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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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dimanche 19 février 2012

La tribu Wodaabe ou les Peul Bororo (Niger)









Au centre du Niger, entre le désert du Sahara et les prairies, s’étend une immense steppe, le Sahel, parsemé de buissons épineux et d’arbres squelettiques. C’est sur ce territoire que vivent les Wodaabe, une tribu de quarante-cinq mille éleveurs, appartenant au peuple Peul, parmi les dernières à maintenir une existence entièrement nomade en Afrique.








Les Wodaabe ou Peul Bororo se déplacent toute l’année avec leurs troupeaux de zébus, chameaux, chèvres et moutons à la recherche de pâturages et d’eau. La vie nomade est la seule qu’ils acceptent de mener parce que c’est la tradition – un droit sacré qu’ils acquièrent en naissant et auquel ils sont attachés jusqu’à la mort.

Le terme wodaabe signifie « Peuple des Tabous », en référence aux règles sociales transmises par leurs ancêtres. Ils ont ainsi « un code de conduite qui prône le semteende (la retenue et la modestie), le munyal (la patience et le courage), la hakkilo (l’at tention et la prévoyance) et le amana (la loyauté).








Les Peul Bororo constituent encore un peuple mystérieux. Nomades, donc ne pratiquant pas la sculpture, leur créativité s’exprime essentiellement à travers les bijoux et l’art corporel auquel s’attachent des rites de séduction.








Une fois par an, vers septembre ou octobre, ils plantent leurs tentes pour une longue halte, temps nécessaire aux troupeaux pour paître une herbe gorgée de sel, leur permet. Pendant sept jours, jusqu’à mille hommes participent à des compétitions de danse sous le jugement des femmes, qui choisissent, parmi les hommes les plus désirables, maris et amants.








De nombreuses alliances se nouent, un Wodaabe pouvant avoir jusqu’à quatre femmes. La première épouse doit être une cousine, désignée par les parents du marié à sa naissance. Les autres sont choisies par amour. Les rencontres permettant ces mariages d’amour ont lieu lors du geerewol. La fête est dominée par trois danses : le ruume, qui comporte une danse de bienve nue le jour et une danse de séduction la nuit; le yaake, une compétition de charme et de personnalité; le geerewol (au cours de laquelle les jeunes hommes rivalisent pour le titre de beauté.








Pour les Wodaabe, le geerewol est la danse qui exprime le mieux le droit à la beauté, transmis par les ancêtres. Ils estiment aussi que cet héritage et leur talent à l’exprimer les distinguent des autres sociétés africaines. Les Wodaabe utilisent essentiellement deux termes, fijjo (le jeu) et gamol (la danse), auxquels certains ajoutent un troisième, bamol (la danse/la tresse)








Dès l’aube, assis à même le sol les hommes se préparent avec le plus grand soin : ils enduisent leur visage ainsi que leurs cheveux séparés en plusieurs tresses, de beurre de karité. L’odeur serait, dit-on, aphrodisiaque. Puis ils se peignent le visage divisé en deux par un trait médian de cou leur jaune. La peau est décorée de points ou de damiers et de petits traits blancs, jaunes et noirs pour mettre en valeur l’éclat des yeux, des dents et souligner la forme du front et celle des pommettes.

Les lèvres recouvertes d’un fard foncé sont parfaite ment redessinées. Après avoir absorbé une boisson stimulante, puis parés de leurs plus beaux atours, chapeaux coniques décorés de perles et de plumes, turbans, colliers, bracelets, verroteries et amulettes facilitant la victoire, les hommes peuvent enfin enta mer, devant le cercle des anciens et des femmes réunis, les danses de parade qui dureront jusqu’au lendemain.








Les danseurs de geerewol, qui sont obligatoirement de jeunes hommes, commencent par se parer. Ils ôtent leur chemise et placent plusieurs grands sautoirs de perles blanches qu'ils croisent sur leur buste. Ils enveloppent leurs jambes dans un pagne et enserrent leurs hanches d'une bande de tissu blanc qu'ils agrémentent de ceintures de perles.

Ensuite, les jeunes hommes recouvrent leur visage d'une poudre rouge en prenant soin de réaliser un ovale régulier. Ils soulignent leurs yeux de khôl, noircissent leurs lèvres et dessinent plusieurs motifs noirs sur leur visage, un point de chaque côté des ailes du nez, des croix à la commissure des lèvres, une ligne verticale sur le menton.








Ils installent aussi de longs pendentifs de laiton qui encadrent leur visage et entourent leurs avant-bras de liens de cuir où sont accrochés des poils blancs. Les danseurs insèrent également une plume d'autruche blanche dans un bandeau rigide et la placent sur leur tête. Enfin, les jeunes hommes installent des bracelets composés de plusieurs anneaux à leur cheville et prennent une hachette cérémonielle à la main pour se rendre au lieu de danse.








Une fois arrivés, et après avoir salué les anciens et entonné leur chant de lignage, les danseurs s'alignent épaule contre épaule, face aux hommes et aux femmes rassemblés. Tout en interprétant un chant continu où ils glissent leurs phrases mélodiques les uns après les autres, les jeunes hommes réalisent différentes expressions du visage : ils écarquillent leurs yeux, regardent vers le haut, vers le bas et louchent.

Les jeunes hommes soulèvent aussi leurs lèvres et font apparaître leurs dents. En même temps, pieds parallèles (sixième position), ils soulèvent lentement leurs talons et lèvent leurs bras dans la diagonale avant. Puis, ils reviennent pieds plats, ramènent leurs bras le long du corps, et recommencent. Tout comme pour les expressions du visage, les danseurs ne réalisent pas ces mouvements simultanément.








Un jeune homme s'élève sur demi-pointe, puis un autre le suit. On observe ainsi une ligne qui monte et descend de façon continue et répétée. Les danseurs interprètent cette chorégraphie pendant plusieurs dizaines de minutes sans s'arrêter. Puis, ils entreprennent une deuxième partie où, hachette cérémonielle à la main, ils cessent de chanter et frappent le sol de leur pied droit, ce qui fait retentir leurs bracelets de cheville.








Dans le silence, on n'entend plus que le son des bracelets qui résonnent. Les danseurs alternent ces deux parties de geerewol pendant des heures, jusqu'à ce que deux ou trois jeunes filles parées se présentent devant eux. Tandis qu'ils réalisent les expressions du visage décrites, une des jeunes filles s'avance lentement vers la ligne en balançant son bras droit d'avant en arrière à chaque pas. Lors d'un dernier balancement, elle élit le plus beau des danseurs.








En même temps, les danseurs réalisent des expressions du visage qui ont fasciné les Occidentaux. Les ethnologues les ont désignées par les mots « sourires », « mimiques », voire « grimaces », vocabulaire ethnocentrique qui ne reconnaissait pas la dimension chorégraphique de ces expressions du visage. Car, pour les désigner, les WoDaaBe parlent de berdi (wers- : écarter) et daneeri (raan- : blanc).

Ils ne font pas référence à des sourires mais à des expressions dont les mouvements sont déterminés : les danseurs écartent les lèvres et les paupières au point de montrer le blanc de leurs dents et de leurs yeux. Ce sont des expressions du visage chorégraphiées.








Elles n'accompagnent pas le mouvement mais font partie intégrante de la chorégraphie. La base de maquillage rouge, les lèvres maquillées de noir, le khôl font ressortir la blancheur des dents et des yeux des danseurs. Les pendentifs de laiton qui encadrent le visage ont pour effet de l'allonger. Les pagnes serrés autour des jambes, les colliers de perles sur le buste nu mettent en valeur la minceur des jeunes hommes et tendent à allonger les corps. La parure entière est construite selon une ligne verticale qui procure une impression de grandeur et de finesse.








Rangés côte à côte, les danseurs jouent du regard, du battement de leurs mains et des mouvements de leur corps souple, ondulant aux rythmes de la musique et des chants, évoquant leur histoire, leurs mythes et leurs dieux. Mais ils se doivent aussi de séduire les femmes qui éliront le plus beau danseur. Ce dernier pourra choisir parmi elles sa compagne d’un temps, le gerewol suivant lui laissant la possibilité d’en préférer une autre.








Etre beau, c'est avoir un nez droit et fin, les dents et les yeux blancs, un long cou, un grand front, un corps mince. Il faut aussi être grand. Il faut posséder toutes ces qualités pour être beau. » La place de la beauté revêt un caractère d'autant plus important que la geerewol se clôture par l'élection du plus beau danseur. L'acte final de la danse est constitué par la mise en avant d'un jeune homme selon des critères de beauté physique.








« Dans la geerewol, l'important, c'est la beauté physique. Le critère pour l'élection, ce sont les traits physiques » (Bazo). L'élection établit et institutionnalise la place de la beauté dans la danse. Ajoutons que, pendant la geerewol, une vieille femme vient se moquer des plus vilains danseurs. Elle désigne même le plus laid d'entre eux.





















































(Sources: LA TRIBU WODAABE par Morkhoven (tiré de La tribu Wodaabe de Sylvain Sauvadet) - « La danse africaine », une catégorie à déconstruire. Une étude des danses des WoDaaBe du Niger de Mahalia Lassibille)

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