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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mardi 6 septembre 2016





Les artistes et l'absinthe



La fée verte







L'origine précise de l'absinthe est incertaine. En Égypte ancienne, l'usage médical d'extraits d'absinthe est mentionné dans le Papyrus Ebers (entre - 1500 et - 1600). Pythagore et Hippocrate (460-377 av. J.-C.) parlent d'alcool d'absinthe et de son action sur la santé, son effet aphrodisiaque et sa stimulation de la création. Les Grecs anciens consommaient également du vin aux extraits d'absinthe, absinthites oinos. Le poète latin Lucrèce, au début du livre quatrième de son ouvrage De la nature des Choses, mentionne les vertus thérapeutiques de l'absinthe, que l'on fait boire aux enfants malgré l'amertume du breuvage grâce à un peu de miel au bord d'une coupe.





Le papyrus Ebers est l'un des plus anciens traités médicaux qui nous soit parvenu : il aurait été rédigé au XVI e siècle avant notre ère, pendant le règne d'Amenhotep Ier







Stirpium Historiae par Rembert Dodoens. Imprimé par Christopher Plantin à Anvers, en 1583.



Ce n'est que vers la fin du XVIII siècle que l'on retrouve la première trace attestée d'absinthe distillée contenant de l'anis vert et du fenouil. La légende veut que ce soit le docteur Pierre Ordinaire qui ait inventé la recette vers 1792. Les travaux de Marie-Claude Delahaye et de Benoît Noël ont montré qu'il n'en était rien et que cette recette était celle d'une rebouteuse suisse dans le canton de Neuchâtel : Henriette Henriod pour M.C. Delahaye ou Suzanne-Marguerite Henriod pour B. Noël. Celle-ci avait mis au point la première recette d'absinthe, qui était un breuvage médicinal. Cette question ne semble toutefois pas définitivement tranchée.

Quoi qu'il en soit, le major Dubied acquiert la recette auprès de la mère Henriod en 1797 et ouvre, avec son gendre Henri-Louis Pernod (dont le père est bouilleur de cru), la première distillerie d'absinthe à Couvet en Suisse. On trouve dans le livre de raison de ce dernier la première recette d'absinthe apéritive, datée de 1797. Ils fondent en 1798 la première distillerie, la maison Dubied Père & Fils. En 1805, Henri-Louis Pernod prend ses distances avec son beau-père et monte sa propre distillerie à Pontarlier : Pernod Fils qui deviendra la première marque de spiritueux français.
















En 1830, les soldats français colonisent l'Algérie et les officiers leur recommandent de diluer quelques gouttes d'absinthe dans l'eau pour faire passer les désagréments de la malaria et de la dysenterie. Les soldats, à leur retour en France, popularisent cette boisson à travers tout le pays. Titrant 68 à 72° dans la bouteille, l'absinthe est alors diluée dans des verres hauts et larges (à un volume d'absinthe sont ajoutés six à sept volumes d'eau fraîche versée goutte à goutte sur un sucre posé sur une cuillère percée, elle-même placée sur le verre afin d'exhaler ses arômes); d'autres amateurs pratiquent une « purée » (dilution moindre jusqu'à la boire pure)






Cuillères à absinthe






Verres à absinthe







Carafes à absinthe




Les six plantes de base d'une absinthe sont la grande absinthe et la petite absinthe, l'anis vert, le fenouil, la mélisse et l'hysope.





La grande absinthe (Artemisia Absinthium) 





Fenouil commun (Foeniculum vulgare)







Anis vert (Pimpinella anisum)







Mélisse officinale (Melissa officinalis)






Hysope officinale  (Hyssopus officinalis L.)




Nulle part cette culture de café ne fut plus vibrante que dans le quartier parisien de Montmartre, déjà le repaire des bohémiens littéraires et artistiques au milieu du 19ème siècle. Parmi les établissements les plus connus étaient la "Brasserie des martyrs", favorite de Baudelaire, le "Café du rat mort", fréquenté par les écrivains pendant la journée et un perchoir de lesbiennes la nuit, et le plus connu, le "Chat noir", fondé en 1881 par Théodore Salis, un peintre sans succès. Erik Satie jouait du piano ici, et Alfred Jarry était un visiteur régulier, tout comme le remarquable inventeur et poète Charles Cross, qui, disait-on, buvait vingt absinthes par nuit.










L’absinthe, alcool populaire dans tous les milieux sociaux finira par être interdit en 1915, à cause des crises d’épilepsie qu’il pouvait provoquer. Tout un cérémonial s’était mis en place progressivement : on versait l’eau glacée, très doucement, sur un sucre placé sur une cuillère percée, au dessus du verre d’absinthe. L'absinthe était appelée fée verte ou bleue, et le moment où l'on buvait l'absinthe, vers 17 heures, était nommée l'heure verte.

"Le matin, à l’heure du déjeuner, les habitués venaient envahir les caboulots. Les professeurs d’absinthe étaient déjà à leur poste; oui, les professeurs d’absinthe, car c’est une science, ou plutôt un art que de boire convenablement l’absinthe, et surtout d’en boire considérablement. Ils se mettaient à la piste des buveurs novices, leur enseignaient à lever haut et souvent le coude, à tremper artistiquement leur absinthe, et quand, au dixième petit verre, l’élève roulait sous la table, le professeur passait à un autre." Henri Balesta. "Absinthe et absintheurs", 1860






















L'absinthe - à cause de sa magnifique couleur verte changeante, son air de danger et de séduction, et surtout à cause de ses prétendues propriétés psycho-actives - fut romantisée et saisie dans des oeuvres d'arts et des écrits par d'innombrables artistes, écrivains et dramaturges. Le prophète du théâtre de l'absurde Alfred Jarry, Vincent van Gogh, Henri de Toulouse-Lautrec, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Oscar Wilde, Edgar Allan Poe, Picasso, Hemingway et beaucoup d'autres lui donnèrent une place d'honneur dans leurs oeuvres. Tous ces artistes étaient célébrés non seulement pour leur travail, mais aussi pour leur train de vie outrageusement bohémien. Certains verseraient même finalement dans la folie, ou tout au moins adopteraient un comportement de fou, ce qui plus tard amènerait de l'eau au moulin des prohibitionnistes en quête de preuves de la malfaisance de l'absinthe.







Edgar Degas (1834-1917). Dans un café, dit aussi L'absinthe, 1873. Huile sur toile, 92 x 68,5 cm. Musée d'Orsay, Paris



L'innovante toile "L'absinthe" de Degas, peinte en 1876, montre deux clients de café au regard hébété porté au-delà de leur boisson verte troublée. Même si les personnes affichées étaient des acteurs, cette oeuvre suscita des commentaires vifs à cause de son réalisme brutal sans précédent. Edouard Manet alla même plus loin en peignant un véritable ivrogne avec son absinthe, sur une toile appelée "Le buveur d'absinthe", en 1859.





Édouard Manet (1832-1883). Le Buveur d'absinthe. Huile sur toile, 180.5 × 105.6 cm. Ny Carlsberg Glyptotek




Le plus fameux de tous les buveurs d'absinthe fut sans doute Vincent van Gogh. Van Gogh peignait beaucoup de ses œuvres dans des tons ocres et vert pâle, qui sont les couleurs de l'absinthe. Beaucoup croient, presque certainement faussement, que l'absinthe empoisonna van Gogh et le rendit fou. Comme souvent, la vérité est plus prosaïque et plus complexe.






Henri de Toulouse-Lautrec. Vincent van Gogh buvant de l'absinthe au café Le Tambourin



Van Gogh fut un paria et souffrait de dépressions, de crises d'épilepsie et de psychoses. Il but beaucoup d'absinthe vivant à Arles avec Paul Gauguin, et était enclin à se comporter de façon excentrique - comme quand il peignait la nuit, avec des bougies accrochées au chapeau. Il fut envoyé au sanatorium en 1888 après avoir été renvoyé par une pétition des gens de sa commune, effrayés par ses façons bizarres. Il n'agit jamais de façon violente, sauf quand il se coupa l'oreille dans une crise de psychose.





Nature morte avec Absinthe par Vincent Van Gogh. Huile sur toile, 1887.Musée Van Gogh, Amsterdam.




Van Gogh consomma certainement de l'absinthe sans modération, et il souffrait en effet de troubles mentaux, mais il n'y a pas nécessairement de lien de cause à effet: il y avait beaucoup d'antécédents de maladie mentale dans la famille de van Gogh, et van Gogh ne consommait pas seulement de l'absinthe, mais aussi de la térébenthine à diverses occasions (Il est intéressant de noter que la thuyone, l'ingrédient principal dans l'essence de grande absinthe, est également un terpène). Il se suicida en 1890, profondément troublé bien au-delà des effets de la consommation d'absinthe (et même les docteurs contemporains de van Gogh pensaient à une forme bien particulière d'épilepsie larvée).





Vincent Van Gogh. Les buveurs, 1890. Huile sur toile, 59,4 x 73,4 cm. Institut d'Art de Chicago































Le grand poète français Verlaine était un autre amateur notoire d'absinthe. Sa vie de famille sortait de l'ordinaire: la mère de Verlaine gardait dans des bocaux dans le garde-manger les foetus de ses trois premières fausses couches. Un jour, Verlaine attaqua sa mère, ivre d'absinthe, et détruisit ces bocaux.

Verlaine commença à boire tôt, comme adolescent, et était déjà alcoolique avant de toucher à l'absinthe. Sa relation tempétueuse avec Rimbaud aggrava son alcoolisme et son instabilité mentale, et culmina en une condamnation à cinq ans de prison pour tentative d'assassinat.





Verlaine photographié par Dornac (Paul Marsan, Dit) (1858-1941), buvant une absinthe au café François Ier, le 28 mai 1892 de la rue Mouffetard. Paris, Musée Carnavalet.



En prison, il renonça à l'absinthe, et pendant des années après sa remise en liberté ne but plus que de la bière, travaillant sans relâche à sa poésie. Mais dans les années 1890, il se remit à boire et devint une figure connue et un objet de dérision dans le quartier latin, assis dans un coin du café François Ier sur le boulevard Saint-Michel, ou au Procope, penché au-dessus d'une absinthe.


En robe grise et verte avec des ruches,
Un jour de juin que j’étais soucieux,
Elle apparût souriante à mes yeux
Qui l’admiraient sans redouter d’embûches ;

Elle alla, vint, revint, s’assit, parla,
Légère et grave, ironique, attendrie :
Et je sentais en mon âme assombrie,
Comme un joyeux reflet de tout cela ;

Sa voix, étant de la musique fine,
Accompagnait délicieusement
L’esprit sans fiel de son babil charmant
Où la gaîté d’un cœur bon se devine.

Aussi soudain fus-je après le semblant
D’une révolte aussitôt étouffée,
Au plein pouvoir de la petite Fée
Que depuis lors je supplie en tremblant.

-La bonne chanson, 1870. Paul Verlaine



Verlaine passa ses dernières années rentrant et sortant d'hôpitaux et d'institutions, où il était en traitement pour entre autres la cirrhose du foie, la pneumonie, le rhumatisme, la gonorrhée et la syphilis. Pendant sa maladie finale, les infirmières firent semblant de ne pas voir les petites bouteilles d'absinthe que les amis lui cachaient sous l'oreiller; elle le savaient en si mauvais état que lui enlever ces petits plaisirs n'aurait fait aucune différence. Verlaine mourut en 1896, buvant jusqu'à la fin, même s'il avait regretté sa dépendance de l'absinthe dans ses "Confessions", publiées un an plus tôt.








L'absinthe figure de façon marquante dans les premières oeuvres de Pablo Picasso. Une des oeuvres les plus importantes de sa période dite "Période bleue" est la "Buveuse d'absinthe". Peinte en 1901, elle montre une femme vêtue de bleu, avec les mains et les doigts élongés, assise à une table dans un café, avec un verre d'absinthe devant elle.

Plus tard, les premiers travaux cubistes de Picasso furent également inspirés par l'absinthe - une oeuvre, "Bouteille de Pernod et verre", peinte en 1912, était basée directement sur une affiche publicitaire omniprésente dessinée par Charles Maire, montrant une bouteille d'absinthe, un verre, et un journal plié.






Charles Maire



Dans un interview en 1959, publié dans "Paris Match", le poète et artiste Jean Cocteau raconte sa longue amitié le liant à Picasso. Il décrit comment un exemplaire de cette chromolithographie Pernod Fils était accroché dans le studio de Picasso au moment de la création d'un de ses premiers chefs-d'ouvre cubistes, et comment Picasso lui en fit cadeau plus tard comme souvenir.






Jean Cocteau






Picasso - Bouteille de Pernod et verre, 1912



Peut-être le plus grand chef-d'oeuvre de Picasso lié à l'absinthe - et le dernier, puisque la boisson fut interdite peu après - est la sculpture cubiste "Verre d'absinthe" de 1914, un bronze peint en six exemplaires, tous peints différemment. La base de la sculpture est stable, comme un verre, mais le corps est ouvert, fendu. Au-dessus est perchée une véritable cuillère à absinthe et un morceau de sucre en laiton peint.





Le verre d'absinthe, printemps 1914. Bronze et cuillère à absinthe, partie supérieure recouverte de sable et partie inférieure peinte en blanc, 21,5 x 16,5 x 6,5 cm. (Fondeur Florentin Godard). Centre Pompidou, Paris







Buveuse d'absinthe, 1901. Huile sur toile, 81 x 60 cm. Fondation Obersteg, dépôt au Kunstmuseum de Bâle







Femme au café (La buveuse d'absinthe), 1901-02. Huile sur toile, 73 x 54 cm, Musée de l'Hermitage, Saint Petersbourg, Russie






La buveuse assoupie (La buveuse d'absinthe), 1902. Huile sur panneau, 80 x 62 cm. Kunstmuseum, Bern







La buveuse d'absinthe, 1901. Huile sur carton. New York, Melville Hall Collection







Portrait bleu d'Angel Fernández de Soto. Le buveur d’absinthe, 1903. Huile sur toile, 70.3 cm × 55.3 cm. Collection privée



   



Absinthe 1901, Fusain, pastel, gouache sur papier. Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg, Russie.








L'arlequin et sa compagne, 1901. Huile sur toile, 73 x 60 cm. Musée des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, Russie








L'Absinthe, le poète Cornuty, 1902-1903. Aquarelle, signée en haut à droite, notice au dos de Max Jacob sur Cornuty, 30.5 x 23.5 cm


Ce portrait est celui d'un poète nommé Cornuty que Picasso avait connu à Barcelone. Cornuty que j'ai connu éthéromane et mourant de faim était absorbé dans ses pensées sous les baguettes de sa chevelure ; il distillait ses mots d'une voix creuse et avançait sa main longue, les doigts vers le front et vers l'infini.” Max Jacob



Même si il n'était pas alcoolique (du moins pas avant la dernière année de sa vie), le grand poète et dramaturge Oscar Wilde était aussi un buveur assidu d'absinthe durant son séjour en France. Il dit un jour fameusement :

"L'absinthe a une couleur magnifique, le vert. Un verre d'absinthe est tout aussi poétique que n'importe quoi d'autre au monde. Quelle différence y-a-t'il entre un verre d'absinthe et un coucher de soleil ?"

Wilde décrivit les effets de l'absinthe comme suit :

"Le premier stade est comme pour une boisson ordinaire; au second stade, on commence a voir des choses cruelles et monstrueuses, mais si l'on persévère, on arrive au troisième stade, où l'on voit ce que l'on veut voire, des choses curieuses et merveilleuses. Une nuit, je me trouva assis, buvant seul et très tard au Café Royal, et je venais d'arriver au troisième stade quand un garçon arriva et commença à empiler les chaises sur les tables. 'Il est temps d'y aller, monsieur', il me cria. Puis, il apporta un arrosoir et commença à arroser le sol. 'C'est fini, monsieur. Je crains que vous ne deviez partir, monsieur'. Je demandai : 'Garçon, êtes-vous en train d'arroser le sol ?', mais il ne répondit point. 'Quelles sont vos fleurs préférées, garçon ?', je demandai à nouveau. 'Maintenant monsieur, je dois vraiment vous demander de partir; c'est fini!', il me dit fermement. 'Je suis sûr que les tulipes sont vos fleurs préférées', je dis, et pendant que je me levais et passais en rue, je sentis - les - pétales - des - tulipes - m'effleurant les jarrets."





Viktor Oliva (1861–1928) - Le buveur d'absinthe, 1901. Cafe Slavia, Prague




L'écrivain américain Ernest Hemingway buvait beaucoup, et aimait passionnément l'absinthe, qu'il continua à boire en Espagne et à Cuba, bien après qu'elle fut interdite en France.

La mention saillante que reçoit l'absinthe est dans son roman sur la guerre civile d'Espagne, "For Whom the Bell Tolls". Le héros est Robert Jordan, un guérillero américain ayant pour mission de dynamiter un pont, et sa seule consolation est l'absinthe, qui lui rappelle la douce vie qu'il a connu à Paris. Terré dans une cave, il partage une gourde d'absinthe achetée à Madrid avec un compagnon tzigane :

"Avec le rajout de l'eau, c'était maintenant d'un blanc jaunâtre, et il espérait que le tzigane ne prendrait pas plus qu'une gorgée. Une capsule suffisait a remplacer le journal du soir, tous les vieux soirs au café, les marronniers qui seraient en fleur ce mois-ci, les chevaux lents et majestueux des boulevards extérieurs, les librairies, les kiosques, les galeries, le parc Montsouris, le stade Buffalo, la butte Chaumont, la 'Guaranty Trust Company', l'Ile de la Cité, le vieil hôtel Foyot, le fait de pouvoir lire et se détendre le soir, et toutes les choses qu'il avait savourées puis oubliées, et qui lui revenaient quand il buvait de cette chose opaque, amère, anesthésiante, réchauffante pour le ventre et la tête, et qui transformait les idées, cette alchimie liquide."





Albert Maignan La Muse verte, 1895. 175 x 115 cm. Musée de Picardie, Amiens.




Quand Hemingway habitait en Floride dans les années trente, il parvenait encore à se faire fournir de l'absinthe par Cuba, où il allait fréquemment pêcher l'espadon, et où il achèterait une maison plus tard. Dans une lettre de 1931, il écrit :

"Me suis beurré à l'absinthe et ai joué avec des couteaux. Grand succès à planter sournoisement le couteau dans le piano. Les vers du bois sont si graves et bouffent tellement les meubles que l'on peut toujours dire que c'était les vers du bois."

C'était bien sûr un jeu de mots sur "woodworm", ver du bois, et "wormwood", grande absinthe, qui amusa Hemingway.






Léon Spilliaert (1881-1946). La Buveuse d'absinthe, 1907. Aquarelle






Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) photographié par Paul Sescau en 1894.



Toulouse-Lautrec a vécu pour son art. Peintre du postimpressionnisme, illustrateur de l’Art nouveau et remarquable lithographe, il a croqué le mode de vie de la Bohème parisienne à la fin du XIXe siècle. Au milieu des années 1890, il a contribué par des illustrations à l'hebdomadaire humoristique Le Rire.








Considéré comme « l’âme de Montmartre », le quartier parisien où il habite depuis son installation en 1884 au 19 bis, rue Fontaine, ses peintures décrivent la vie au Moulin Rouge et dans d’autres cabarets et théâtres montmartrois ou parisiens. Il peint Aristide Bruant mais aussi dans les maisons closes qu’il fréquente et où, peut-être, il contracte la syphilis.






Chez Gennelle, Buveuse d'absinthe, 1886. Huile sur toile 



Client assidu des bars et des maisons closes, il dessinait des nuits entières les figures pittoresques du lieu. Il buvait beaucoup d’absinthe. Il en avait pris l’habitude du temps où à Montmartre il était l’élève de Cormon. Il buvait peu à la fois mais souvent.

"Tous les soirs je vais au bar travailler" écrit-il, croquant avec une originalité flagrante Aristide Bruant, Jane Avril, Loïe Fuller, La Goulue ou Valentin le désossé. Il consacre une affiche révolutionnaire par son graphisme à la danseuse du Moulin Rouge et tout un album à la fameuse " diseuse ", Yvette Guilbert, devenue son amie.





Monsieur Boileau au Café, 1893. Gouache, 80 x 65 cm. The Cleveland Museum of Art




Alcoolique pendant la plus grande partie de sa vie d’adulte, il a eu l'habitude de mélanger à son absinthe quotidienne du cognac, au mépris des convenances de l'époque. Il a utilisé notamment le subterfuge d'une canne creuse pour cacher une réserve d'alcool. Il avait inventé un cocktail dit « tremblement de terre » mélange d’absinthe et de cognac. Il servait parfois le « Maiden Blush » un cocktail qui faisait rougir les filles, composé d’absinthe, mandarine, bitter, vin rouge et fine champagne. Il a été admis dans un sanatorium peu avant sa mort à Malromé, la propriété de sa mère, à la suite des complications de son alcoolisme et de sa syphilis.






Au Moulin Rouge, 1892 - 1895. Huile sur toile, 123 cm × 140 cm.  Art Institute of Chicago







Amédéo Modigliani (1884-1920) au bateau lavoir en 1915



Le 24 Janvier 1920, Amédéo Modigliani s'éteint à l'age de 36 ans, terrassé par la tuberculose et par une vie d'excès.




Masque mortuaire de Modigliani




Il arrive à Paris, alors le centre de l'avant-garde, en 1906, au Bateau-Lavoir, un phalanstère pour prolétaires de Montmartre. D'abord influencé par Toulouse-Lautrec, il s'inspire de Paul Cézanne, du cubisme et de la période bleue de Picasso. Se considérant initialement comme un sculpteur, à la suite de sa rencontre avec Constantin Brancusi, ce n'est qu'à partir de 1914 qu'il se consacre exclusivement au dessin et à la peinture de nus et de portraits.

Sa mauvaise santé le force à abandonner la sculpture; les poussières et l'épuisement l'obligent à se consacrer seulement à la peinture. Il s'installe à La Ruche et fait le portrait des habitués de Montparnasse, comme Soutine qui a un « gosier en pente », Diego Rivera, Juan Gris, Léopold Survage, Max Jacob, Blaise Cendrars, Foujita, Jean Cocteau et Raymond Radiguet… Modigliani, peintre sans succès, habitué du café la Rotonde, abuse de l’alcool – l’absinthe, « la fée verte » ainsi que du haschich avec Paul Alexandre et de l’opium avec André Salmon – qui publie en 1910 son recueil de poésies Le Calumet. Malgré la grande importance de l'absinthe dans sa vie, il ne l'a pas illustrée dans son oeuvre. Je n'ai trouvé qu'une ébauche d'un dessin de buveur d'absinthe (de très mauvaise qualité), et un dessin collé au dos d'une bouteille d'absinthe dont l'authenticité n'est pas attestée.






Le buveur d'absinthe





























Arthur Rimbaud (1854-1891)


Comédie de la Soif

3. Les Amis

Viens, les Vins vont aux plages,
Et les flots par millions !
Vois le Bitter sauvage
Rouler du haut des monts !

Gagnons, pèlerins sages,
L'Absinthe aux verts piliers...

Moi — Plus ces paysages.
Qu'est l'ivresse, Amis ?

J'aime autant, mieux, même,
Pourrir dans l'étang,
Sous l'affreuse crème,
Près des bois flottants.





Axel Törneman (1880-1925. Suède), La Buveuse d'Absinthe, 1902








Charles Baudelaire (1821-1867) par Étienne Carjat, vers 1862











Le poison


Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D'un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d'un portique fabuleux
Dans l'or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,
Allonge l'illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l'âme au delà de sa capacité.

Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l'oubli mon âme sans remords,
Et charriant le vertige,
La roule défaillante aux rives de la mort!

Charles Baudelaire
Receuil 'Spleen et idéal'. Les Fleurs du mal








Alfred Brisard (1861-1906), Le Buveur d’Absinthe – 1891





Ôde à l'absinthe


“Salut, verte liqueur, Némésis de l’orgie !
Bien souvent, en passant sur ma lèvre rougie,
Tu m’as donné l’ivresse et l’oubli de mes maux ;
J’ai vu plus d’un géant pâlir sous ton étreinte !
Salut, sœur de la Mort ! Apportez de l’absinthe ;
Qu’on la verse à grands flots !

Il est temps à la fin que je te remercie :
Celui qui ne sait pas toute la poésie
Qu’un flacon de cristal peut porter en son flanc,
Celui-là n’a jamais près d’une table ronde,
Vu d’un œil égaré les globes et le monde
Valser en grimaçant.

Il ne soutiendra pas sans que son cœur défaille
Qu’il n’est pas sur la terre une chose qui vaille
De l’ivrogne absinthé le sommeil radieux,
Qui peut, quand il lui plaît, durant son rêve étrange,
Quittant le corps humain, sentir des ailes d’ange
L’emporter dans les cieux.

Moi, je t’aime ! Aux mortels ta force est plus funeste
Que la foudre, le feu, la mitraille, la peste,
Et je te vis souvent terrasser le soldat,
Insoucieux de tout, contentant son envie,
Quoique sachant trop bien qu’il te donne sa vie
Qu’épargna le combat.

J’aime ta forte odeur et ton flot d’un vert sombre
Qui laisse s’élancer, au milieu de son ombre
Des feux couleur de sang tout le long du cristal,
Comme si le Seigneur, en signe de prudence,
Avait voulu mêler à ton vert d’espérance
Quelque signe fatal.

Belle comme la mer, comme ses flots cruelle,
Tu peux quand tu le veux aussi, cacher comme elle,
Sous un calme apparent tes instincts irrités,
Et ton flux fait tourner un océan de têtes,
Qui battent en riant, les soirs des jours de fêtes,
Les portes des cités.

Pour moi, qui ne veux pas atteindre la vieillesse,
Je veux contre ta force essayer ma faiblesse,
Combattre contre toi, t’étreindre corps à corps.
Je veux voir, aujourd’hui, dans un duel terrible,
Si tu peux soutenir ton titre d’invincible :
Notre témoin sera la mort !”

— Alfred de Musset (1810-1857)






Isaac Lazarus Israels (1865-1934. Pays-Bas) Moulin De La Galette, Paris, 1904




Charles Cros (1842-1888),

L’Heure Verte.

Comme bercée en un hamac
La pensée oscille et tournoie,
A cette heure où tout estomac
Dans un flot d’absinthe se noie.

Et l’absinthe pénètre l’air,
Car cette heure est toute émeraude.
L’appétit aiguise le flair
De plus d’un nez rose qui rôde.

Promenant le regard savant
De ses grands yeux d’aigues-marines,
Circé cherche d’où vient le vent
Qui lui caresse les narines.

Et, vers des dîners inconnus,
Elle court à travers l’opale
De la brume du soir. Vénus
S’allume dans le ciel vert-pâle.






Jean Béraud (1848-1935), Un Café (l'Absinthe) - 1909






Jean Béraud (1848-1935), Un Café (l'Absinthe) - 1909






Jean Béraud (1848-1935), Les buveurs d'absinthe, 1908







Carte postale. Toulouse - Une partie de pêche à Pinsaguël. L'heure verte







Félicien Rops (1833-1898. Belgique), la buveuse d’absinthe (1876). Craie noire






Félicien Rops (1833-1898. Belgique), la buveuse d’absinthe (1877). Craie noire, aquarelle et gouache. Bibliothèque Royale, Cabinet des estampes, Bruxelles





Raoul Ponchon







De loin le plus prolifique des poètes influencés par l'absinthe, Raoul Ponchon (1848-1937) était un employé de banque avant de renoncer à son emploi à la mort de son père en 1871. Il s'installa à l'age de 23 ans dans une mansarde après avoir griffonné "Peintre et poète lyrique" sur la porte. Il prenait alors son petit déjeuner dans le "Café de Cluny", et retournait pour l'Heure verte à 5 heures de l'après-midi. Le reste du jour, il menait une vie publique dans une série de cafés. Ponchon était énormément productif, et écrivit en tout plus de 150 000 vers, dont 7 000 traitant du boire et du manger.





le "Sonnet de l'absinthe" de Raoul Ponchon, dans un numéro du "Courrier français" de 1886.




L'absinthe

Absinthe, je t'adore, certes !
Il me semble, quand je te bois,
Humer l'âme des jeunes bois,
Pendant la belle saison verte !

Ton frais parfum me déconcerte.
Et dans ton opale je vois
Des cieux habités autrefois,
Comme par une porte ouverte.

Qu'importe, ô recours des maudits !
Que tu sois un vain paradis,
Si tu contentes mon envie;

Et si, devant que j'entre au port,
Tu me fais supporter la Vie,
En m'habituant à la Mort.

Raoul Ponchon





Marc Chagall (1887-1985) Le rêve de Lamon et de Dryas également appelé L'esprit vert. Lithographie







Détail







Edvard Munch, 1863-1944. Norvège



Munch, peintre et graveur expressionniste norvégien a étudié l'art avec le naturaliste norvégien Christian Krohg. Edvard Munch peut être considéré comme le pionnier de l'expressionnisme dans la peinture moderne. A Oslo, ou Christiania comme on appelait la ville à cette époque, Munch était un ami de bohème du philosophe anarchiste Hans Jaeger qui a influencé sa pensée sur l'art. Les deux amis passaient la plupart de leurs nuits à boire de l'absinthe dans les cafés.





Edvard Munch Absinthe







Edvard Munch Dans un bar, 1890. Huile sur toile, 64.5 cm x 70.5 cm. Städel Museum - Frankfurt, Allemagne







Edvard Munch. Les buveurs d'absinthe, 1890. Pastel sur toile, 58 x 96 cm







Jean-francois Raffaeli (1850-1924. France). Les buveurs d'absinthe (Les déclassés), 1881. Huile sur toile, 108 x 108 cm






Jean-francois Raffaeli (1850-1924. France). Le  buveur  d'absinthe, 1880. Huile sur toile. Musée d'art moderne et contemporain, Liège





Emission D'art d'art, France 2. 2007












Maurice Rollinat, 1846-1903. Poète décadent, anticlérical, antipolitique et antibourgeois français (groupe des Hydropathes). Il se produisait au Chat noir, à Montmartre









La Buveuse d’Absinthe
(Au docteur Louis Jullien)


Elle était toujours enceinte,
Et puis elle avait un air...
Pauvre buveuse d’absinthe !

Elle vivait dans la crainte
De son ignoble partner :
Elle était toujours enceinte.

Par les nuits où le ciel suinte,
Elle couchait en plein air.
Pauvre buveuse d’absinthe !

Ceux que la débauche éreinte
La lorgnaient d’un œil amer :
Elle était toujours enceinte !

Dans Paris, ce labyrinthe
Immense comme la mer,
Pauvre buveuse d’absinthe,

Elle allait, prunelle éteinte,
Rampant aux murs comme un ver...
Elle était toujours enceinte !

Oh ! Cette jupe déteinte
Qui se bombait chaque hiver !
Pauvre buveuse d’absinthe !

Sa voix n’était qu’une plainte,
Son estomac qu’un cancer :
Elle était toujours enceinte !

Quelle farouche complainte
Dira son hideux spencer !
Pauvre buveuse d’absinthe !

Je la revois, pauvre Aminte,
Comme si c’était hier :
Elle était toujours enceinte !

Elle effrayait maint et mainte
Rien qu’en tournant sa cuiller ;
Pauvre buveuse d’absinthe !

Quand elle avait une quinte
De toux, — oh ! qu’elle a souffert,
Elle était toujours enceinte ! —

Elle râlait : « Ça m’esquinte !
Je suis déjà dans l’enfer. »
Pauvre buveuse d’absinthe !

Or elle but une pinte
De l’affreux liquide vert :
Elle était toujours enceinte !

Et l’agonie était peinte
Sur son œil à peine ouvert ;
Pauvre buveuse d’absinthe !

Quand son amant dit sans feinte :
« D’débarras, c’en est un fier !
« Elle était toujours enceinte. »
— Pauvre buveuse d’absinthe !

Maurice Rollinat, Les Névroses, 1883.






Henri Evenepoel (1872-1899. Belgique), La Buveuse d’Absinthe, 1899. Eau-forte et aquatinte, 12,8 x 9,8 cm







Louis Edouard May (dit Edwarmay, 1807-1881), Nature Morte au Verre d'Absinthe. Huile sur toile, 41 x 33 cm






Lubin de Beauvais (1873-1917. France), La mauvaise fée de l’Absinthe. Encre noire et crayon bleu 31 x 22,5 cm





Charles Cros, Lendemain.


Avec les fleurs, avec les femmes,
Avec l'absinthe, avec le feu,
On peut se divertir un peu,
Jouer son rôle en quelques drames.

L'absinthe bue un soir d'hiver
Éclaire en vert l'âme enfumée,
Et les fleurs, sur la bien-aimée
Enbaument devant le feu clair.

Puis les baisers perdent leurs charmes,
Ayant duré quelques saisons.
Les réciproques trahisons
Font qu'on se quitte un jour, sans larmes.

On brûle lettres et bouquets
Plus le feu se met à l'alcôve.
Et, si la triste vie est sauve,
Reste l'absinthe et ses hoquets.

Les portraits sont mangés des flammes:
Les doigts crispés sont tremblotants...
On meurt d'avoir dormi longtemps
Avec les fleurs, avec les femmes.
Et qui me trouble est une larme.

Charles Cros (1842-1888)






Ramon Casas (1866-1932. Espagne). Madeleine au Moulin de la Galette, 1892. Huile sur toile, 117 x 90 cm. Musée de Montserrat. Espagne





L'interdiction de l'absinthe








L’absinthe connut un vif succès au XIXe siècle, mais elle fut accusée de provoquer de graves intoxications (contenant entre autres du méthanol, un alcool neurotoxique), décrites notamment par Émile Zola dans L'Assommoir et ayant probablement alimenté la folie de certains artistes de l'époque (Van Gogh, Toulouse-Lautrec...). Elle est également connue pour son effet abortif. On lui prêta tous les mots et on inventa même un terme pour désigner ses ravages, l'absinthisme.









Ceci fut décrit en premier dans une série d'articles par le Docteur Valentin Magnan, le médecin en chef de l'asile de Sainte Anne à Paris.

Magnan écrivit :

"Dans l'absinthisme, le délire hallucinatoire est des plus actifs, des plus terrifiants, provoquant parfois des réactions d'une nature extrêmement violente et dangereuse. Un syndrome plus grave accompagne ces symptômes: tout d'un coup, l'absinthique s'écrie, devient blême, perd conscience et tombe; ses traits se contractent, la mâchoire se serre, les pupilles se dilatent, les yeux se retournent, les membres deviennent raides, un jet d'urine s'échappe, et des gaz et des défécations sont brutalement expulsés. En quelques instants le visage se tord, des spasmes secouent les membres, les yeux se convulsent, la mâchoires grince et la langue projetée entre les dents se fait mâcher; la salive mêlée au sang couvre les lèvres, le visage rougit, tourne au mauve et gonfle, les yeux pleins de larmes sortent des orbites, la respiration se fait bruyante. Puis les mouvements cessent, le corps entier se relâche, le sphincter se relâche et les évacuations salissent l'homme malade. Soudain il lève la tête et lance un regard hébété autour de lui. Il recouvre l'usage de ses sens, mais ne se souvient alors plus de
rien.
"












Idiot microcéphale, fils d'absinthique




Dès 1875, les ligues antialcooliques (groupées autour de Louis Pasteur et de Claude Bernard et qui seront à l'origine de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie), les syndicats, l'Église catholique, les médecins hygiénistes, la presse, se mobilisent contre « l'absinthe qui rend fou ». En 1906, la ligue nationale française antialcoolique recueille 400 000 signatures dans une pétition16. En 1907, une grande manifestation a lieu à Paris rassemblant les viticulteurs et les ligues antialcooliques. Leur mot d'ordre : « Tous pour le vin, contre l'absinthe ».








En 1908, le groupe antialcoolique qui s'est constitué au Sénat veut faire voter trois mesures :


  • interdiction de l'absinthe,
  • limitation du nombre des débits de boissons,
  • suppression du privilège des bouilleurs de cru.


Ceci conduisit à son interdiction dans de nombreux pays ; en France, par une disposition préfectorale du 16 mars 1915 prise sous l'autorité de l'état de siège, interdiction qui dura jusqu'au 18 mai 2011; en Suisse du 7 octobre 1910 au 1er mars 2005), car les ligues de vertu disaient d'elle « qu'elle rend fou et criminel, fait de l'homme une bête et menace l'avenir de notre temps ».







En réalité, il est clairement dit dans le projet d'interdiction de l'absinthe en France que la boisson est interdite pour lutter contre l'alcoolisme.








Lorsque la production d'absinthe commença à être la cible d'une vive campagne contre ses méfaits dès 1907, Jules-Félix Pernod avait succédé à son père à la tête de l'entreprise familiale. Quand sa production fut interdite par une loi du Parlement français votée le 16 mars 1915, il fut le premier à se reconvertir en fondant en 1918 la marque « Anis Pernod » qui produira le premier pastis commercialisé.





L'Assiette au Beurre 1903






Barbara, L'absinthe, 1972









Ils buvaient de l' absinthe,
Comme on boirait de l' eau,
L' un s' appelait Verlaine,
L' autre, c' était Rimbaud,
Pour faire des poèmes,
On ne boit pas de l' eau,
Toi, tu n' es pas Verlaine,
Toi, tu n' est pas Rimbaud,
Mais quand tu dis "je t' aime",
Oh mon dieu, que c' est beau,
Bien plus beau qu' un poème,
De Verlaine ou de Rimbaud,

Pourtant que j' aime entendre,
Encore et puis encore,
La chanson des amours,
Quand il pleut sur la ville,
La chanson des amours,
Quand il pleut dans mon coeur,
Et qu' on a l' âme grise,

Et que les violons pleurent,
Pourtant, je veux l' entendre,
Encore et puis encore,
Tu sais qu' elle m' enivre,
La chanson de ceux-là,
Qui s' aiment et qui en meurent,
Et si j' ai l' âme grise,
Tu sécheras mes pleurs,

Ils buvaient de l' absinthe,
Comme l' on boit de l' eau,
Mais l' un, c' était Verlaine,
L' autre, c' était Rimbaud,
Pour faire des poèmes,
On ne boit pas de l' eau,
Aujourd'hui, les "je t' aime",
S' écrivent en deux mots,
Finis, les longs poèmes,
La musique des mots,
Dont se grisait Verlaine,
Dont se saoulait Rimbaud,

Car je voudrais connaître,
Ces alcools dorés, qui leur grisaient le coeœur,
Et qui saoulaient leur peine,
Oh, fais-les-moi connaître,
Ces alcools d' or, qui nous grisent le cœoeur,
Et coulent dans nos veines,
Et verse-m' en à boire,
Encore et puis encore,
Voilà que je m' enivre,
Je suis ton bateau ivre,
Avec toi, je dérive,

Et j' aime et j' en meurs,
Les vapeurs de l' absinthe,
M' embrument,
Je vois des fleurs qui grimpent,
Au velours des rideaux,
Quelle est donc cette plainte,
Lourde comme un sanglot,
Ce sont eux qui reviennent,
Encore et puis encore,
Au vent glacé d' hiver,
Entends-les qui se traînent,
Les pendus de Verlaine,
Les noyés de Rimbaud,
Que la mort a figés,
Aux eaux noires de la Seine,
J' ai mal de les entendre,
Encore et puis encore,
Oh, que ce bateau ivre,
Nous mène à la dérive,
Qu' il sombre au fond des eaux,
Et qu' avec toi, je meurs,

On a bu de l' absinthe,
Comme on boirait de l' eau,
Et je t' aime, je t' aime,
Oh mon dieu, que c' est beau,
Bien plus beau qu' un poème,
De Verlaine ou de Rimbaud...











Nombre de textes et d'illustrations sont tirés du musée virtuel de l'absinthe.

2 commentaires:

  1. Quel travail bravo passionnant

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  2. Merci pour le compliment, anonyme, ça me touche; mais signe d'un prénom la prochaine fois, je n'aime pas pas les messages anonymes (ça me rappelle de mauvais souvenirs)

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