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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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dimanche 13 mars 2016









samedi 8 août 2015



Kenneth Anger

Invocation of my Demon Bother, 1969










mercredi 21 mai 2014







mercredi 29 janvier 2014



Kenneth Anger
















dimanche 1 décembre 2013




Pål Hansen



Kenneth Anger pour the Observer













samedi 19 octobre 2013





Kenneth Anger, 1927. USA











Kenneth Anger, né à Santa Monica, en Californie, est un auteur, acteur et réalisateur américain, figure majeur du cinéma indépendant underground et expérimental et représentant de la contre-culture de l'après Seconde Guerre mondiale.

Il n'a réalisé que des courts et moyens métrages en 16 mm de moins de trente minutes, une quarantaine dont neuf sont réunis dans une anthologie intitulée "Magic Lantern Cycle". Son œuvre mêle surréalisme, homoérotisme et occultisme. Anger cite parmi les cinéastes qui l'ont inspiré, les frères lumières et George Méliès dont l'influence se fait particulièrement sentir dans Rabbit Moon, 1950. On y voit aussi l'influence de Cocteau et Genet dont on a publié les premiers poèmes. On lui prête d'avoir influencé à son tour de nombreux cinéastes comme David Lynch ou John Waters.

Dans les années 60 et 70 il a travaillé avec de nombreuses figures d'univers très différents, des occultistes comme le fondateur de l'église de Satan, le sexologue Alfred Kinsley, Jean Cocteau, Tennessee Williams, Jimmy Page, Marianne Faithfull. Il est également l'auteur de deux livres à sensation sur les mœurs d'Hollywood où il dit révéler les rumeurs et scandales des Stars d'Hollywood, Hollywood Babylon en 1959 et Hollywood Babylon II en 1986.







Son univers fantasmagorique, unique et personnel, en marge de la société, est empreint de magie, d'ésotérisme et d'occultisme et de violence. Il est initié à la magie par la lecture de " Histoire de la magie" d'Eliphas Levy. Devenu magicien, il nous livre un cinéma hallucinogène et onirique hanté par des forces obscures et des divinités.








L'occultisme, dont l'influence se ressent surtout dans The Pleasure Dome (1954), Invocation of My Demon Brother (1969) et Lucifer Rising (1972) est marqué par sa conversion à la religion du célèbre occultiste anglais Aleister Crowley (1875 - 1947), auteur notamment du Livre des Mensonges et d'un Journal d'un ami de la drogue, qui avait fondé son abbaye en Sicile. Crowley est le fondateur du satanisme moderne.





Aleister Crowley



Il part à la recherche de la légende d'Aleister Crowley avec Alfred Kinsley, en 1953, en Sicile, alors qu'il était venu en Europe pour réaliser un documentaire sur l'occultisme au XVIième siècle et le cardinale d'Este. Il avait demandé à filmer les fresques du temple édifié dans une villa et appelée Thélèma en référence à la Satire Gargantua et Pantagruel de Rabelais où l'Abbaye de Thélème était un anti-monastère où il n'y avait pas de règle et où tout était permis selon son plaisir et sa volonté, basée sur la magie sexuelle sans tabou.




Aleister Crowley, années 20







Aleister Crowley, Autoportrait, 1920











Même s'il modère nettement son implication dans l'occultisme bien des années plus tard en disant: "Je n'ai jamais pris l'Eglise de Satan au sérieux, c'était juste pour se marrer. Se prendre pour le diable".
Anger nous laisse néanmoins un monde emplit de symbolisme et de psychédélisme.








En abordant l'homosexualité de manière directe et personnelle (il joue lui même dans ses films) et en exposant à l'écran ses fanstasmes homoérotique notamment dans Fireworks, 1947 et Scorpio Rising, 1964, il est le premier cinéaste homosexuel dans une amérique où l'homosexualité est encore illégale. On ne redira jamais assez son importance dans la visibilité homosexuelle dans le cinéma américain et mondial.








Kenneth Anger est né Kenneth Wilbur Anglemyer à Santa Monica en Californie, le 3 février 1927, juste avant la grande dépression, dans une famille de la classe moyenne américaine. Son père, d'origine allemande, était ingénieur. Grace à sa grand-mère, costumière de cinéma, il s'intéresse très vite au septième art. Elle l'amène sur les tournages et dans les coulisses. En 1935, à l'age de 8 ans, il dit avoir fait ses débuts à Hollywood dans le film Le Songe d'une nuit d'été de Max Reinhardt et William Dieterle, dans le rôle du Prince Changleing. Mais ce fait a été contesté par les studios de la Warner, qui affirmèrent que le rôle avait été tenu par Sheila Brown. Il semble cependant avoir été confirmé par Mickey Rooney.





Kenneth Anger (ou Sheila Brown) Le songe d'une nuit d'été, 1935




A l'age de dix ans, il réalise son premier film, Ferdinant the Bull en 16 mm. Puis vint Who Has Been Rocking My Dreamboat. En 1942, un an après Pearl Harbourg, il réalise Prisoner of Mars, influencé par Flash Gordon.

En 1944, il déménage pour Hollywood et fréquente le lycée où il commence à s'intéresser à l'occultisme en lisant Le Magicien d'oz de L. Frank Baum et sa philosophie rose-crucienne ainsi que les oeuvres du magicien français Eliphas Lévi. Il y réalise un film avec la doublure de Shirley temple intitulé Demigods dans un premier temps, puis Escape Episode tourné dans un chateau "hanté".


Quand il découvre son homosexualité, Kenneth fréquente la scène homosexuelle underground. L'homosexualité, au milieu des années 40 est interdite aux Etats-Unis. La police, à l'époque tend des pièges pour arrêter les homosexuels. Anger tombe dans l'un de ces pièges. C'est alors qu'il décide de quitter ses parents et s'installe dans son propre appartement, abandonnant son nom familial pour celui d'Anger (la colère). Il s'inscrit à l'université de Californie du Sud en section cinéma et s'adonne au cannabis et au peyotl, drogues hallucinogènes. Il décide alors de réaliser un film qui évoquerait son homosexualité. Ce sera Fireworks, tourné en 1947 et projeté en 1948.





LE CYCLE DE LA LANTERNE MAGIQUE



Kenneth Anger a réalisé plus d'une trentaine de film dont 9 ont été réunis dans une compilation appelée le cycle de la lanterne magique. La lanterne magique est un objet, ancêtre du cinéma qui projetait des images fixes peintes sur des plaques de verre. Parmi ces neuf films se trouvent son premier véritable film, Fireworks, 1947 ainsi que son plus célèbre, Lucifer Rising, 1970-1980.

Ce cycle comprend : Fireworks, 1947. Puce Moment, 1949. Eaux d'Artifice, 1953. Inauguration of the Pleasure Dome, 1954 (remonté en 1966 sous le titre Sacred Mushroom Edition). Scorpio Rising, 1963. Kustom Kar Kommandos, 1965. Invocation of My Demon Brother, 1969 et Lucifer Rising, 1970 - 1980.






FIREWORKS, 1947

1947, 35mm, Noir et Blanc, 14 min.




Interprètes : Kenneth Anger, Gordon Gray, Bill Seltzer
Assistant : Chester Kessler
Musique : Respighi









Fireworks (Feux d'artifice) est le premier court métrage d'Anger. Réalisé en 1947, il fut projeté en 1948. la première version est présenté sans titre. Ceux-ci et le prologue narré ont été rajoutés par la suite. En 1988, Anger a présenté une version peinte à la main qui a été détruite dans un incendie. Il a également sortit une version colorée en bleu. Anger dit avoir réaliser le film avec l'appareil Kodak 16 mm de ses parents, quand il avait 17 ans alors qu'il en avait en réalité 20 (mais la date de sa naissance est, elle aussi, un peu floue, certains la place en 1930), dans la maison de ses parents, à Santa Monica, partis pour le week-end à Los Angeles aux funérailles d'un oncle.









Dans ce film de 20 minutes, Anger joue le rôle principal. Probablement inspiré par les émeutes de Zoot Suit de 1943 à Los Angeles, le film raconte le rêve érotique d'un jeune homme qui tire un plaisir absolu du passage à tabac par une bande de marins (les marins du film sont de véritables marins, amis d'Anger). Cette imagerie fantasmatique du marin sera également développée par Jean Genet dans Querelle de Brest, paru la même année, en 1947. On y suit un rêveur qui s'éteint dans la nuit la recherche de la lumière.


La lumière a triple sens, celle de la flamme qui allume la cigarettes puis qui met le feu à la chandelle romaine brandie comme un phallus, et celle bien sûr de l'initiation. La lumière est aussi une référence à ces maîtres occultes, Aleister Crowley et Lucifer, le porteur de lumière.  Il y décrit une recherche poétique et surréaliste jusque dans les actes de violence de la passion déchaînée. Les marins le dénudent, le battent à mort, lui versent du lait sur le corps et lui ouvrent la poitrine, y découvrant une montre en marche. Un marin brandit un feu d'artifice comme un phallus qui éjacule de la lumière et un arbre de Noël prend feu. On retrouve ici les artifices poétiques de Cocteau notamment du Sang d'un poète paru en 1930. La scène finale montre le jeune homme au lit en compagnie d'un homme nu dont le visage est masqué par un halo lumineux.









En 1966, Anger dira que "Ce petit film représente tout ce que j'ai à dire sur le fait d'avoir 17 ans, l'US Navy, le Noël américain et le 4 juillet. Il le décrit comme "le rêve d'un rêve", l'idée lui étant venue en rêvant. C'est la première fois qu'un fantasme homosexuel est représenté à l'écran. "Dans Fireworks, j'ai sorti toute la pyrotechnie explosive d'un rêve" dit Anger. Le film reçut un très mauvais accueil à sa sortie. Anger fut accusé d'obscénité et traduit devant la cour suprême de Californie qui décréta finalement que le film était une oeuvre d'art et non de la pornographie. Ce film fait résonance aux aspirations d'une jeunesse américaine attirée par les expériences sexuelles et psychédélique dans un esprit d'émancipation collectif.








L'un des premiers à s'intéresser au film, et a en acheter un exemplaire, fut le sexologue Alfred Kinsley, créateur de l'institute for Sex Research. les deux hommes restèrent amis jusqu'à la mort du scientifique. Anger l'aida même dans ses travaux.

Le film fut sélectionné par Jean Cocteau, en 1949 pour le festival du film maudit où il reçu le titre du film poétique. Cocteau décrira le film comme "venant de cette belle nuit d'où émergent les oeuvres vraies". Après que les deux hommes eurent échangé une correspondance, invité par Cocteau à Paris, Anger s'y rend et rencontre Henry Langlois, le directeur de la cinémathèque française, qui le prendra sous son aile. Il lui fera découvrir les films de Méliès qui inspireront son Rabbit's Moon . Anger reprendra sans cesse son film jusque dans les années 80 où il sortira finalement en VHS en 1986. fireworks reste une oeuvre fantasmatique sur la libération sexuelle, l'orgasme par la douleur, et le salut par l'amour.









« venant de cette belle nuit d'où émergent toutes les œuvres vraies » J. Cocteau





































LE FILM





























































































































































PUCE MOMENT, 1949 - 1953



Film 16 mm, sonore, 6 minutes

Interprète : Yvonne Marquis 
Musique : Jonathan Halper (à l'origine Anger avait utilisé une ouverture de Verdi)
Distributeur : Canyon Cinema
Tourné à Hollywood. Ce film est un fragment d'un projet abandonné intitulé Puce Woman


















Puce Moment est un extrait d'un film plus ambitieux qui devait s'intituler Puce Woman mais qui ne s'est pas tourné faute de financement. Ce film se veut un hommage au actrices du cinéma muet des années 20 à Hollywood. "Puce Woman était mon histoire d'amour avec Hollywood" dit l'auteur. L' idée originelle était de dépeindre des actrices, Miss Dawn, Miss Morning, Lady Noon, Dame Afternoon et Dowager Evening, à plusieurs moments de la journée. Puce Moment n'est qu'une partie de projet. Il n'en reste que 6 minutes où une actrice, Yvonne Marquis, fait sa toilette avant d'aller promener ses chiens. Après le film, Yvonne Marquis partit pour le Mexique où elle devint la maîtresse de l'ancien président Lázaro Cárdenas.









 Kenneth Anger explique le titre en ces termes: " Puce est la couleur de la robe à paillettes de l'actrice. C'est le nom donné à une couleur vert-violet irisée très en vogue dans années 1920". La bande originale était à l'origine tiré d'un opéra de Verdi. En 1966, Anger réédite le film avec une nouvelle bande son composé de deux titres folk-rock psychédélique réalisé par Jonathan Halpern, un inconnu, "Leaving the old man behind" et "I'm a hermit". 

Le film a été tourné dans la maison de Sampson De Brier, un acteur du cinéma muet, qui est apparu plus tard dans Inauguration of the Pleasure Dome en 1954. Les robes utilisées au début du film appartenaient à la grand-mère d'Anger qui était costumière pour Hollywood à l'époque du cinéma muet. Le cinéaste a essayé de rendre l'impression d'un film muet, où la vitesse des films était de 24 images par seconde, en accélérant la vitesse de son court métrage.























LE FILM





















































RABBIT'S MOON, 1950



Film 16 mm couleur, sonore, 7 min

Interprètes : André Soubeyran, Claude Revenant, Nadine Valence
Production : PUCK Film
Distributeur : Canyon Cinema

Le film a été commencé à Paris en 1950 en 35 mm noir et blanc, puis repris en 1972 en 16 mm coloré en bleu














En 1950, fuyant le maccarthisme et la chasse aux sorcières, Anger quitte les États-Unis pour la France, invité par Cocteau qui lui avait écrit toute son admiration pour son film Fireworks. Les deux hommes sympathisèrent et Cocteau proposa même à Anger de réaliser un film à partir de son ballet Le Jeune Homme et la Mort. Mais le projet n’aboutira jamais faute de financement. Cocteau présente Anger à Henry Langlois le directeur de la Cinémathèque française qui le fera travailler. Et surtout il lui fera découvrir les films muets de Méliès. 





Henri Langlois, 1914 - 1977











Pour Anger ce sera le déclic qui fera germer Rabbit's Moon dans son esprit. Rabbit's Moon est le film le plus onirique d’Anger. Anger réussi tout d’abord à en tourner 20 minutes dans les studios des Films du Panthéon avant de se faire expulser. Il cacha les bobines dans les archives de la Cinémathèque pour revenir les chercher en 1970 pour terminer son film et le sortir. Le film a été tourné en noir et blanc puis tiré avec un filtre bleu. Anger a peint lui-même à la main les décors de la forêt.







Il raconte l’histoire d’un clown triste en admiration devant la lune où réside un lapin blanc, légende tirée de la mythologie japonaise. Le Pierrot essaie de rejoindre la lune et de s’élancer dans les airs mais retombe inexorablement sur le sol. Soudain surgit Arlequin en costume sombre, menaçant et Colombine belle comme la lune. Et le Pierrot romantique tombe amoureux de la belle Colombine, mais celle-ci refuse ses avances. Alors le Pierrot s’élance vers la lune pour se jeter ensuite dans le vide et mourir tandis que dansent Colombine et Arlequin dans un monde parfait. La triste histoire d’un amour contrarié.

Ces personnages de la comedia dell’arte rappellent par leur mime très stylisé le Kabuki japonais. Le Pierrot est une référence au Fou du tarot d’Aleister Crowley, représentant la spiritualité, la créativité mais aussi la folie et la mort.
















































LE FILM





















































































EAUX D'ARTIFICE, 1953


Film 16 mm couleur, sonore, 13 min

Assistant caméraman : Thad Lovett
Interprète : Camilla Salvatorelli
Musique : extrait des Quatre saisons de Vivaldi
Costumes : Kenneth Anger
Distributeur : Canyon Cinema

Les images tournées à Tivoli (Italie) en noir et blanc, la nuit du solstice d'été 1953, ont été ultérieurement colorées en bleu






En 1953, Anger se rend en Italie dans le but d’y réaliser un film sur l’occultisme au XVIe siècle et plus précisément sur le Cardinal d’Este. Il filme une séquence de ce film dans les jardins de la villa du cardinal à Tivoli. Le film devait comporter quatre volets, mais les trois autres ne purent se faire faute de financement et Anger le sortit tel quel sous le nom d’Eaux d’artifice, en écho aux feux d’artifice de Fireworks. 








Eaux d’artifice est un film baroque où l’on voit une femme en costume du XVIIIe déambuler sur une musique de Vivaldi (le film a été coupé pour correspondre à la durée du morceau de L’hiver des quatre saisons) dans le labyrinthe du jardin peuplé par les esprits de l’eau, parmi les escaliers, les grottes, les sculptures les gargouilles et les fontaines (allusion aux penchants urophiles du cardinal ?) pour finalement se fondre avec une fontaine. Anger l’a définit comme « un cache-cache dans un labyrinthe nocturne ». Le film, comme Rabbit Moon, a été tourné en noir et blanc et tiré avec un filtre bleu avec pour seule exception, l’éventail qui apparait vert et qui a été peint à la main par Anger. L’actrice est Camilla Salvatori, une femme naine. Anger avait exigé une femme de petite taille pour que le jardin paraisse plus grand.





































LE FILM

















































Inauguration of The Pleasure Dome, 1954 - 1978



Film 16 mm couleur, sonore, 38 min

Interprètes : Samson De Brier, Cameron, Katy Kadell, Renata Loome, Anaïs Nin, Paul Mathison, Curtis Harrigton, Peter Loome
Assistant prise de vue : Robert Straede
Musique : Janacek
Le titre du film a été peint par Paul Mathison. La version de 1978 a été montée avec la musique du groupe Electric Light Orchestra.

Prix de l'Age d'or au festival international du film expérimental de Bruxelles, 1958
Tourné à Hollywood














En 1953, la mère d’Anger meurt. Il retourne alors aux Etats-Unis et fréquente la scène artistique californienne et participe notamment à une fête donnée par le couple Renate Cruks et Paul Mathiesin dont le thème était « venez en suivant votre folie » et où se trouvaient de nombreux thélémites. Anger s’y rendit déguisé en Hécate, la déesse grecque de la lune aux capacités de divinations et de sorcellerie, connue aussi comme la déesse des Enfers. Anger fut impressionné par la richesse et la beauté des costumes et en réalisa une peinture. Il demanda à plusieurs participants à la fête s’ils acceptaient d’apparaitre dans un film qu’il avait en projet de réaliser, Inauguration of the Pleasure Dome









Ce film, réalisé en 1954, sous-titré "Le rêve du Seigneur Shiva», est ouvertement le plus proche de son gourou, Alesteir Crowley et des thèmes de L’Eglise de Satan de L’Abbaye de Thélème. Il est truffé de symboles cabalistiques et on peut y voir une photo de Crowley fumant la pipe. Anger cite également plusieurs fois Crowley dans le commentaire. Le film de 38 minutes, en couleur, décrit une messe payenne où apparaissent des divinités comme Isis et Osiris. On y assiste à un rituel érotico-mythologique comme il pouvait s’en dérouler dans l’Abbaye de Thélème organisé par Crowley. 







L’écrivain Anaïs Nin y joue le rôle d’Astarté avec sur la tête la même cage à oiseaux qu’elle portait à la fête tandis qu’Anger tient le rôle d’Hécate. Le titre du film vient du poème Kubla Khan écrit par le poète romantique anglais Samuel Taylor Coleridge qui avait affirmé l’avoir écrit dans les vapeurs d’opium. La musique est du compositeur tchèque Leos Janacek. 

Inauguration of The Pleasure Dome est un film surréaliste dont la technique de superposition d’images et la saturation des couleurs renforcent l’atmosphère hallucinogène, c’est une convocation de magicien et de sorciers incarnés par les divinités de la mythologie. La femme écarlate, putain de ciel, fume un gros joint; Astarte de la lune apporte l'aile de neige, Pan offre les raisins de Bacchus; Hécate propose le champignon sacré, Yage, l'absinthe... L'orgie s'ensuit - une mascarade magique dont Pan est le prix. Drogue, liberté, plaisir.































































LE FILM 



Partie I 










Partie II





























Anaïs Nin (Astarté)








Kenneth Anger (Hécate)





























En 1955, Anger, accompagné d’Alfred Kinsley, se rendit en Italie, En Sicile, à Cefalù, là où Crowley avait fondé son église, l’Abbaye de Thélème avec ses disciples dans les années 20. Il y restaura les fresques érotiques et y réalisa des rituels selon la doctrine de Crowley. Il tourna un reportage pour la série Omnibus de la chaîne anglaise BBC. Kensey mourut l’année suivante et Anger, très attristé, se rendit à Paris. Ayant cruellement besoin d’argent, il écrivit Hollywood Babylon, un livre constitué de ragots sur les travers et penchants peu avouables des vedettes d’Hollywood. Ce que nous appellerions aujourd’hui un livre trash. Le livre fut tout d’abord publié en français par Jean-Jacques Pauvert. Une version incomplète paru en 1965 aux Etats-Unis, pour être finalement publiée en 1974.






SCORPIO RISING, 1963


Film 16 mm couleur, sonore, 30 min

Interprètes : Bruce Byron, Johnny Sapienza, Frank Carifi, John Palone, Ernie Allo, Barry Rubin, Steve Crandel, Bill Dorfmann, Johnny Dodds
Assistant pour les prises de vues extèrieures : Tony Bardusk
Musique : Little Peggy March, The Angels, Bobby Vinton, Elvis Presley, Ray Charles, The Crystals, The Rondells, Kris Jensen, Claudine Clark, Gene McDaniels, The Surfaris
Producteur : Puck Film
Distributeurs : Cinédoc PFC, Museum of Modern Art, Canyon Cinema

Filmé à Brooklyn, Manhattan et Los Angeles















En 1961, Anger retourne aux Etats-Unis avec en tête un projet sur la sub-culture biker, popularisée par d’autres artistes comme Tom of Finland et mise photographie par AMG. Le mythe fantasmagorique homosexuel du motard. Ce film s’appellera Scorpio Rising. Une vision subversive du mythe américain. Scorpio Rising fut jugé obscène. Il provoqua un choc et reste peut-être son film le plus populaire dans le cinéma underground. Anger nous plonge dans l’univers machiste du métal et du cuir, certaines scènes sont tournées dans un véritable club de motards à Brooklin. 








C’est peut-être son film le plus homoérotique. Il y rassemble tous les symboles de l’univers cuir. Les cranes humains, mais aussi plus controversées, des croix gammées. Anger engagea un motard nommé Richard McAuley dans le rôle de Scorpio. Il prétendit que les acteurs étaient tous des motards rencontrés à Coney Island en 1964. Le récit est mince et Anger juxtapose des images évoquant les thèmes de la foi, la spiritualité, l'homosexualité, le nazisme, la violence, le viol, la culture Biker. Il entremêle, encore une fois de façon surréaliste, les symboles bikers, les scènes de nu et les images religieuses en y incorporant une vidéo sur la vie de Jésus, tirée d'un film produit par Family Films, The Road to Jerusalem. On y voit également Scorpio profaner une église. 









Ce découpage en fait un précurseur des vidéos-clip. Il inspirera David Lynch notamment pour Blue Velvet. La bande son est constituée de 13 chansons issues du Top de l’époque comme Blue Velvet de Bobby Vinton, Torture de Kris Jensen ou I Will Follow Him de Little Peggy March. Pour Anger Scorpio Rising est « un miroir de mort tendu à la culture américaine… Thanatos en chrome, en cuir noir, et en jeans remplis à craquer.»








Ce film fit scandale à sa sortie et taxé d’obscénité, Anger dut comparaitre devant la justice. Il perdit son procès et le film fut interdit. Fort heureusement, le verdict fut annulé en appel par la Cour suprême de l'état de Californie. Dans un patchwork d’images d’inspiration pop-art, il mèle religion, homoérotisme, fétischisme, violence, revisitant le rebelle incarné par Marlon Brando où James Dean. Il nous livre également de façon frontale ses fantasmes. Comme avec Fireworks, il évoque sans honte son homosexualité qui est aussi à la base de sa création.








Jeunes gens musclés, cuir, drogue, alcool, initiation, rituel, sadomasochisme, mort sont comme dans Fireworks la base de ce film. Scorpio, jeune biker rebelle qui sniffe de la drogue vandalise une église puis assiste à une fête où un homme est torturé et humilié par des motards. Et là ou le héros de Fireworks était aspergé de lait, le protagoniste de Scorpio Rising l’est de moutarde. Le crane, l’imagerie nazie, la corde qui pend dans la chambre, nous montrent un artiste obsédé par le culte de la mort. Comme à chaque fois Eros et Thanathos.













































LE FILM





































































KUSTOM KAR KOMMANDOS, 1965



film 16 mm couleur, sonore, 3 min 30

Interprète : Sandy Trent
Musique : The Parris Sisters
Assistant à la prise de vues : Arnold Baskin
Distributeur : Canyon Cinema

Filmé à San Bernardino







Avec Kustom Kar Kommandos, Anger s’attache encore au fétichisme. Celui de jeunes américains pour leur voiture. L’engin se transforme en un ojet érotique qu’il caressent, non loin des motos de scorpio Rising. Mais ici l’univers est différent. Sa dominante rose semble bien loin de la violence et plus proche de l’univers parfait de la poupée Barbie. Là ou le noir du cuir virilisait les hommes dans Scorpio Rising, le rose les féminise. Il n’en reste pas moins la violence du titre, Kustom Kar Kommados, KKK, en allusion au Klu Klux Klan accolé au mot commando. 









Pour réaliser ce film, Anger, qui habitait San Francisco, s’adressa à la Fondation Ford qui disposait d’un budget pour les réalisateurs. Il s’agissait de créer une « vision érotique d'une Amérique contemporaine chez les adolescents ». Il reçu 10 000 dollars qu’il dépensa pour ses dettes personnelles et pour terminer ses films précédents. Si bien qu’il ne resta plus rien pour le film, et il se réduisit à une seule longue séquence. Celle d’un jeune homme lustrant sa voiture de course sur fond rose sur la chanson Dream Lover des Paris Sisters. On retrouve là l’obsession de l’auteur pour le rituel. 


Si le jeune homme fétichise sa voiture, Anger fétichise le jeune homme. Il en fait un objet de plaisir, s’attardant sur son entrejambe, la cadrant de façon provocante. Le rituel est un rituel de passage de la culture américaine. Le jeune homme qui acquiert sa première voiture. Il la caresse comme une femme, mimant un acte charnel, montre à ses amis comme elle est belle, puis finit par la pénétrer mais finit par partir avec son Dream Lover.


































































LE FILM






















































































INVOCATION OF MY DEMON BROTHER, 1969




Film 16 mm couleur, sonore, 11 min

Interprètes : Speed Hacker, Lenore Kandel, William Beutel, Van Leuven, Harvey Bialy, Timotha, anton Szandor La Vey, Bobby Beausoleil
Images : Kenneth Anger
Son : Mick Jagger
Distributeur : Canyon Cinema

Le film obtint le 10e Independant Film Award décerné par la revue Film Culture en 1969
Filmé à San Francisco et à Londres

"L'ombre de notre seigneur Lucifer avance, pendant que les forces du mal se rassemblent dans une messe de minuit. La revolution du magicien dansant autour de la force de la spirale tournoyante, de la swastika solaire, jusqu'a ce que Lucifer - le porteur de lumiere - fasse irruption." K. Anger









Dans ce film Kenneth Anger apparait à nouveau dans le rôle du Mage. Le film de 11 minutes a été tourné au Théâtre Right et à la Maison William Westerfeld (ancienne discothèque l’ « Ambassade de Russie ») à San Francisco. La musique est une séquence de synthétiseur jouée par Mike Jagger. D’après Anger il a été monté à partir de séquences qui devaient servir à la première version de Lucifer Rising.








Tourné entre 66 et 69, "Invocation of My Demon Brother" mixe les images d’un rituel luciférien et les bribes d’un concert des Rolling Stones, préfigurant la chute du Summer Of Love. Le milieu des années 60, l’émergence du mouvement Hippie, l’apparition du LSD, légal au début aux Etats-Unis alors qu’Anger était déjà un adepte des psychotropes, tout ceci était un terreau propice à la sortie du film. La guerre du Vietnam, dont les images d’actualités sont mêlées au film, nous apparait encore plus monstrueuse. Témoin de son temps, le cinéaste nous montre la fin de la décennie 60 aux Etats-Unis et le tournant de civilisation. 





Kenneth Anger filmant les Rolling Stones lors de leur concert de Hyde Park pour son film en 1969.










Anger avait déjà organisé des projections de ses films à un public sous LSD. A cette période Anger a acquis une certaines notoriété dans le cinéma undergroond et plusieurs cinéma passent ses films en une seule séance. Il se qualifia lui-même comme « le cinéaste le plus monstrueux de l'underground ». La notoriété d’Anger lui permit de rencontrer Anton LaVey le grand prêtre de L’Eglise de Satan qu'il fonda dans les années 60 et à qui il offrit un rôle dans le film.








Restant fidèle à l’imagerie satanique et les symboles de la mythologie Egyptienne, chers à Crowley, Anger offre une vision terrifiante de la guerre et de la puissance masculine en juxtaposant comme un collage des images d’actualité de la guerre du Vietnam, Woodstock, un concert des Rolling Stones, un rituel de messe noire et des bacchanales décadentes, comme un trip sous LSD, un film convulsif.









Même si sont présents l'imagerie satanique, les têtes de chats, les pentagrammes et l’évocation de la guerre, la mort, la drogue et la violence, tant de thèmes chers à l’auteur, ce film reste avant tout comme une expérience sensorielle. Il le décrit lui-même comme « une attaque sur le sensorium ». Il obtient cela par la surexposition des images et la saturation des couleurs (majoritairement rouge dans ce film).






































LE FILM
































Anton LaVey







Anton LaVey


































































LUCIFER RISING, 1970-72




Film 16 mm couleur, sonore, 30 min

Interprète : Marianne Faithfull, Kenneth Anger et des personnalités de la scène culturelle londonienne
Anger a remplacé en 1981 la musique de Page, du groupe Led Zeppelin, par une composition de Bobby Beausoleil.

















« [Lucifer est] un rebelle adolescent. Lucifer doit être joué par un ado. C'est du choix d'acteur selon le physique. Je suis païen et le film est une vraie invocation de Lucifer. Je suis beaucoup plus réel que von Stroheim. Le film contenait de vrais sorciers de magie noire, une vraie cérémonie, de vrais autels, du vrai sang humain, et un vrai cercle magique consacré avec du sang et du foutre. » Kenneth Anger









Lucifer Rising est à nouveau la célébration d'un rituel païen, l'avènement d'une nouvelle ère, l'Éon d'Horus, prophétisée par les écrits de Crowley, The Book of Law. Anger avait prévu de faire jouer Bobby Beausoleil, qui avait déjà joué dans Invocation of my Demon brother. Mais ce dernier, membre de la Famille Mason, était en prison pour meurtre. Il proposa le rôle de Lucifer à Mick Jagger qui refusa. Il obtint malgré tout l'accord de Marianne Faithfull pour tenir le rôle de Lilith. Il tourna 8 minutes qu'il montra à la National Film Finance Corporation en Angleterre et obtint une avance de 15 000 livres, ce qui lui permis de tourner en Allemagne, en Angleterre et en Egypte.








Lucifer Rising est le film le plus abouti d'Anger. Le cinéaste se lia d'amitié avec Jimmy Page, le guitariste de Led Zeppelin, qui s'intéressait également à Aleister Crowley et qui avait racheté une ancienne demeure de Crowley en Ecosse. Il demanda à Page de produire la musique du film. Mais après une brouille, le projet fut abandonné et la musique fut confié à Bobby Beausoleil depuis sa prison. Anger reprit dans le film le rôle du mage qu'il avait déjà interprété dans Invocation of my Demon Brother. On retrouve pour ce court métrage les personnages de Lilith, Isis, Osiris et Lucifer. 








Une version originale très différente de celle-ci avait été réalisée en 1966, mais fut volée et jamais retrouvée. Comme une antithèse à Scorpio Rising qui était un miroir de mort, ce film, regorgeant à nouveau de symboles occultes, parle de la génération de l'amour, du rituel du passage à l'ère du Verseau et de l'invocation de Lucifer, le porteur de lumière et non le diable. C'est un film sur la renaissance, une célébration de la puissance de la nature (foudre, éruption volcanique) et des anciens dieux. Pour Anger la clé de la joie est la désobéissance. Les lieux de tournages choisis, Karnak, Louxor, Avebury et Stonehenge apportent une dimension mystique aux images. Le réalisateur retravailla à plusieurs reprises son film pour enfin sortir une version définitive en 1981, dix ans après le début du projet.




































LE FILM





































































































Anger reste une figure majeure du cinéma d'avant garde de l'après guerre. Fasciné par l'occultisme, vouant une dévotion à son maitre Aleister crowley, il a mis en scène des films d'une étonnante diversité, du plus poétique avec Rabbit's Moon au plus violent avec Scorpio Rising ou Firworks. Il nous livre un cinéma onirique et surréaliste, peuplé de démons et de forces obscures. Un cinéma qui s'avère être un reflet des changements de la société américaine de l'époque. C'est aussi un cinéaste qui n'a pas hésiter à aborder son homosexualité à une période où cela était encore illégal, comme pour se venger de l'humiliation d'une arrestation alors que jeune homme, il découvrait sa sexualité et essayait de la vivre. Son œuvre est mince, peut-être trois heures de projection en tout. Il est étonnant de voir comme le sort s'est acharné sur cet artiste. Des films perdus, volés, saisis par la justice, détruits, d'énormes difficultés financières qui ont bien souvent mis un terme à ses projets. Malgré tout, il laisse une œuvre magique, insolite, originale, entièrement personnelle qui inspirera bon nombre de réalisateurs. Au-delà du Démon, Anger nous parle de nous et de lui.






La filmographie de Kenneth Anger

Les films en gras avec un astérisque sont des films considérés comme actuellement perdus.




1937 : Ferdinand The Bull
1941 : Who Has Been Rocking My Dreamboat *
1941-1942 : Tinsel Tree *
1942 : Prisoner of Mars *
1943 : The Nest *
1944 : Demigods (Escape Episode) *
1945 : Drastic Demise *
1946 : Escape Episode (version sonore raccourcie) *
1947 : Fireworks
1949 : Puce Moment
1949 : The Love That Whirls *
1950 : La Lune des Lapins/Rabbit's Moon (1972-1979)
1950 : Le Jeune Homme et la Mort (1951) *
1951-1952 : Les Chants de Maldoror (1951-1952, inachevé) *
1953 : Eaux d'Artifice
1954 : Inauguration of the Pleasure Dome (remonté en 1966 sous le titre Sacred Mushroom Edition)
1955 : Thelema Abbey *
1959-1961 L'Histoire d'O *
1963 : Scorpio Rising
1965 : Kustom Kar Kommandos
1969 : Invocation of My Demon Brother
1970-1980 Lucifer Rising
1976 : Senators in Bondage *
1977 : Matelots en Menottes
1979 : Denunciation of Stan Brakhage
2000 : Don't Smoke That Cigarette!
2002 : The Man We Want To Hang
2004 : Anger Sees Red
2004 : Patriotic Penis
2005 : Mouse Heaven
2007 : Elliott's Suicide - Tribute to Elliott Smith (1969-2003)
2007 : I'll Be Watching You
2007 : My Surfing Lucifer
2008 : Foreplay
2008 : Ich Will!
2008 : Uniform Attraction
2010 : Missoni


Sources