivain célèbre et d’un adolescent, avec Antonio Banderas, l’absence de tabou sur les scènes de sexe marque le succès du film chez les gays.
GAI PIED HEBDO 220 - 01 05 1986
Une annonce paraît dans les pages « Rézo » de Libération, l’association de médecins Santé et Plaisir gay propose des rendez-vous de sexe sans risque à Paris, les jack-off parties, des rencontres de groupes où les participants ne font que se masturber.
Au Danemark les couples homosexuels qui prouvent qu’ils vivent sous le même toit bénéficient des mêmes droits de succession que les couples hétérosexuels.
Heritage of Pride Parade, New York City, June 29, 1986.
4 mars 1986 : l’émission Les Dossiers de l’écran, en France, est consacrée au SIDA, Willy Rozenbaum, Luc Montagnier et des volontaires d’Aides y participent.
20 mars 1986 : Jacques Chirac est nommé Premier ministre. Michèle Barzach devient ministre délégué à la Santé et à la Famille auprès de Philippe Séguin.
Guy Hocquenghem
En France, parution du livre de Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary. Il fulmine contre la « consensualisation » du monde homosexuel qui correspond selon lui à la réintégration dans la société bourgeoise.
International Lesbian & Gay Freedom Day (Forward Together, No Turning Back), San Francisco, California, June 29, 1986. Photo Alan Light
En Allemagne le Dr Mutter propose le tatouage des malades du SIDA et des séropositifs, aux USA Lyndon Larouche demande la mise à l’écart des malades du SIDA.
Keith Haring (May 4, 1958 – February 16, 1990), c. 1986. Photo Tseng Kwong Chi
En France, sortie du film Tenue de soirée de Bertrand Blier, avec Gérard Depardieu et Michel Blanc qui joue le rôle d’un hétérosexuel qui devient homosexuel par amour.
GAI PIED HEBDO 245 - 01 11 1986
Gai Pied Hebdo tire à 40 000 exemplaires sur 76 pages, et emploie environ 40 personnes, les couvertures laissent tomber les beaux mecs nus au profit des peoples. Le magazine lance sur le minitel son tout nouveau réseau télématique le 36 15 GPH. David Girard, le roi de la nuit Gay parisienne, propriétaire d'établissements comme le King Night, le King Sauna, Haute Tension, le restaurant Chez David, les 2 journaux GI etTorso, et d'une fabrique de poppers, lance le 36 15 GI. Lancé en France en 1982 par les PTT, le minitel, outil de communication, pour certains ancêtre d'internet, devient une plateforme à succès pour la drague gay.
Le minitel
Septembre 1986 : en Grande-Bretagne, les délégués du parti travailliste approuvent une résolution demandant que la défense des droits des homosexuels et des lesbiennes figure dans la plate-forme électorale du parti sous l’impulsion du député Christ Smith.
31 octobre 1986 : au Vatican, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie la Lettre aux évêques sur la pastorale des personnes homosexuelles : « Il faut fermement déplorer que les personnes homosexuelles aient été et soient encore l’objet d’expressions malveillantes et de gestes violents. Pareilles réactions méritent la condamnation des pasteurs de l’Eglise… Quand on introduit la législation civile pour protéger un comportement auquel nul ne peut revendiquer un droit quelconque, ni l’Eglise ni la société dans son ensemble ne devraient s’étonner que d’autres opinions et pratiques déviantes gagnent également du terrain et que croissent les réactions irrationnelles et violentes… On doit éviter la supposition que le comportement homosexuel est toujours et absolument compulsif, et dès lors irresponsable. Il faut reconnaître à ceux qui ont ne tendance homosexuelle la liberté fondamentale qui caractérise la personne humaine et lui confère sa dignité particulière. En raison de cette liberté, l’effort humain, éclairé et soutenu par la grâce de Dieu, pourra leur permettre d’éviter l’activité homosexuelle. »
Coluche, Patrick Sabatier, carlos en bébé, Le Luron, George Guétary, 25 septembre 1985
13 novembre 1986 : mort de Thierry Le Luron, qui avait « épousé » Coluche au musée de cire de Montmartre, le 25 septembre 1985 pour parodier le mariage d’Yves Mourousi qui se tiendra 48h plus tard. Il faudra attendre 26 ans pour apprendre qu’il est mort du SIDA, sa sœur (Martine Simon-Le Luron) abordera pour la première fois son homosexualité et sa liaison avec un danseur argentin Jorge Lago. Son compagnon Daniel Varsano mourra lui aussi.
Lesbian & Gay Freedom Day, San Francisco, California, June 29, 1986. Photo Alan Light
27 novembre 1986 : Michèle Barzach déclare le SIDA « grande cause nationale pour l’année 1987 ». Aides reçoit une subvention pour 1986, qui reste faible (490 000 francs).
19 décembre 1986 : le gouvernement décide d’autoriser la publicité pour les préservatifs.
Décembre 1986, en France, Michèle Barzach, ministre de la santé, décide du remboursement à 100% des soins pour les malades du SIDA.
31 décembre 1986 : 2 213 cas de SIDA ont été recensés en France (dont 1 363 homo-bisexuels).
La FDA approuve le premier médicament antirétroviral, l’AZT.
L’OMS élabore la première stratégie globale de lutte contre le SIDA.
Le SIDA est la première maladie à faire l’objet d’un débat à l’assemblée générale des Nations Unies.
Diana, la Princesse de Galles, est photographiée en train de toucher une personne vivant avec le SIDA et crée un événement médiatique.
L’Heure de Vérité, le 6 mai 1987
Le 13 mai 1987, la France autorise la vente libre des seringues en prévention pour les usagers de drogue. Une loi autorise le dépistage anonyme et gratuit du VIH.
Octobre 1987 : la quasi-totalité des 2 000 malades du SIDA en France sont traités à l’AZT, le traitement est pris en charge à 100% par la Sécurité sociale et exclusivement distribué par les pharmacies centrales des hôpitaux. Seuls les malades atteints du sarcome de Kaposi pour lesquels l’AZT est inopérant, sont exclus du traitement ; le traitement est lourd (avec une gelule à prendre toutes les 4h), les effets indésirables sont importants (nausées, migraines, insomnies, douleurs musculaires en début de traitement, anémie grave, baisse sensible des globules entrainant le recours aux tranfusions sanguines.)
31 décembre 1987 : 4 458 cas cumulés de SIDA sont recensés en France (dont 2 614 homo-bisexuels).
Gay Pride, Paris, France, 20Juin, 1987. Photo Alain Nogues
27 janvier 1987 en France, levée de l’interdiction de publicité pour les préservatifs.
27 février 1987 : la ministre de la Santé, Michèle Barzach, autorise la mise sur le marché de l’AZT (Azidothymidine), commercialisée soius le nom de Retrovir, d’un coût élevé (57 000 F), très difficile à synthétiser (à partir de sperme de hareng), elle empêche le VIH de se dupliquer, mais l’utilisation en reste limitée ; aux USA après 9 mois de traitement, 94% des malades sont encore en vie (contre 60% des patients sans traitement) et après 1 an la mortalité ne dépasse pas 11% ; en France, l’autorisation de commercialisation est donnée seulement 6 mois après la fin des tests alors que les délais habituels sont proche de 10 ans.
16 mars 1987 : Charles Pasqua, le ministre de l’intérieur français, menace d’interdiction à la vente aux mineurs Gai Pied Hebdo ; le 18 mars Gérard Vappereau directeur de publication reçoit une lettre recommandée, à en-tête du ministère de l’Intérieur, qui invoque l’article 14 de la loi du 16 juillet 1949 (sur l’interdiction d’affichage des publications destinées à la jeunesse) et donne un délai de 15 jours ; l’AG des salariés et rédacteurs du 19 mars définit une stratégie de défense, la radio FG (Futur Génération) multiplie les flashs d’information ainsi que 3615 GPH, et TF1 diffuse un reportage dans son 20h, des signataires en vue signent une pétition (Henri Caillavet, Gilles Deleuze, Michel Denisot, Harlem Désir, Julien Dray, Marguerite Duras, etc.) ; le ministre de la Culture François Léotard parle de censure et d’erreur politique, Claude Malhuret ministre délégué aux Droits de l’homme déclare que la procédure est gelée , Charles Millon parle d’idée folle, le président Mitterrand se déclare contre toute censure, Jack Lang le ridiculise en lui offrant une reproduction d’un dessin pornographique de Picasso ainsi que les œuvres complètes de Rabelais.
En avril, Pasca poursuit sur sa lancée en installant Place Beauvau un « musée de l’horreur » destiné à dénoncer la pornographie. On y trouve exposé dans des vitrines des publications comme Gai Pied, L’Echo des savanes et même la BD RanXerox du dessinateur italien Tanino Liberatore.
27 avril 1987 en France, « le SIDA, il ne passera pas par moi » 1ère campagne grand public contre le SIDA (spot de J.J Beneix). Les pays-Bas ont communiqué dès 1983.
Campagne Sida 1987 - Archive vidéo INA
Gran Fury
L’administration Reagan interdit l’accès au territoire des USA aux personnes séropositives. De nombreux pays prendront des mesures de restriction ou d’interdiction.
En France, le 6 mai 1987 Jean-Marie Le Pen, invité de « L’Heure de Vérité » sur Antenne 2 déclare « le sidaïque est une espèce de lépreux » … « terriblement contagieux » … « par sa transpiration, sa salive et ses larmes » « C’est la sodomie, à 80%, qui est à l’origine du SIDA et l’usage des drogues à 18% » … « Certains disent qu’il suffirait de se doter de préservatifs pour se préserver : c’est faux ! »
qu’il faut regrouper dans des « sidatoriums ». Ces contre-vérités, terribles, provoquent un sursaut chez les responsables politiques mais laisseront des traces dans la perception du SIDA.
Le président Mitterrand évoque pour la première fois le SIDA de façon publique.
L’Heure de Vérité, le 6 mai 1987
Le 13 mai 1987, la France autorise la vente libre des seringues en prévention pour les usagers de drogue. Une loi autorise le dépistage anonyme et gratuit du VIH.
GAI PIED HEBDO - 01 06 1987
En URSS le SIDA cesse d’être nié, jusqu’alors il était le symptôme de la décadence bourgeoise.
En Grande-Bretagne, Margaret Thatcher, 1er ministre de 1979 à 1990, déclare : « Des enfants auxquels on devrait enseigner le respect des valeurs traditionnelles, s’entendent dire qu’ils ont un droit inaliénable à être gay. »
Gay Pride Parade, Los Angeles, California, June 1987. Photo Alan Light.
Aux USA, Larry Kramer très critique envers les membres du GMHC, fondé en 1981, fonde un groupe beaucoup plus militant Act Up (Aides Coalition To Unleash Power : rassemblement pour libérer les forces contre le sida), avec l’objectif de créer une large coalition de « sexual outsiders » (homosexuels, bisexuels, prostitués, transsexuels et leurs amis) ; Act Up New York essaime rapidement, il oblige le laboratoire Welcome à commercialiser l’AZT à 20% moins cher.
Larry Kramer
Lesbian & Gay Freedom Day Parade, San Francisco, California, June 28, 1987. Photo Thomas Alleman
Aux USA, mort de Liberace des complications du SIDA. Pianiste de Las Vegas, habitué des tenues de strass et de paillettes, catholique, fils d’immigrés italiens et polonais, devenu fabuleusement riche. Il était un homosexuel affiché malgré un contexte qui stigmatisait l’homosexualité.
Liberace, 1987
En République fédérale d’Allemagne, Ralf König, militant de la cause homosexuelle, fait une sortie remarquée du ghetto avec sa BD Les Nouveaux Mecs, son humour ravageur tourne autour du sexe, de la famille et de la religion.
GAI PIED HEBDO 289 - 01 10 1987
Le 14 décembre 1987, décès à Paris des complications du SIDA de Raúl Damonte Botana, dit Copi, est un romancier, dramaturge et dessinateur argentin francophone, figure majeure du mouvement gay, né le 20 novembre 1939 à Buenos Aires.
Copi
The AIDS Memorial Quilt, Washington, D.C., October 11, 1987. Photo Thomas Alleman
1988
Un sommet mondial des ministres de la santé de 148 pays se tient à Londres, Angleterre, pour élaborer une stratégie de lutte contre le SIDA.
Le directeur général de l’OMS annonce que le 1er décembre sera la première Journée mondiale contre le SIDA.
En France, Michèle Barzach met en place les CDAG (Centres de Dépistage Anonyme et Gratuit).
GAI PIED HEBDO - 01 01 1988
Janvier 1988 : le ministère de l’Intérieur de Charles Pasqua menace d’interdiction à l’affichage les deux magazines de David Girard, GI (Gay International) et Torso, mais l’affaire se dégonflera rapidement.
Aux USA, à Athènes, Elisabeth Taylor et Daniel Defert reçoivent le prix Onassis pour leur action contre le SIDA, après la remise du prix lors de la conférence de presse quelqu’un demande à Liz comment un sex-symbol comme elle pouvait faire la promotion du préservatif, elle répond avec force « je n’ai jamais entendu une question aussi stupide ». Elisabeth Taylor est présidente de l’American Foundation for Aids Research (AMFAR) depuis 1985.
Jacket Worn par David Wojnarowicz, ACT UP demonstration, Food and Drug Administration, Washington, D.C., October 11, 1988. Photo Bill Dobbs.
Mai 1988 : en Grande-Bretagne, Margaret Thatcher fait voter la clause 28 qui interdit toute propagande de l’homosexualité auprès des jeunes ; Boy George (né en 1961) ridiculise cette loi par la chanson No clause 28.
NATIONAL COMING OUT DAY… OCTOBER 11-1988 – National Gay Rights Advocates, Keith Haring
En Israël, dépénalisation de l’homosexualité, sur proposition du Meretz (gauche et écologiste) par simple suppression d’un article de loi hérité des britanniques, jamais appliqué.
En République Démocratique Allemande abolition définitive du § 175.
RESIST!, Refuse & Resist! flyer, Keith Haring
20 août 1988 : décès de l’écrivain et historien Jean-Paul Aron, 63 ans, à l’hôpital Claude Bernard. Le 30 octobre 1987, il publia une interview retentissante, Mon SIDA, dans Le Nouvel Observateur. Aron est la première personnalité française qui annonça officiellement sa maladie.
28 août 1988 : décès de Guy Hocquenghem des complications du SIDA, romancier, journaliste, leader du FHAR (front homosexuel de libération révolutionnaire).
Guy Hocquenghem (à gauche)
GAI PIED HEBDO - 01 05 1988
GAI PIED HEBDO - 01 11 1988
1er décembre 1988 : 1ère journée internationale contre le SIDA, placée sous l’égide de l’OMS, le slogan retenu est « Dites au monde ce que vous faites contre le SIDA » après que le principe en ait été décidé en juin 1988 lors du IVème Congrès international sur le sida à Stockholm. Plus de 700 manifestations sont prévues dans le monde, la journée est consacrée aux malades, aux séropositifs et au souvenir des milliers d’hommes et de femmes emportés par la maladie.
GAI PIED HEBDO - 01 11 1988
31 décembre 1988 : 7 503 cas de SIDA ont été recensés en France (dont 4 191 homo-bisexuels).
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1989
GAI PIED HEBDO N°354 - 01 01 1989
En France, création de l’ANRS (Agence nationale de recherché sur le SIDA).
Ottawa annonce des indemnités pour les personnes ayant contracté le SIDA à partir de produits sanguins contaminés.
AIDS Coalition To Unleash Power (ACT UP) members stage a die-in outside the New York Stock Exchange to protest the exorbitant price of the early HIV/AIDS treatment drug AZT, New York City, September 14, 1989. Photo Tim Clary,
GAI PIED HEBDO - Revue - 01 04 1989
Aux USA, à la fin des années 1980 la théorie queer se construit grâce aux travaux de Michel Foucault (Histoire de la sexualité, vol.1 La volonté de savoir, paru en 1976, et Surveiller et Punir, paru en 1975) avec les féministes Gayle Rubin, Judith Butler, Teresa de Lauretis ou Donna Haraway.
Le Grand Sommeil (The Big Sleep), Sisters of Perpetual Indulgence, San Francisco, 1989. Photo Jean-Baptiste Carhaix
9 mars 1989 : aux USA, Robert Mapplethorpe (1946-1989), élevé dans une famille très pieuse de 6 enfants, photographe, meurt du SIDA. Il a fait sa carrière dans le nu masculin tendance SM, les détournements érotiques de poses christiques, fréquentant les clubs cuir à la recherche de modèles et d’amants avec une boulimie rare, une quête sérieuse et pressante celle du pénis parfait, son club favori était le Minesshaft à New York (qui inspira le décor du film Cruising de William Friedkin) avec sa baignoire ; sa dernière exposition a provoqué un déchainement de haine après sa mort, aux USA. Avec son avocat ils ont créé une fondation en 1988, la fondation Robert Mapplethorpe, qui a permis de donner plusieurs millions de $ à des institutions agissant en faveur de la photographie et contre le SIDA, une part importante des archives a été cédée au musée Getty de Los Angeles et au Los Angeles County Museum of Art (LACMA) et le centre de traitement Robert Mapplethorpe à l’hôpital Beth Israel sera lancé au sud de Manhattan.
Robert Mapplethorpe, Self Portrait, 1983
24 juin 1989 : à Paris la Gay Pride rassemble 4 500 personnes, première participation officielle d’Aides et 1ère apparition publique de la toute nouvelle association Act Up avec le slogan « Silence = mort » , une quinzaine de « pédés séropos en colère » s’allongent par terre pour représenter les victimes du SIDA et dénoncer l’inaction publique (c’est la période où 35 000 personnes meurent du sida principalement dans les années 1980-1990 avant la mise en place des politiques de prévention publiques et l’arrivée des traitements). Act Up influera sur la politique de santé publique et de lutte contre les discriminations (reconnaissance de l’infection à VIH comme affection de longue durée, prise en charge à 100%, prise en compte des handicaps liés au VIH).
GAI PIED HEBDO N°369 - 01 05 1989
Le Danemark est le 1er pays à autoriser l’union de couples homosexuels en mairie via le Partenariat enregistré, même droits que pour les couples hétérosexuels excepté le droit à l’adoption et l’insémination artificielle.
Wall Street, New York City, September 14, 1989
26 juin 1989 : création d’Act Up Paris par Didier Lestrade et deux amis Luc Coulavin et Pascal R.-Loubet, journalistes à Rock and Folk, Libération et Gai Pied, sur le modèle d’Act-up New-York. Act Up Paris s’appuie sur les modes d’action du groupe et sur les propos du fondateur Didier Lestrade, Jean-Yves le Talec analysera que l’objectif central de lutte contre l’épidémie « s’appuie sur la figure de la folle fortement revendicative sur le plan de la sexualité et, en quelque sorte par extension, sur l’identité de la personne séropositive ». Le choix des premiers militants est d’utiliser à fond les média, à l’américaine, les manifestations éclair (les zap), ils veulent « donner aux jeunes l’envie de nous rejoindre ».
Didier Lestrade
Ils s’enchaînent dans les ministères jusqu’à obtenir les rendez-vous ; ils défileront pendant 3 ans devant le ministère de la santé, tous les vendredis jusqu’à ce que le ministre Bruno Durieux prenne publiquement position contre le dépistage obligatoire. Ils feront le siège de Jack Lang jusqu’à ce qu’il décide d’autoriser les distributeurs de préservatifs dans les collèges et les lycées. Ils iront distribuer des brochures en arabe à Barbès, alors que l’AFLS refusera de diffuser des brochures sur le préservatif en arabe. Ils distribueront des préservatifs en pleine messe à Notre Dame de Paris aux cris de « SIDA 750 000 morts, l’Eglise en veut encore ! Oui aux capotes, non aux sermons ! Eglise homophobe, Eglise criminelle ! »
Ils iront asperger de sang factice le Dr Habibi, directeur scientifique du CNTS lors d’un colloque sur la sécurité transfusionnelle. Ils menaceront de procéder à des « outing ». Aidés par ARCAT-sida (association de recherche, de communication et d’action pour le traitement du sida), ils mettront en place un groupe de travail avec des chercheurs et donneront leur avis sur les nouveaux traitement lors de rencontres avec les représentants des industries pharmaceutiques.
Gran Fury, RIOT. Stonewall ’69 - AIDS Crisis ’89, 1989
Novembre 1989 : premières campagnes de l’AFLS en direction des gais : « Dans safer sex, il y a avant tout le mot sexe », « J’aime les hommes qui aiment les hommes qui aiment le safer sex ».
31 décembre 1989 : 11 287 cas de sida ont été recensés en France (dont 6 038 homo-bisexuels).
Lien vers l'article précédent, Les années 70
Sources
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