La biographie de Tamotsu Yato est très mystérieuse. On ne connait que très peu de choses de sa vie avant son arrivée à Osaka en 1956. La date de sa naissance exacte n'est pas connue. Les estimations vont de 1924 à 1928. Il est né à Nishinomiya, une petite banlieue d'Osaka. Il est fait mention fréquente d'une mère, jamais d'un père. Il peut avoir eu un frère, qui aurait menacé l’éditeur de Yato après sa mort, lui interdisant de publier de nouvelles éditions de ses photographies. Mais même ce frère est un mystère.
Il semble qu’il ait été renié par sa famille, et est venu s’installer après cela à Osaka en 1956. Il a ensuite changé son nom de famille de Takada (高田) pour Yato qui signifie « flèche ». C’est à Osaka où il rentre pour la première fois dans un bar gay qu’il rencontre Meredith Weatherby (1914 - ?), un éditeur anglais expatrié avec qui il restera en couple jusqu'en 1970.
La preuve de sa présence à Tokyo en 1957, est son apparition en tant qu’acteur vedette dans le film de Donald Richie, le colocataire de Meredith Weatherby, « Aoyama Kaidan », un film sur le flamenco. Il a travaillé pour un seul studio, la Nikkatsu, et a joué dans plus de 10 films. Yato decida alors de s’orienter vers la danse, mais sa vocation tourna court quand il eu les deux jambes brisées dans un accident de voiture. Après sa convalescence, il travailla comme journalier à Tokyo.
Dans le milieu des années 60 Meredith Weatherby était le bienfaiteur de Yato, son tuteur et amant. L’intérêt de Weatherby pour les arts eut une forte influence sur son jeune amant et le nombre de livres d'art et des œuvres d'art dans l’apparemment encouragèrent Yato à s’intéresser à la photographie, un hobby qui, jusque là, n’était qu’une distraction de week-end. Les rôles au cinéma lui offraient la perspective d’une carrière prometteuse.
Une autre influence qui contribua à orienter Yato vers la photographie fut la relation professionnelle qu’entretenait depuis le milieu des années cinquante Weatherby avec Yukio Mishima. Weatherby et Mishima travaillèrent en effet sur la traduction anglaise de Confessions d'un masque (1949) et de Le Tumulte des flots (1954).
Cette relation de travail se transforma en amitié, et dans les années soixante, Mishima ouvrit à Weatherby, Yato et Richie, les mileux intellectuels de tokyo, lors de salons qu’il organisait. Au fil des ans, la maison du trio se transforma en une sorte de salon artistico-intellectuel où l'élite des mondes artistiques et intellectuels se réunissait.
L’œuvre de Tamotsu Yato s’organise autour de trois volets, « Jeunes Samourai » (体 道: 日本 の ボディ ビルダー たち) paru en 1966, «Festival Nu » (裸 祭り) en 1968 et « Otoko » (男), publié en 1972.
Mishima fut alors l’un des modèles de Yato. Il apparait dans les trois volets de l’œuvre de Yato. On le voit ainsi au gymnase Korakuen dans « Jeunes Samourai », dans « Festival Nu », et en pagne dans « Otoko », publication qui lui est dédiée, deux ans après son suicide, suivant le rituel, par seppuku (harakiri). Dans "Otoko" Mishima pose en Saint-Sébastien.
Yukio Mishima
Yukio Mishima, vers 1970
Yukio Mishima en Saint-Sébastien
Yukio Mishima
Otoko, 1972
Yukio Mishima, vers 1970
Yukio Mishima en Saint-Sébastien
Yukio Mishima
Yato fut influencé dans les années soixante par le livre de George Rodger « Le Village des Noubas » paru en 1949 et notammament par les photographies de scènes de combat où l'anthropologie rencontre l'érotisme, influence que l’on retrouve dans ses photographies des festivals nus, des concours de culturisme.
Les publications gay dans le sens contemporain n'existaient pas au Japon à cette époque. La plupart des magazines à caractère érotique avaient leurs racines dans la sexologie, mais étaient tellement restreint par les lois de censure qu’il leur était interdit d’imprimer même le nom des parties génitales, et encore moins d’en montrer les photos.
Otoko, 1972
Les publications occidentales gay des années 40 jusqu'au milieu des années 50 (qui avaient leurs propres racines dans les magazines allemands de "culture physique" des décennies précédentes) utilisaient de nombreux stratagèmes pour se justifier face à la contradiction mœurs contemporaines.
Il a fallu attendre le début des années 60, avec la publication de "Bara" pour que l’on puisse parler pour la première fois de magazine gay érotique japonais. « Bara » était un magazine souterrain que l’on se passait de main en main. Il fut finalement censuré par le gouvernement. Il fallut attendre 1972, pour qu’apparaisse "Barazoku", l’héritier de « Bara ».
Yato fut fortement influencé par l’esthétique de ces magazines et, en particulier dans "Young Samurai", où l'influence de la "photographie physique" est assez évidente.
« Jeunes Samouraï » a été commandé par l'Association des carrossiers du Japon pour commémorer ses 10 ans d'existence. Les planches contact de Yato indiquent qu'il travaillait sur «Festival Nu » et « Otoko » simultanément.
« Jeunes Samouraï » a été commandé par l'Association des carrossiers du Japon pour commémorer ses 10 ans d'existence. Les planches contact de Yato indiquent qu'il travaillait sur «Festival Nu » et « Otoko » simultanément.
Le soutien financier de Weatherby lui permit d’échapper à la veine commerciale. Toutefois, durant cette période il travailla parralèllement comme photographe officiel pour les scènes japonaises de "Tora Tora Tora", un film épique sur la défaite de la marine japonaise face à la flotte américaine du Pacifique. Les photos furent publiées dans la revue « Camera Mainichi ». Il a également travaillé sur des projets de photojournalisme pour « Caméra Asahi » et "Asahi graphique". Il publia notamment un reportage photographique dans l’édition du 26 décembre 1969 de « Asahi graphique » sur le sculpteur Nagare Masayuki.
Il avait sa propre technique de recrutement de ses modèles, plutôt que d'utiliser ses relations dans l'industrie du film ou ses amis homosexuels, lorsqu’il voyait un homme séduisant dans la rue, il marchait droit vers lui avec sa carte et lui demandait : "Voulez-vous être mon modèle?".
Sans association avec des galeries et avec pratiquement aucune affiliation avec d'autres artistes en arts visuels, le travail de Yato n'a pas été montré publiquement. Toutes les impressions réalisées étaient réservées à la publication et ensuite offertes aux modèles ou à des amis et non exposées. Aucune n’était signée. Yato vendait ses publications dans les bars.
En 1970, après le suicide de Mishima, Weatherby et Yato se séparent, et Yato déménage dans le district de Takanadobaba à Tokyo.
Tamotsu commença à boire et à fumer trop, même s'il était déjà malade, il s’orienta vers une fin de vie autodestructrice. Il est mort en mai 1973, d'une hypertrophie du cœur. Weatherby était à l’étranger quand Tamotsu est mort. Après sa mort, ses amis découvrir dans son appartement que les appareils photos et tout son matériel technique avaient disparu, et qu’il ne restait que très peu de negatifs et de tirages.
Le corps de Yato fut incinéré et les cendres furent déposées dans un temple proche de l'endroit où il avait vécu avec Richie et Weatherby. On ne sait actuellement pas où elles sont. Après sa mort un prétendu frère ordonna aux éditeurs de cesser de publier les photographies de son « frère ». Ses livres ne furent jamais réimprimés. Les négatifs et tirages restant sont gardés à Tokyo et San-Diego.
Otoko, 1972
Yato a dépeint une virilité japonaise particulière, ancrée dans la tradition japonaise mais échappant aux stéréotypes, et absolument contemporaine. "Jeunes Samouraï" a été une révolution dans la photographie japonaise. Avant 1966 aucun livre de photographie ressemblant même de loin à celui-ci n’a été publié au Japon.
Le concept de jeunes hommes japonais exposant la beauté de leur corps dans une telle collection de photos quasi-nues était totalement inconcevable. Aujourd'hui encore, il n'est pas entièrement accepté dans la culture japonaise que l'homme doit être fier de sa musculature et exposer son corps avec un tel exhibitionnisme.
Otoko, un homme si sensuel. Il tient bien son katana comme un phallus ferme et dur.
RépondreSupprimerSi symbolique comme un samourai des temps modernes. -Rj