Tant d'années, tant de luttes.
Petit florilège d'images des années de lutte pour l'obtention de droits civiques.
Partie 1 - Les années 70.
Les origines, les émeutes de Stonewall, 1969
A l'époque, Christopher Street est déjà le centre du quartier gay. Pourtant, la situation des homosexuels reste difficile. Les Sodomy Laws, qui répriment l'homosexualité, sont encore en vigueur. Il est impossible de danser entre personnes de même sexe, ou même de servir à boire à des « pervers », et obligation est faite de porter « au moins trois pièces de vêtements conformes à son genre ». Les gays sont peu organisés. Seules la Mattachine Society, créée dans les années 50 en Californie, et la Echo (East Coast Homophile Organization), inspirées des mouvements des Civil Rights, luttaient pour leur reconnaissance.
Randy Wicker faisait partie de Mattachine depuis 1958: « Nous étions parvenus à démontrer que l'homosexualité n'était pas un crime, ni une maladie mentale. Mais l'image des gays dans le public restait déplorable. Quand un média s'intéressait à nous, c'était toujours avec cette question horripilante: alors, comme ça, vous voulez devenir des femmes, etc. A la fin des années 60, on commençait juste à sortir de cette caricature. »
Dans ce contexte hostile, la plupart des bars gays sont tenus par la Mafia, seule organisation suffisamment structurée pour pouvoir contourner la loi, grâce à la corruption. Par-dessus tout, les descentes de flics s'enchaînent, toujours selon le même scénario: la police débarque, contrôle les identités et arrête les quelques clients en drag ainsi que le personnel. Le Stonewall Inn était l'un des bars les plus fréquentés, mais aussi l'un des plus décriés par les homosexuels eux-mêmes, qui y voyaient le symbole de la double répression dont ils faisaient l'objet: d'un côté les flics qui les harcelaient, de l'autre la Mafia qui les exploitait.
Bonnie's Stonewall Inn. 53 Christopher ST. Watkins 9-9385. Boite d'allumettes, c. 1945
Quand un incendie a ravagé le restaurant Stonewall Inn au milieu des années 1960, le restaurant a fermé ses portes et le bâtiment était vide, malgré son emplacement privilégié au cœur du village. Puis, au début de 1967, Anthony « Fat Tony » Lauria, le fils d'un personnage du crime organisé bien connecté, a décidé d'ouvrir un « bar à fagot », en convertissant le restaurant Stonewall Inn avec un minimum d'effort. Comme le décrit David Carter, Un historien des mouvements des droits civiques des LGBT, auteur du livre Stonewall: The Riots That Sparked the Gay Revolution, Lauria a réussi à « remodeler » et rouvrir l'établissement avec un investissement de 3 500 $: par exemple, au lieu de réparer l'intérieur incendié, Lauria a peint le club de haut en bas avec de la peinture noire. Et, bien que Lauria ait techniquement rebaptisé le bar "The Stonewall Inn", il n'investit pas pour enlever le mot "Restaurant" du grand panneau de métal accroché au-dessus de la porte d'entrée.
Si, comme Carter continue, « Peu d'imagination a été utilisée pour créer le Stonewall Inn, le club a innové en étant un grand club gay dans une zone plutôt ouverte et sur une artère principale." Afin d'éviter les raids, les fenêtres au niveau de la rue du bar ont été obscurcies, renforcés de l'intérieur par du contreplaqué, les portes en chêne du club étaient sécurisées par un dossier en acier et de nombreuses serrures, et des judas permettaient aux videurs d'apercevoir les prétendants. Une fois à l'intérieur, les clients pouvaient choisir l'une des deux zones de bar: la grande barre du côté ouest ou la plus petite barre arrière du côté est; Au fil du temps, une hiérarchie a émergé: la barre principale accueillait généralement la clientèle grand public, tandis que la barre arrière était réservée à la clientèle plus jeune et plus marginalisée. »
« C’était un bar pour les gens qui étaient trop jeunes, trop pauvres ou trop nombreux pour entrer ailleurs », a déclaré plus tard l'activiste LGBT Vito Russo, auteur du livre The Celluloid Closet, 1981.
« C’était un bar pour les gens qui étaient trop jeunes, trop pauvres ou trop nombreux pour entrer ailleurs », a déclaré plus tard l'activiste LGBT Vito Russo, auteur du livre The Celluloid Closet, 1981.
The Stonewall Inn, New York City, July 2, 1969. Photo Larry Morris
Dans la nuit du vendredi 27 juin 1969, l'inspecteur adjoint Seymour Pine tient une dernière réunion avec l'équipe rassemblée pour le raid de la nuit sur le bar Stonewall. Pine avait obtenu un mandat pour fouiller le bar, saisir l'alcool et faire découper et enlever les comptoirs avec l'équipement de vente du club. En outre, Pine avait demandé à un inspecteur du département de la consommation d'accompagner son équipe, car un responsable de la ville renforcerait une action en justice. Au total, l'équipe de Pine comprenait onze agents: Pine, son partenaire, l'inspecteur des affaires de la consommation, quatre agents d'infiltration et quatre agents en civil.
Greenwich Village, 28 juin 1969, devant le Stonewall. Photo par Fred W. McDarrah
Le plan pour le raid était relativement simple: les quatre agents d'infiltration - deux femmes et deux hommes - et l'inspecteur des affaires de la consommation entreraient dans le bar (sans s'identifier), recueilleraient des informations sur les employés, membres de la mafia, l'emplacement de l'argent et de l'alcool, puis quitteraient l'établissement. À leur sortie, Pine, qui attendrait avec les autres officiers de l'autre côté de la rue à Christopher Park, lanceraient le début du raid. Pine a plus tard insisté sur le fait qu'il n'avait aucune intention d'arrêter les clients, car l'accent était mis sur la connexion avec la mafia. Vers 12 h 45, le matin du 28 juin 1969, environ trente minutes après que les agents d'infiltration aient quitté le poste de police, Pine et les agents en civil sont arrivés à Christopher Park et ont attendu. À un moment, les deux agents d'infiltration masculins ont quitté l'auberge Stonewall, inhabituellement animée, mais les agents féminins étaient introuvables, ce qui a rendu Pine de plus en plus nerveux. Ainsi, vers 1 h 20 du matin, ayant attendu aussi longtemps qu'il le pouvait, Pine se tourna vers les autres et lança l'assaut.
La descente de police
En entrant dans le Stonewall, l'équipe de l'inspecteur Pine a scellé les portes de l'intérieur, a aligné les usagers et a commencé à vérifier les pièces d'identité. Habituellement, les clients auraient été libérés après l'inspection d'identité. Cette fois, cependant, la police a rencontré une résistance inhabituelle.
En particulier, les personnes séparées pour « inspection », c'est à dire les Drag Queens et les femmes trans dont l'anatomie devait être vérifiée pour la conformité avec l'apparence. Ils ont simplement refusé de répondre aux injonctions. Pine a alors décidé de les arrêter. « Pour Seymour Pine », explique David Carter, « c'est la résistance des clients qui a contraint le raid à prendre une plus grande ampleur que prévu.» Pendant ce temps, des agents en uniforme ont agressé des clients et les clients se sont défendus. On ne sait pas très bien comment l’émeute débuta, mais la foule présente sur les lieux commença à lutter contre les forces de police. L'histoire veut qu'une femme transgenre, Sylvia Rivera, ait jeté la première bouteille sur les policiers.
Sylvia Rivera (Lire un article sur son implication)
The Northern Dispensary, Christopher Street, New York City, July 2, 1969.
Au bout d'un certain temps, alors que de nouvelles voitures de patrouille arrivaient, l'équipe de Pine a commencé à laisser sortir les gens dans la rue.
Lors d'un raid typique, ceux qui sortaient du bar auraient disparu, mais cette fois ils sont restés et une foule s'est formée. Et quand la foule s'est agrandie, les gens ont commencé à narguer les policiers (en voyant un ami se faire arrêter, par exemple, une Drag Queen a crié « Oh, je suis contente qu'ils l'emmènent! Elle a besoin d'un bon repos! » Cette ironie mettait en colère la police, qui devenait de plus en plus rude avec les clients sortants, et cela ne servait qu'à irriter davantage la foule.
L'arrivée d'un fourgon - que Pine n'avait pas appelé au départ pour embarquer les clients, mais pour aider à enlever les boissons et les provisions - a marqué un tournant dans la colère de la foule.
« Cela aurait dû être la fin », a déclaré Pine plus tard, « .. le raid était déjà fini ... [Mais] la foule avait grossi de dix fois la taille du petit groupe de clients: c'était vraiment effrayant. Beaucoup sont arrivés immédiatement, c'était comme si un signal avait été donné. Et c'était inhabituel car d'habitude, quand nous allions au travail, tout le monde disparaissait, cette nuit était différente. Au lieu que les homosexuels fuient, ils sont restés là, et leurs amis sont venus, et c'était une vraie rencontre des homosexuels. »
1970
Pendant la nuit, de nombreuses femmes transgenres et des hommes jugés trop « efféminés » furent pris à partie par les forces de police et battus. La première nuit, treize personnes furent arrêtées et quatre policiers ainsi qu’un nombre inconnu de manifestants blessés. La foule, estimée à 2 000 personnes, lançait des bouteilles et des pierres aux 400 policiers arrivés sur place.
La police finit par envoyer la Tactical Patrol Force, une unité de police anti-émeutes, alors habituée à lutter contre les opposants à la guerre du Viêt Nam. Cependant, ces hommes ne parvinrent pas à disperser la foule qui continuait à leur jeter des pierres et toutes sortes de projectiles.
Jerry Hoose
Jerry Hoose, 23 ans à l'époque, qui sera dès le lendemain des incidents l'un des fondateurs du Gay Liberation Front, est clair: « On détestait le Stonewall, et personnellement je méprisais sa clientèle. C'était encore un de ces bars oppressifs. Mais quand un copain m'a prévenu par téléphone qu'il y avait une émeute au Stonewall, je suis venu tout de suite pour voir ça!» Le lendemain de la première nuit d'affrontements, le New York Daily News titre: « Descente dans un guêpier homo: les reines des abeilles sortent leurs dards. »
Rassemblement de foule, mercredi 2 juillet 1969, 5 jours après la descente du Stonewall
Au Stonewall, les Drag Queens n'étaient pourtant pas franchement les bienvenues. C'était plutôt un bar de petit-bourgeois blancs. A ce fond de clientèle se mêlaient parfois, selon l'humeur du portier, quelques Street Queens, de très jeunes gays débarqués des quatre coins des Etats-Unis, qui survivaient tant bien que mal de rapines et de prostitution.
Les jeunes gays du Stonewwal, le soir du 28 juin 1969
New York Daily News, June 29, 1969
Le soir de la descente, ces gosses de la rue et clients du bar forment un attroupement devant le Stonewall. Ils sont rapidement rejoints par les habitants du quartier, puis par les nombreux activistes qui à l'époque fréquentaient le Village. « Ce mélange de gens très différents à un endroit très en vue a créé Stonewall », explique l'historien David Carter. « Cette diversité des participants explique que tous se sont par la suite approprié les émeutes selon leurs propres intérêts. »
Dans la foulée, une dizaine de militants créent le Gay Liberation Front. Parmi eux, Marty Robinson et Michael Brown, transfuges de Mattachine, Jim Owles, un militant d'extrême gauche, Martha Shelley, la dernière présidente des Daughters of Bilitis, un groupe lesbien, Lois Hart, une activiste féministe, Jerry Hoose et Jim Fourrat, un militant radical: « Au GLF, chacun pouvait enfin s'exprimer en tant que gay, ce qui n'était pas possible dans les mouvements hétéros. Nous étions organisés en cellules, comme les maoïstes. Notre but était la transformation globale de la société, à laquelle les gays et les lesbiennes participeraient activement, en tant que tels. Il n'y avait pas que des mâles blancs des classes moyennes qui étaient homosexuels, mais aussi des Noirs, des femmes, tous ceux qui subissaient le racisme de l'Amérique. »
Et ce fut le début d'un long chemin...
The Stonewall Inn, en septembre 1969
« Nous, les homosexuels, plaidons auprès de notre peuple pour qu'il aide à maintenir une conduite paisible et tranquille dans les rues du village. » - Mattachine
Sylvia Rivera et Marsha P. Johnson, qui sont créditées d'avoir initié la rébellion. Tous deux étaient des membres influents du Gay Liberation Front.
Le Gay Liberation Front a été formé à New York à l'été 1969, peu après le soulèvement de Stonewall.
Et ce fut le début d'un long chemin...
Christopher Street Liberation Day. Gay-In, Golden Gate Park, San Francisco, June 28, 1970
Christopher Street West Parade, Los Angeles, California, June 1970. Photographer unknown
Gay Activists Alliance demonstration for employment and housing protections, City Hall, New York City, June 10, 1970. Photo by Eddie Adams.
Marsha P. Johnson, New York University, New York City, October 5, 1970. Photo by Diana Davies
Zazu Nova, réunion du Gay Liberation Front, New York, c. 1970. Photo de Diana Davies
Zazu Nova, l'une des femmes trans de couleur à l'avant-garde du mouvement de libération homosexuelle à New York, était parmi ceux qui ont mené la résistance les premières nuits à Stonewall et elle a ensuite aidé à fonder Gay Youth, le groupe révolutionnaire qui a donné un espace aux jeunes homosexuels avant qu'ils ne soient autorisés dans d'autres organisations homosexuelles.
Christopher Street Liberation Day Parade, New York City, c. 1971
Christopher Street Liberation Day Parade, New York City, June 27, 1971. Photo by Grey Villet, from LIFE Magazine
Couple, Second Annual Christopher Street Liberation Day, June 1971. Photo by Jean-Pierre Laffont
Demonstrators, March on Albany, New York, March 14, 1971. Photo by Diana Davies
Gay Activists Alliance dance, The Firehouse, June 1971. Photo by Diana Davies
Gay Liberation Front member, S. LaSalle St. & W. Arcade Pl., Chicago, January 15, 1971. Photo by Paul Sequeira
Peter Tatchell (foreground) and other members of the Gay Liberation Front-UK, London School of Economics, October 6, 1971
1971
GAY PRIDE, San Francisco, June 25, 1972 Christopher Street West flyer, San Francisco, California
1972
The Cockettes Go Shopping, San Francisco, California, 1972. Photo by Clay Geerdes
Proud Parade, Adelaide, Australia, September 15, 1973.
Toronto Pride, Toronto, Ontario, August 1973. Photo by Jerald Moldenhauer
Christopher Street Liberation Day Parade, New York City, June 30, 1974. Photo Hank O'N
Gay Freedom Day Parade, San Francisco, California, c. 1975. Photo Ilka Hartmann
Harmodius & Hoti, Castro Street Fair, San Francisco, August 1975. Photo by Danny Nicoletta.
Jeanne Manford, Christopher Street Liberation Day Parade, New York City, c. 1975
Leather Sabbat Annual Halloween Party, Los Angeles, October 31, 1975. Photo by Pat Rocco
Lesbian & Gay Freedom Day, San Francisco, California, June 29, 1975
Gay Freedom Day, San Francisco, California, June 27, 1976. Photo Jerry Pritikin.
Gay Pride Day, London, United Kingdom, June 1976. Photo Janine Wiedel
1976
Bartenders, Studio 54, New York City, c. 1977. Photo Jean Pierre Laffont
Charlie Drinkwater and Doug Wilson, Saskatoon, Saskatchewan, July 1, 1977. Photo Charlie Dobie
Christopher Street Liberation Day Parade, New York City, June 26, 1977
Gay Freedom Day, San Francisco, California, c. 1977. Photo Daniel Nicoletta
Gay Pride Rally, Copley Square, Boston, Massachusetts, June 21, 1977. Photo Spencer Grant
BURGER QUEEN, Christopher Street Liberation Day, New York City, June 1978
Christopher Street Liberation Day Parade, New York City, June 25, 1978
Gay Freedom Day, Oil Can Harry's, San Francisco, California, June 25, 1978. Photo Jerry Pritikin
Grace Jones' Thirtieth Birthday, Studio 54, New York City, May 19, 1978. Photo Ron Galella
Busboy, Studio 54, March 1979
Meatpacking District, New York City, c. 1979. Photo Leonard Freed
Texas delegation take the D.C. Metro toward the National March on Washington for Lesbian and Gay Rights, Washington, D.C., October 14, 1979. Photo by Joel Rinne & Earl Colvin
- David Carter Stonewall: The Riots That Sparked the Gay Revolution. St. Martin's Griffin; Media Tie In edition (May 25, 2010)
- Wikipédia
- Libération GAY PRIDE. Stonewall, New York, 1969... La révolution gay se met en marche. Par Tim MADESCLAIRE — 26 juin 1999
- LGBT History sur Instagram
- HISKIND LGBT+ History Month: How the Press Reported the Stonewall Riots in 1969
Quelle époque bouillonnante aux USA et encore aujourd'hui avec la venu du «moron» de Trump, les droits des LGBT sont toujours en péril.
RépondreSupprimerJe vous recommande évidemment deux films qui donnent une vue historique sur ces mouvements aux USA.
When We Rise, une fresque historique des événements de Stonewall et une vue des effets dans le future de 1969. Ce fut seulement avec la timide intervention de Bill Clinton qu'enfin, certains droits furent reconnus.
Faut savoir que cela n'est pas homogène aux USA et beaucoup d'états «ultra religieux» demeurent fragiles et anti LGBT.
http://www.imdb.com/title/tt5292622/?ref_=nv_sr_1
Sorti en 2015 le film «Stonewall» est aussi un film historique mais romancé. Faut souligner Jeremy Irvine qui ajoute une note de «beauté» à cette production.
http://www.imdb.com/title/tt3018070/?ref_=nv_sr_1
Pour avoir déjà été aux USA en Caroline du Sud avec mon conjoint de l'époque (en février 2002) je peux vous dire qu'on se tenait à carreau car on sentait flotter cet atmosphère anti LGBT et, surtout, l'omniprésence de la religion.
PAS un poste de radio autre que des émissions de religion.
D'ailleurs, ces états comme l'Alabama sont encore racistes et même les droits de noirs ne sont pas encore pleinement intégrés.
Alors les droits des LGBT, vous pensez bien qu'ils en sont bien loin.
Faut voir la magnifique production «Hidden Figures» pour comprendre que les droits des noirs sont loin d'être normalisé. Oui cela se passe en 1960 mais les USA n'ont pas beaucoup évolué depuis ces temps.
http://www.imdb.com/title/tt4846340/?ref_=nv_sr_1
Les USA se vantent d'être une terre de Liberté mais au fond, cette Liberté est pour les «riches, blancs, hétéros, chrétiens».
Merci pour ce commentaire intéressant.
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