Rough Trade = Commerce rude
(source Google traduction)
Les hommes frustes ou de classe inférieure cherchaient, et parfois étaient payés, des partenaires sexuels occasionnels chez les hommes plus privilégiés ou plus aisés.
Depuis quelques années, une nouvelle génération d’historiens, certes influencée par les travaux précurseurs de Jeffrey Weeks, mais également attentive aux recherches menées outre-atlantique, a, en quelques ouvrages3, profondément renouvelé et élargi notre connaissance de l’histoire des homosexuels britanniques. Après Matt Cook et H.G. Cocks, qui s’étaient davantage intéressés au XIXe siècle, Matt Houlbrook nous propose une relecture passionnante du Londres queer des années 1918-1957 (de l’après Première Guerre mondiale au rapport Wolfenden), qui n’est pas sans rappeler, dans son projet, comme dans certaines de ses conclusions, le Gay New York, 1890-1940 de George Chauncey.
S’appuyant sur des sources qui n’avaient pour partie jamais été mobilisées (rapports de police, articles de presse, journaux intimes, correspondances, premier guide gay), Houlbrook décrit un monde où les frontières entre « normalité » et « anormalité » sont brouillées, où chacun ne dispose pas de la même carte pour lire l’espace urbain, et où la ville réelle s’efface parfois au bénéfice d’une ville imaginaire, ou plus exactement imaginée en fonction des parcours personnels, des hasards et des rencontres. C’est aussi une géographie conflictuelle, où l’espace se dispute et se conquiert. Pour les associations puritaines, mais aussi les forces de police, qui exercent une surveillance attentive autour des parcs et des urinoirs, des gares, des salles de spectacle et des espaces commerciaux, essentiellement dans le centre ville, la ville queer est une ville qui empiète sur l’espace public, menace la circulation des honnêtes gens, salit la réputation de la capitale, fait fuir les touristes. Si le West End, autour de Picadilly, Soho, Oxford Street, Regent Street, est la zone la plus populaire pour les rencontres homosexuelles, l’espace autour de Trafalgar Square, Embankment et Waterloo Station procure soldats complaisants et partenaires virils aux hommes en quête de rough trade, tandis que les parcs, Hyde Park ou Hampstead Heath, garderont, malgré le risque de chantage, d’attaque et de vol, leur séduction jusque bien après la Seconde Guerre mondiale. Houlbrook souligne cependant qu’alors que, dans les années 1920, les parcs étaient utilisés à des fins sexuelles aussi bien par des couples ouvriers hétéros que par des hommes de tous milieux en quête d’un partenaire du même sexe, au contraire, à partir des années 1950, ceux qui les fréquentent sont, d’une manière ou d’une autre, des exclus qui n’ont pas accès à d’autres espaces de rencontres, ou ne veulent pas les fréquenter, parce que trop jeunes, ou mariés, ou de passage, ou issus de milieux populaires.
MATT HOULBROOK,
Queer London. Perils and Pleasures in the Sexual Metropolis, 1918-1957, Chicago, The University of Chicago Press, 2005.
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