La Sécession viennoise
Ver sacrum, 1898-1903
J'ai eu le bonheur de trouver, sur le site de la bibliothèque universitaire Heidelberg, les numéros de la revue Ver Sacrum, fondée par Gustav Klimt, numérisés, en haute définition. Je vous fait partager cette découverte.
Couverture du premier numéro de Ver Sacrum par Alfred Roller, janvier 1898
Ver sacrum, revue mensuelle autrichienne fondée par Gustav Klimt (1862-1918) et Max Kurzweil (1867-1916) en janvier 1898, est l'organe officiel de la Sécession viennoise. Le titre provient d'un poème de Ludwig Uhland et fait référence à un rite antique. Elle disparaît en décembre 1903.
Gustav Klimt en 1887 à l'age de 25 ans
Max Kurzweil
Max Kurzweil - Etude de nu masculin, 1900. Huile sur toile. Le Belvedere, Vienne
Max Kurzweil - Femme dans une robe jaune, 1899. Huile sur toile. Musée des Beaux-Arts de Vienne
De son titre complet Ver sacrum, das Officielle Organ der Vereinigung Bildender Künstler Österreichs, cette revue est le reflet théorique et graphique, non seulement de la version autrichienne de l'Art nouveau, appelée Sezessionstil, mais aussi celui de toute une époque avec ses illustrations. Cependant, la revue se saborde en décembre 1903 après le départ de certains de ses fondateurs que furent Gustav Klimt, Koloman Moser et Josef Hoffmann : les derniers numéros attestent d'une évolution sensible vers de nouvelles recherches graphiques et une ouverture à des artistes femmes.
L'expression latine ver sacrum se trouve chez Tite-Live et signifie « printemps sacré ». L'inscription Ver sacrum orne le côté gauche du palais de la Sécession à Vienne et est un hommage à l’Antiquité : elle fait référence à un rite consistant, à l'occasion du printemps, à pousser les jeunes hors de leurs cités afin qu’ils puissent eux-mêmes fonder la leur. Ce rite était placé sous le signe de Mars, dieu des arts de la guerre, car l’installation dans une nouvelle patrie ne se faisait jamais sans quelques batailles. La revue ne fait que reprendre cette expression hautement symbolique, reflet du programme annoncé par la Sécession viennoise dès le début de l'année 1897 : le dessin de la couverture du premier numéro montre un arbre en pot dont les racines éclatent la base ; dans les feuilles de l'arbre, trois écussons vides, symbolisant la peinture, la sculpture et l'architecture : ce motif fut décliné durant plusieurs numéros et sur certaines affiches.
Ver Sacrum N°3 März 1898
Hygiena, la médecine
Histoire de ce tableau.
En 1893, Gustav Klimt, reçut la commande du ministre autrichien de l’éducation et de la culture d’une série de toiles qui devaient orner la grande salle ou Aula Magna de l’Université de Vienne. Le peintre Franz Matsch devait réaliser un large panneau central et Klimt était chargé de peindre seize pendentifs et trois toiles destinées aux facultés de philosophie, de médecine et de la jurisprudence. Dés 1898, il présente trois esquisses qui furent acceptées sans enthousiasme. En 1900 il présente une première version de la toile Philosophie à la 7ème exposition de la Sécession Viennoise (la version définitive date de 1907). Il peint sur cette toile, les trois ages de la vie, la naissance, la fertilité et la mort. Sur la droite, l'artiste a voulu représenter le "mystère terrestre" sous la forme d'une Sphinge (l'équivalent féminin du Sphinx).
Philosophie
La toile reçut le premier prix à l’Exposition Universelle à Paris. A vienne, c'est une autre histoire. L'université juge qu'elle présente une vision trop pessimiste de l’humanité et la nudité des personnages choque. Une pétition contre la toile est signée. « Ce n’est pas contre un art de la nudité, ni contre un art libre que nous nous battons, mais contre un art laid » répondirent-ils à Klimt.
Malgré cela, Klimt réalise la seconde toile, Médecine, qui est présentée à la 10ème exposition de la Sécession Viennoise, du 15 mars au 12 mai 1901. A nouveau Klimt peint l'enfance, la conception et la mort sous forme d'un squelette. Se dressant de façon hiératique, à l'avant du tableau, il représente Hygie, la déesse de la santé, fille du dieu de la médecine Asclépios. Encore une fois, la nudité choque. Et surtout la représentation de la médecine, dans des atours richement parées, à l'air hautain, ne convient pas à l'image humble et empathique que le jury attendait. La toile est rejetée.
Médecine, première version
Médecine, version définitive
Hygie
La dernière toile, Juriprudence est présentée à la 18ème exposition de la Sécession en novembre et décembre 1903. Il peint une étrange représentation de la justice. Au centre, trois femmes représentent l'allégorie de la Loi, la Justice et la Vérité. Elles condamnent un homme décharné au premier plan du tableau, englouti par une pieuvre. La réaction des commanditaires fut aussi négative que pour les premières toiles. Klimt refusa de peindre les seize pendentifs, remboursa les acomptes versés et démissionna.
Jurisprudence
Les toiles ne furent jamais accrochées et le gouvernement autrichien refusa leur présentation à une exposition organisée à Saint Louis, aux Etats-Unis, en 1904. Klimt réussit à les racheter à l’Etat en 1905 et les termina. Les trois toiles furent exposées à Vienne en 1907 et son ami, Koloman Moser acheta Jurisprudence et Médecine et le collectionneur d’art August Lederer acheta Philosophie.
Les toiles furent saisies par les Nazis en 1938, exposées en 1943, avant d’être emmenées à Schloss Immendorf, un château où elles devaient être conservées. En mai 1945, les forces allemandes mirent le feu au château et les toiles furent détruite. Il ne reste d'elles que des dessins préparatoires et des photos.
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