Nicholas Kalmakoff (1873. Russie - 1955. Paris, France)
« Il était sombre, distant et taciturne - un tragique caractère [...] Il a toujours vécu dans ses propres pensées et visions. Celles-ci, il les a mis dans ses toiles, mais le monde extérieur était quelque chose qu'il n'a jamais accepté. » Anna Evreinoff
Nicholas Kalmakoff est un peintre russe injustement méconnu qui a vécu une existence tourmentée qu’il a jeté sur la toile, nous laissant une œuvre originale et trouble. Pour l’un de ses biographes, L. Caruana, Kalmakoff n’était pas homosexuel. Je pense le contraire. Même si nous ne savons que très peu de choses de sa vie, et s’il a été marié (mais a laissé sa femme seule avec ses enfants sans remord), son œuvre montre à mon avis une homosexualité, même si elle n’a peut-être pas été assumée ni vécue, au moins largement sublimée et désirée.
Son père était un général russe, sa mère d'origine italienne. Il est né à Nervi sur la Riviera italienne en 1873. Contrairement à la plupart des aristocrates russes, il a été baptisé catholique plutôt que dans le rite orthodoxe russe. Kalmakoff a passé son enfance en Italie où il a brièvement étudié la peinture. Enfant, impressionné par les contes de Grimm que lui racontait sa gouvernante allemande, il se réfugiait dans les pièces les plus éloignées de la demeure familiale pour invoquer le diable.
En 1903, il rejoint sa famille en Russie et a travaillé pour les décors des ballets de Diaghilev avec le mouvement Mir Iskousstva (Monde de l'Art). Il a conçu de nombreux décors de théâtre, sa réalisation, en 1908 pour la pièce d’Oscar Wilde, « Salomé » a été censurée pour son aspect ouvertement sexuel.
En 1920, chassé par la révolution russe, Kalmakoff, abandonnant femme et enfants, se rend à Helsinki, Bruxelles et dans le sud de la France, avant de s'installer définitivement à Paris vers 1924, où il s’est intéressé activement à des rituels occultes.
Après l'échec d'une exposition en 1928, Kalmakoff devint un reclus. Il prit une chambre d’hôtel à l'hôtel de la Rochefoucault à Paris qu’il ne quitta plus, passant son temps à peindre et refusant de fréquenter même l’école russe qui réunissait de nombreux peintres venus à Paris flairer une nouvelle peinture qui éclosait.
Après l'échec d'une exposition en 1928, Kalmakoff devint un reclus. Il prit une chambre d’hôtel à l'hôtel de la Rochefoucault à Paris qu’il ne quitta plus, passant son temps à peindre et refusant de fréquenter même l’école russe qui réunissait de nombreux peintres venus à Paris flairer une nouvelle peinture qui éclosait.
Après avoir mené une existence d'ermite dans sa petite chambre, il a été emmené dans un hôpital pour les indigents à Chelles et cessé de peindre en 1947. Il y est mort en 1955, seul, totalement ignoré du monde de l’art. Son travail, jugé excentrique et sans valeur est tombé dans l’oubli. Tout au long de sa vie solitaire, l’artiste avait peint des œuvres qui reflètent ses obsessions diverses comme le martyre, l'ascétisme, la décadence, la spiritualité et la sexualité.
Exécuté dans un style marqué par l’art nouveau russe, son imaginaire a transcendé ce mouvement, portant des traces indéniables d’une vision démente, tirant sur le symbolisme, même si au final, son œuvre n’appartient à aucun style, aucune école.
Ce n’est qu’en 1962 que son œuvre a été redécouverte, quand Bertrand Collin du Bocage et Georges Martin du Nord découvrirent une quarantaine de toiles au Marché aux Puces de Paris. Toutes les œuvres étaient signées avec monogramme stylisé 'K'. Mais le marchand hongrois possédait une affiche d'une exposition tenue à la Galerie Le Roy, à Bruxelles, en 1924 avec le nom de l’auteur, Nicholas Kalmakoff.
L’œuvre de Kalmakoff est empreinte d’étrangeté ; l’obscurantisme, l’occultisme, l’érotisme réprimé, la peur des femmes, voire la mysogynie, le narcissisme et de nombreux portraits très efféminés laissent une drôle d’impression.
Le thème du diable est également très présent dans son œuvre. Selon l’acteur Mgebrov, qui l’a rencontré alors qu’il habitait à St Petersbourg, Kalmakoff lui aurait montré toute une série de dessins effrayants de Satan que l’artiste affirmait sérieusement avoir rencontré. «Il était absolument certain que c’était des choses qu'il avait vu.»
A Saint-Petersbourg, Kalmakoff aurait rejoint le Skoptzy, une secte russe qui avait rejeté les sacrements de l'église orthodoxe, croyant que le Christ pourrait se révéler dans le corps de tout aspirant fidèle (Raspoutine fut l'un des premiers adeptes de la secte). Un refus rigoureux de la chair était l’un des préceptes principaux de la secte Skoptzy, voyant le sexe comme la source de tout mal, devant être combattu par l'abstinence, l'ascétisme et, si nécessaire, la castration (Le mot Skoptzy provient de « castrés »).
Dans ce contexte, la lumière obscurcissant le sexe du diable dans sa toile Satan de 1923 prend une signification étrange. Par le feu lumineux, Kalmakoff a occulté, effacé, et même «castré» le diable, qui est effectivement la source du sexe et de tous ses maux.
La Chapelle Fortin du ressuscité - 1927
Monstre avec une épée
Monstre avec une queue
Le triomphe de l'homme
Primate
Guerrier
Monstre avec une épée
Monstre avec une queue
Le triomphe de l'homme
Primate
Guerrier
Son rapport à la femme ne laisse pas d’ambiguïté ; il représente une femme tentatrice, entourée de démons (Les Femmes des Nadjis, 1911), effrayante (les regards luimineux et angoissants de « l’apparition », 1911 ou de « l’antre des femmes », 1940), dangereuse (Médusa, 1924, où les yeux de la femme sont remplacées par deux fentes vaginales), dominatrice (Astarté, 1926), affreuse (les mariès, 1922, où la bouche de la femme ressemble à un anus – tableau peint après qu’il ait quitté sa femme), menaçante (Les Amazones dont le corps viril et guerrier exprime un sentiment de danger).
Kalmakoff est donc un homme qui se sent menacé par la femme. Il est aussi un dandy fasciné par Oscar Wilde.
Kalmakoff est donc un homme qui se sent menacé par la femme. Il est aussi un dandy fasciné par Oscar Wilde.
L'apparition, non daté (1911?)
Médusa, 1924
La tanière des femmes, 1940
Astarté, 1926
Femme, boudha et monstre, 1921
Les Femmes des Nadjis, 1911
La femme de Satan, 1919
Les amazones, non daté
Les mariés, 1922
Médusa, 1924
La tanière des femmes, 1940
Astarté, 1926
Femme, boudha et monstre, 1921
Les Femmes des Nadjis, 1911
La femme de Satan, 1919
Les amazones, non daté
Les mariés, 1922
Plus étrange encore est sa série d’autoportraits, où il se représente comme un être efféminé, androgyne. Déjà dans son Autoportrait avec une femme noire (1923) et son Autoportrait en Louis XIV (1923), l’ambiguité plane. Mais elle n’est plus permise avec son Autoportrait en Saint-Jean Baptiste où l’on ne sait plus si on est en présence d’un homme ou bien d’une femme, et son Pas de deux (1925) avec ses deux personnages féminins, dont celui de droite n’est autre que Kalmakoff lui-même représenté sur des talons ;
L’artiste se représente définitivement comme une femme. Dans Autoportrait en Narcisse, s’est un être hermaphrodite que l’artiste représente, il est à la fois homme et femme. Narcisse en Hermaphrodite amoureux de son image. Qu’aimait-il en lui, l’homme ou la femme. Que d’ambiguïté sexuelle !
L’artiste se représente définitivement comme une femme. Dans Autoportrait en Narcisse, s’est un être hermaphrodite que l’artiste représente, il est à la fois homme et femme. Narcisse en Hermaphrodite amoureux de son image. Qu’aimait-il en lui, l’homme ou la femme. Que d’ambiguïté sexuelle !
Autoportrait avec une femme noire
Autoportrait en Louis XIV, 1923
Auto-portrait en Saint-Jean Baptiste, 1921
Pas de deux, 1925 (Autoportrait)
Autoportrait en Narcisse, 1922
Autoportrait en Louis XIV, 1923
Auto-portrait en Saint-Jean Baptiste, 1921
Pas de deux, 1925 (Autoportrait)
Autoportrait en Narcisse, 1922
Kalmakoff ira même jusqu’à mettre en scène sa mort et sa résurrection. Sa mort dans le tableau « Autoportrait en Adonis », 1924, où il se représente encore une fois en un être efféminé avec une abondante chevelure rousse, pleuré par des femmes ; et sa résurrection, dans le saisissant tableau « La couronne d’épines », 1922, qui à nouveau est un autoportrait aux yeux hallucinés. Lui, l’adepte du diable ose se représenté en Christ ressuscité, et cela semble le remplir d’effroi. A-t-il réussi à tuer ses propres démons?
Entre diable et dieu, bien et mal, abstinence et érotisme débridé, féminin et masculin, l’âme tourmentée de Nicholas Kalmakoff nous laisse une œuvre troublante, agitée, hallucinée, déchirée entre les extrêmes, et miroir d’une sexualité évidemment problématique qui a sûrement été le moteur de ses visions qu’il a jeté sur la toile.
(source: L. Caruana dans la VISIONARY REVUE)
Les fautes d'orthographe, parfois grossières, dévalorisent cette présentation par ailleurs excellente. Dommage !
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