Affiche publicitaire pour la marque italienne Benetton du photographe Oliviero Toscani, 1994
Qui se souvient?
1994. La nouvelle campagne de pub présente en gros plans des parties de corps (pubis, bras, ventre et fesse) tatouées du sigle anglais définissant la séropositivité " H.I.V. positive ". L’encre violette rappelle les tampons des services vétérinaires apposés sur la viande prête à être commercialisée, ainsi que l’utilisation qu’en a fait le régime nazi à des fins d’humiliation et de ségrégation. C’est la première fois que les mots sont utilisés dans une campagne Benetton, ils sont censés n’offrir qu’un seul sens et poser un message univoque ; dans cette campagne de pub, ils ont été les plus forts : le public en retient le marquage et l’exclusion.
Suite à cette campagne, l’Agence française de lutte contre le sida (AFLS) porte plainte contre la société italienne et l’agence de publicité B. Mad dénonce l’utilisation de causes éthiques et humanitaires à des fins publicitaires et répond en faisant une autre campagne " United Boycott " contre Benetton et dont les fonds seraient être versés à l’Association Arcat-Sida. Leur annonce-presse reprend les mêmes codes que Benetton : une photographie seule accompagnée de l’accroche et un cartel sur le côté.
La campagne publicitaire HIV Positive marque un tournant : Le photographe Toscani ne se contente plus d’illustrer le slogan de Benetton, mais s’attaque aux sujets de société. La provocation publicitaire débute : dans toute l’Europe, sont diffusées des affiches montrant le tee-shirt ensanglanté qu’on croit être celui du soldat bosniaque Marinko Gagro, assassiné par un « sniper » à Sarajevo : L’affaire est source de polémique.
L’école Fabrica est créée dans le but de devenir un laboratoire de tendances et d’innovation pour la marque.(Le Musée des Arts Décoratifs, Paris)
La justice embarassée par le procès de la pub « HIV Positive » de Benetton.
La justice embarassée par le procès de la pub «HIV Positive» de Benetton Le tribunal de grande instance de Paris a examiné mercredi la requête de trois personnes séropositives, qui avaient assigné Benetton pour atteinte à la dignité humaine à la suite d'une campagne publicitaire de septembre 1993 montrant la mention «HIV-positive» sur le corps humain.
L'image, diffusée dans les médias et sur les panneaux publicitaires, représentait une épaule, une fesse ou un pubis, marquée de la mention «HIV-Positive» et simplement accompagnée du logo «United Colors of Benetton». En octobre 1993, l'Association française de lutte contre le sida avait engagé une requête analogue, jugée irrecevable. Cette fois, trois personnes ayant apporté la preuve de leur séropositivité, l'affaire a pu être plaidée.
«Les affiches HIV-Positive sont demeurées plus d'un mois sur les écrans publicitaires de nos villes. Elles ont choqué les personnes pour lesquelles je plaide. Moralement, c'est une infamie, juridiquement, une atteinte à la dignité», a déclaré Me Bernard Jouanneau, le représentant des plaignants, qui a demandé 100.000 francs de dommages et intérêts.
«Il faudrait comprendre que Benetton a voulu dénoncer les dangers dont sont victimes les malades du sida, a poursuivi l'avocat. Ces débats d'idées ne font pas disparaître les souffrances que ces images provoquent.»
Imprimé sur la peau «comme sur la viande»
Après avoir évoqué la réprobation «unanime» que cette campagne avait soulevée, Me Jouanneau a souligné l'ambiguïté d'une image sans message explicite et évoqué le «tampon HIV-Positive» imprimé sur la peau du modèle «comme sur la viande», pour conclure: «C'est une agression, une insulte, une dégradation qui renvoie les malades à leur destin qui serait l'abattoir. Cette campagne a débordé le cas habituel et admissible des provocations utilisées par Benetton dans ses activités commerciales.»
Me Martine Karsenty, qui défendait les intérêts de Benetton, s'est voulue plus nuancée: «Benetton a voulu susciter avec des affiches anonymes une prise de conscience individuelle et collective vis-à-vis des malades du sida. A chacun de les interpréter. On nous reproche d'avoir donné une image dégradante au niveau de la perception immédiate. Mais il s'agit d'une perception subjective. Hôpitaux, médecins, malades, tout le monde a réagi et tout le monde a réagi différemment. Il n'y avait aucune incitation, aucune obligation de l'interpréter d'une façon ou d'une autre. Il n'y a donc pas eu d'abus du droit de la liberté d'expression, ni de préjudice individuel.»
Concluant les débats auxquels assistait le père Jean-Michel Di Falco, venu «soutenir un malade qui a eu le courage de tenter de se faire entendre face au rouleau compresseur, à l'énorme machine Benetton», le substitut du procureur de la République a estimé qu'il n'y avait pas atteinte à la vie privée et s'est demandé quel préjudice personnel était causé à chacun des trois plaignants. Selon lui, la question soumise au tribunal est «délicate» et ne relève pas du droit mais «de la morale» et donc de «la conscience de chacun».
Le jugement a été mis en délibéré au 1er février 1995.
Pierre-Henri ALLAIN, 16 décembre 1994, pour Libération
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LE TRIBUNAL DE PARIS a condamné la société italienne Benetton Group et la société suisse United Colors of Benetton Communications pour leur publicité « HIV positive », diffusée à l'automne 1993, et leur a interdit, sous astreinte de 50.000 francs par infraction, de poursuivre ou reprendre cette campagne. Ces sociétés devront également payer 50.000 francs de dommages-intérêts à trois séropositifs qui avaient été atteints moralement par cette publicité qualifiée par les juges d'«exploitation provocante» de la souffrance, ainsi qu'un franc symbolique à l'association Aides.
Le tribunal a estimé qu'il y avait abus du droit d'expression reconnu par la Constitution. Il n'a pas jugé «convaincantes» les explications de Benetton selon lesquelles les affiches publicitaires montrant des parties de corps humains frappées d'un tampon «HIV positive» étaient «particulièrement favorables à la cause des malades du sida et destinées à leur venir en aide». «Le virus HIV demeure une affection effrayante et (...) susceptible de provoquer (...) des manifestations d'exclusion ou de rejet, voire d'hostilité», ont dit les juges, pour lesquels le message qui «laisse la place à des associations d'idées nuisibles aux personnes dont la souffrance se révèle exploitée d'une façon provocante» constitue une faute de la part de Benetton. (AFP, le 2 février 1995)
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