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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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dimanche 28 février 2010

Hans von Marées (1837-1887)




Autoportrait au chapeau jaune, 1874




Hans von Marées est un peintre allemand né le 25 décembre 1837 à Elberfeld et mort en juin 1887 à Rome. Avec Anselm Feuerbach, le sculpteur Adolf von Hildebrand et Arnold Böcklin, von Marées fait partie des peintres qu'on a appelé les : Deutsch-Römer autre groupe important d'artistes allemands travaillant en Italie à partir des années 1860 après celui des Nazaréens.


Il fit ses premières études à Berlin de 1853 à 1855 dans l'atelier de Carl Steffeck. De 1857 à 1864, il travaille à Munich, peint des scènes militaires (Soldats au fourrage, 1862, Wuppertal, Von der Heydt Museum) et des portraits inspirés de Rembrandt.

En 1863, il crée sa première œuvre vraiment personnelle, le Bain de Diane (Munich, Neue Pin.), composée d'un groupe de nus décoratifs se détachant sur un fond de paysage. De 1864 à 1870, son évolution stylistique se poursuit en Italie, où il rencontre Feuerbach, sous l'influence dominante de la peinture du cinquecento. Grâce à l'aide matérielle que lui donne le philosophe Konrad Fiedler, Marées peut réaliser ses projets artistiques.

C'est à cette époque qu'il rencontre le sculpteur Adolf von Hildebrand dont il s'éprend et les deux hommes deviennent amants. En 1869, il entreprend un voyage en Espagne, en France, en Belgique et en Hollande où il s'intéresse à la peinture ancienne (Philippe et l'eunuque, 1870, musées de Berlin).

Quand Hildebrand rentra à Berlin, Marées le suivit et ils s'installèrent dans un atelier ou le jeune sculpteur devint son élève et protégé. De 1870 à 1873, il travaille à Berlin et à Dresde. À Naples, en 1873, il décore avec Hildebrand la salle de la bibliothèque de l'Institut zoologique allemand de cinq fresques illustrant la vie des paysans et des pêcheurs de la région. Le travail terminé, il partit avec Hildebrand à Florence, où ils vécurent. Leur relation dura deux ans, jusqu'au moment ou Hildebrand tomba amoureux d'Irene Schäuffelen, qu'il épousa.

Von Marées dépeint la fin de sa romance avec Hildebrand dans un dessin, Die Frau zwischen die beiden Männer (La femme entre les deux hommes, 1875). Dans ce document, von Marées, vêtu d'un pagne, se dresse à gauche, son regard est direct et son bras est étendu vers Hildebrand nu. Le jeune homme ne renvoie qu'un regard oblique et fait un geste vers la main ouverte et tendue de von Marées.

En 1874-75, il réside à Florence, puis à Naples et enfin à Rome, où il restera jusqu'à sa mort.

À partir de 1874, ses compositions représentent presque uniquement des groupes de corps nus aux carnations lumineuses sur un fond de paysage sombre dont le rôle accessoire consiste surtout à servir de lien entre les figures et où se fonde un nouveau rapport à l'Antiquité. Ses personnages sont l'image d'une humanité supérieure. Son art, chargé de préoccupations éthiques (l'Âge d'or, 1879-85, Munich, Neue Pin.), séduit par sa recherche passionnée de pureté formelle. Brossées dans une pâte généreuse et travaillée (Ganymède, 1887, Munich, Neue Pin.), ses scènes toujours très claires sont savamment équilibrées par des formes contrebalancées et se détachent dans une atmosphère crépusculaire.

Marées reprenait souvent ses œuvres principales. À partir de 1879, il exécute de grands triptyques, comme les Hespérides (2e version de 1884-1887), les Trois Cavaliers, saint Martin, saint Hubert et saint Georges (1885-1887) et Die Werbung (1885-1887), tous conservés à Munich (Neue Pin.). Vers 1874, sa production graphique atteint une rare qualité. La plupart de ses dessins sont des études préliminaires pour ses peintures (Ausfahrt der Fischer, Wuppertal, Von der Heydt Museum). Ceux de ses dernières années sont parmi les plus beaux que l'on connaisse dans ce genre en Allemagne au XIXe s.




Autoportrait avec Hildebrand, 1873, Wuppertal, Von der Heydt Museum




Nudo di uomo seduto (1873-4)




Giovani sotto gli aranci (1870)




Due nudi maschili 1875-1880




Due nudi maschili 1873-75




Zwei männliche Akte (um 1879-80).




L'aranceto 3 - Dettaglio - NA Acquario - 1873




Tanzende Männer (um 1874-75)




Le départ des pécheurs 1873




Drei Männer in der Landschaft (1874).




Drei Männer (1874)




Drei Jünglinge in einem Orangenhain (1878-83)




Die Lebensalter (Orangenbild) (1877-78)




Kassettenbild I-Manner und Frauen in einer Landschaft (um 1874-75)

Ricco (Erich Wassmer) 1915-1972



autoportrait, 1942.



Erich Wassmer dit "Ricco" est un peintre suisse peu connu. Il peignait de jeunes garçon d'après photos, photos qui lui valurent d'ailleurs quelques ennuis. Je n'ai trouvé aucune biographie, nulle part sur internet. Les seuls renseignements que j'ai pu trouver sont cet article d'Isabelle Falconnier, paru en octobre 2008 sur le site HEBDO que je retanscris en intégralité ici. Ce sont malheureusement les seuls renseignements que l'on trouve sur internet et cet article est repris en écho sur tous les sites qui parlent de ce peintre. Si des lecteurs ont d'autres renseignements sur Erich Wassmer à me fournir, je suis preneur.



Sulfureux, le peintre et prince bernois fait l’objet d’une exposition à l’Estrée de Ropraz et d’un catalogue raisonné du Kunstmuseum de Berne.
Dandy discret et aristocrate sulfureux, Erich Wassmer, dit Ricco, né en 1915 au château de Bremgarten près de Berne, arrive en 1963 à Ropraz, village de 300 âmes à l’orée des bois du Jorat. Il vient de passer huit mois en prison, en France, pour possession de photos de jeunes hommes nus. Dix ans plus tard, le 27 mars 1972, son cortège funéraire monte doucement la pente qui sépare le château de Ropraz du cimetière. Derrière le vieux corbillard tiré par des chevaux, suit une Rolls-Royce blanche, conduite par son majordome Mario, et la famille, à pied.

Sur la pierre tombale, à l’entrée du cimetière de Ropraz, est scellé un éphèbe de bronze signé Karl Geiser qu’il avait choisi comme gardien de son dernier sommeil. Nu, pensif et vigoureux, il se dresse toujours entre le lierre et les fougères. Il y a un an et demi, le Kunstmuseum de Berne vient photographier deux tableaux de Ricco à Ropraz: l’un trône dans le bureau du syndic, l’autre dans la famille d’Alain Gilliéron, patron de l’espace culturel l’Estrée –il représente Stéphane Gilliéron, frère d’Alain.

En pleine élaboration du catalogue raisonné des œuvres du peintre, sur mandat de Ruedi Wassmer, neveu et filleul de Ricco, le musée estime que plusieurs œuvres ont été vendues en Suisse romande, et espère retrouver leur trace. C’est l’occasion ou jamais: Alain Gilliéron décide d’accueillir Ricco à l’Estrée, à deux cents mètres de sa tombe. Jusqu’au 30 octobre, l’espace culturel expose une dizaine des dessins et autant des tableaux, et fait tourner le beau documentaire réalisé en 2002 par l’Américano-Tessinois Mike Wildbolz.

Des dix années de Ricco à Ropraz, le village se souvient. A commencer par Alain Gilliéron lui-même. Si sur certains tableaux c’est son frère qui figure, sur d’autres, c’est lui. Fils du buraliste postal, Alain et Stéphane sont réquisitionnés par leur père pour tondre la pelouse du châtelain, qui les fait ensuite poser pour des photographies dont ses tableaux s’inspirent.

«Pour nous gamins, c’était extraordinaire. C’était un extraterrestre, excentrique et soigné, d’une douceur extrême, venant parfois au café ou à l’épicerie. En pénétrant dans le château, qui nous était a priori défendu, nous entrions dans une caverne d’Ali Baba: des collections de timbres, de papillons, de bateaux, d’armes, de tableaux. Il nous faisait poser avec une maquette de bateau, une roue de vélo, un cheval de bois ou une épée. C’était amusant. Nous devenions des marins, des chevaliers. Quelqu’un s’intéressait à nous…»

En 1966, les parents Gilliéron reçoivent pour Noël un grand tableau sobrement intitulé Stephan de la part du maître, toujours dans la famille. «Je ne sais pas ce que pensaient mes parents de Ricco. Pour nous, la nudité était naturelle. Il ne nous a jamais touchés. D’ailleurs, tous ses modèles ont le même type sur ses tableaux. Il nous faisait correspondre à son idéal. Sur certains tableaux, je ne sais pas si c’est mon frère ou moi qui ai posé. Il cherchait quelque chose à travers nous qui n’était pas nous.»

Fiancées pour beurre. C’est toute l’histoire de Ricco, né Erich Wassmer d’un père grand industriel et mécène, dont les amis de la famille étaient Herman Hesse ou le compositeur Othmar Schoeck. Après une enfance de rêve à Bremgarten, il étudie la peinture à Munich, à Paris, puis chez Cuno Amiet. Silencieux, aimable, beau, il a des amitiés amoureuses, emmène une fiancée à Venise, mais ne l’épouse jamais. Toute sa vie, il correspondra avec plusieurs femmes, mais finit toujours par rompre.

Au soir de sa vie, à Ropraz, malade, il demandera encore en mariage l’une d’elles. Pour rire, ou pas. Fasciné par la mer, il se fait tatouer une ancre. Dans les années 40, il achète un yacht, amarré à Morges, le revend, puis s’embarque pour Tahiti. Après quelques mois, il s’engage comme matelot sur les mers du Sud, Bombay, Hawaï, le Japon. De retour en Europe, dans les années 50, il s’installe au château de Bompré, près de Vichy. Homosexuel discret, il est arrêté et mis en prison pour conduite contraire aux bonnes mœurs.

Tinguely chez lui. Sa famille achète alors le château de Ropraz pour l’y loger. La rumeur veut que son père Max ait éloigné du fief de Berne ce fils vaguement indigne. Ropraz l’adopte. Il ne ferme pas son château à clé, aime les voitures. En 1964, lorsque Jean Tinguely construit sa machine pour l’Exposition nationale à Lausanne, il loge chez Ricco. Qui le peint.

L’écrivain Jacques Chessex, habitant de longue date de Ropraz, se souvient de ses «habits de toiles flottants, de sa démarche lente et chaloupante. On sentait quelqu’un qui avait largué les amarres. Je voyais les enfants Gilliéron qui allaient se faire photographier par le peintre. Je trouvais cela extraordinaire, que le peintre aristo prenne ses modèles parmi les enfants du pays, comme au XVIIIe siècle. C’était sa liberté.» Il a un majordome, Mario, ancien chauffeur de JeanXXIII, toujours en uniforme blanc. «C’était exotique, par ici.» Le village jase peu sur les mœurs de Ricco. «Ce n’était pas l’époque de l’obsession pédophile…»

Chessex devient familier du château après la mort de Ricco, lorsque son frère Hans, le colonel Wassmer, y installe sa résidence. Beaucoup des objets personnels de Ricco sont restés, objets polynésiens ou photos de jeunes marins. «Les Wassmer avaient le génie de l’hospitalité élégante. Il y avait des paons sur les pelouses et, l’hiver, nous buvions du champagne en regardant tomber la neige sur les tulipiers où les paons s’installaient.» Sa peinture? «Je la mets à côté de Balthus et Max Ernst. Je connais peu de peintures contemporaines qui soient en même temps aussi denses, nourries du point de vue de la peinture, et aussi douces au regard, comme moirées par l’œil tellement l’art en est consommé. Ce qui me fascine, c’est l’alliance, rare dans la peinture d’aujourd’hui, de la matière et du rêve. Et peu ont peint le désir des jeunes corps masculins, de l’ordre d’un désir très matériel et très sublimé à la fois.»

Collectionneurs avertis. Ricco laisse quelques cinq cent œuvres, tableaux, dessins et photos. La plupart sont dans des collections privées de la famille ou d’amis. La ville de Berne, le Kunstmuseum de Berne ainsi que le Musée des beaux-arts d’Aarau en possèdent. En 1988, une première exposition à Aarau, justement, sort Ricco du relatif oubli dans lequel il est tombé. En 2002, le Kunstmuseum de Berne organise une rétrospective. Et s’est fixé pour objectif, d’ici à 2010, de terminer le catalogue raisonné de ses œuvres. «Il y a beaucoup à découvrir encore, explique Marc-Joachim Wassmer, responsable du catalogue Wassmer au Kunstmuseum de Berne. Nous découvrons régulièrement de nouveaux documents, œuvres ou carnets de notes. C’est un travail de longue haleine et de confiance avec la famille.»

Individualiste, Ricco a choisi un chemin peu balisé. Après-guerre, l’art se tourne vers l’abstraction, Jasper Jones ou Pollock en tête. «Ricco a toujours été décalé. Il ne faisait pas partie de l’avant-garde, mais intégrait ses éléments. Son style est très personnel, et a évolué d’une peinture naïve vers un réalisme magique très intéressant, une sorte de vérisme à l’ancienne mâtiné de surréalisme, de symbolisme, et d’humour. On y voit l’influence de Dali ou d’Ernst, dans une combinaison de natures mortes et d’êtres humains fascinante.»

Dans sa mythologie personnelle, en plus des éphèbes –bruns et secs, le regard absent–, on retrouve dans ses tableaux des bateaux, des horloges, un écorché, des squelettes, une main, une poupée cassée, des cigarettes. «Ce sont ses leitmotiv, sa mythologie personnelle. Il s’inscrit avec force dans la culture européenne existentialiste. L’Estrée mérite une médaille pour son exposition!» Le prix de ses œuvres est étrangement monté lors des rares récentes ventes aux enchères. Estimées à 16000 francs, certaines sont parties à plus de 45000 francs. «C’est un marché bizarre, qui ne correspond pas à la valeur réelle de ses tableaux. Les collectionneurs de Ricco sont prêts à tout pour en avoir…

La récurrence des jeunes garçons dans son œuvre a pu et peut toujours poser problème. Balthus peignait des jeunes femmes, c’est plus acceptable aux yeux de la société.»

Le Grand Meaulnes. Il disait de lui-même qu’il était un « bâtard, quelque part entre un écrivain et un peintre.» Il adorait les voitures, possédait une Thunderbird. Il ne couchait pas avec ses modèles, ses muses. Avec les autres, les marins, les gens des fermes, oui. Il appartenait aux privilégiés, mais n’a pas eu la vie facile. Il allait de château en château, prisonnier volontaire d’un monde enchanté. «Le héros de sa peinture est un homme dont l’enfance a été trop belle», explique Beat Wissmer, directeur du musée d’Aarau. Le Grand Meaulnes était son livre de chevet. Les hanches fines des garçons de ses tableaux sont tournées vers un ailleurs inaccessible, des temps enfuis ou un futur désenchanté, rempli de mers, de chevaliers et de squelettes hilares.

A la mort de Ricco, sa sœur et sa mère se précipitent au château de Ropraz. La sœur met de l’ordre dans les papiers, «efface l’aspect homosexuel», comme elle l’explique platement à Mike Wildbolz. La mère s’y installe, veut ouvrir un musée. Elle meurt trois mois après, se fait enterrer à côté de son fils. Hans, le frère colonel, meurt en 1984. En 1988, la famille vend le château.Stéphane Gilliéron: «J’étais très gai, gamin. Mais je ne souris sur aucun des tableaux de Ricco. C’est bizarre.» En héritage, il a reçu un pistolet, Alain un cheval de bois de manège. De jolis jouets.
Isabelle Falconnier.



Le Palais des Merveilles, 1954



vive la marine, 1952



le verre de vin rouge, 1952



Pour faire voir, 1956



Les mains, 1962



le cheval de bois,1962



le cerf volant, 1957



Le beau cheval, 1966



jean du phare, 1956



Der Gieu u d'Iffle, 1966












vendredi 26 février 2010

Anton Kolig (1886-1950)








Anton Kolig est un peintre autrichien né le 1er juillet 1886 à Neutitschein en Tchécoslovaquie et mort le 17 mai 1950 à Nötsch en Autriche.

Son style évolua du figuratif à l'expressionnisme.

Anton Kolig, ami de Oskar Kokoschka et Egon Schiele expose avec le groupe de la sécession viennoise dès 1910 où il rencontre Gustav Klimt (bien que celui-ci ait quitté le groupe depuis 1908).

S’il semble aujourd’hui moins connu que ses amis, c’est peut-être parce qu’il a concentré ses efforts sur le nu masculin, sujet peu apprécié à l’époque (même si Schiele nous a laissé des autoportraits nus en grand nombre). Son homosexualité était connue et jugée scandaleuse. Mais à l’inverse de Klimt et Schiele, il semblerait qu’il n’ait exprimé sa sexualité que dans sa peinture. On ne lui connaît aucune relation amoureuse avec un modèle.

Kolig, marié depuis 1911, commença de travailler avec des modèles en 1904. Il commença par payer des professionnels ; mais plus tard, en quittant Vienne, il utilisa les membres de sa famille, ses amis, les garçons de ferme des environs ainsi que ses propres élèves.

Dans les près de 3000 dessins et 400 peintures qu’il a laissés, Kolig célèbre la beauté et la sensualité du jeune corps masculin, mais ne s’interesse apparemment pas à l’esprit de ses modèles. Dans ses dessins, la tête du personnage est parfois absente, et souvent vaguement rendue dans ses toiles. L’imagination artistique de Kolig ne s’attache pas à une personne en particulier mais elle cherche l’éphémère.

Kolig invoqua un jour la notion de “coït spirituel” pour définir l’acte de “peindre et être peint et par extension dessiner et être dessiné”. Pendant des années, il rêva d’un studio de peinture inspiré des loges maçonniques dans lequel il pourrait enseigner et vivre avec ses élèves. Comme on peut le voir dans le dessin inachevé La famille du peintre, l’artiste était moins intéressé par son propre cercle familial “biologique” – sa femme et lui eurent cinq enfants – que par celui qu’il avait choisi.
biographie:wikipedia










Zwei sitzende männliche Akte 1940






Sitzender männlicher Akt 1935






nakt






Männlicher Akt mit angewinkelten rechten Bein o.J.






Männlicher Akt liegend von links oben nach rechts unten






Liegender männlicher Akt






Mann liegend, 1919














Stehender männlicher Akt 1924






Das Waldhorn 1937








Männlicher Akt mit Schlange 1949







Lesender, 1912







Kniender Narziß 1920






Dreaming boy, 1925






Das Waldhorn 1937






Sehnsucht






Am Morgen 1919














1947






mercredi 24 février 2010

Justin Ogilvie (1975 - Toronto, Ontario, Canada)

site



Study of Torso for Departure, 2006



Study for radiance 2006



Study for Ascent III, 2008



Self encountering III



Radiance, 2006




Flowfield, 2006



Dissolve, 2005



Descent 2, 2006



Descent, 2006



decision, 2006



ascent 2, 2006


vendredi 12 février 2010


L'Homosexualité, ce douloureux problème


Cette célèbre émission de Ménie Grégoire du 10 mars 1971 en direct de la salle Pleyel à Paris peut être considérée comme un des actes fondateurs du mouvement homosexuel militant français. C'est en effet dans sa foulée que s'est fondé le FHAR (Front homosexuel d'action révolutionnaire), en gestation depuis 1968.

Nous en reproduisons ici une transcription intégrale : un morceau d'anthologie qui se lit aujourd'hui comme une pièce de café-théâtre...


Musique de générique

Ménie Grégoire. - Ici Ménie Grégoire qui vous dit bonjour à tous, vous entendez la salle Pleyel remplie à craquer et qui fait beaucoup de bruit, car nous venons d'avoir depuis une demi-heure une discussion absolument passionnée et passionnante sur l'homosexualité que nous allons continuer sur l'antenne. Mais avant de donner la parole aux gens qui connaissent bien la question pour des tas de raisons diverses, je vais essayer de résumer ce que moi, j'ai entendu pendant trois ans et ce que j'ai essayé de comprendre et ce qu'on m'a dit car les lettres d'homosexuels tiennent dans mon courrier une très grande place...

Je crois qu'on m'a dit trois choses : on m'a dit premièrement que c'est un accident, qu'on ne naît pas comme cela, qu'on ne s'y attendait pas, contrairement à ce qu'on croit, on a dû le devenir, on ne sait pas comment, les gens qui savent vous diront que c'est par un mauvais rapport avec le monde, représenté souvent par les parents ;
on m'a dit deuxièmement que tout être humain entre douze et quatorze ans peut se tromper, il passe toujours une phase où il n'a pas encore choisi, où il est un peu perdu et ça peut arriver à tout le monde ;
la troisième chose qu'on m'a dit, c'est que la notion de culpabilité, qui est très importante dans ce cas-là, vient de la société et que la société culpabilise très différemment les hommes et les femmes.

Elle culpabilise les hommes et pas les femmes et les lettres que j'ai reçu des homosexuels garçons, jeunes, me disent qu'ils sont malheureux, qu'ils sont malheureux jusqu'à des envies de suicide et que cette découverte est un drame et c'est pour cela que je vais poser le problème comme il m'a été posé, comme une chose pas drôle, comme une chose finalement importante et qui peut arriver dans toutes les familles, à tous les enfants de chacun de nous. Alors ceux qui ne souffrent pas, bien sûr, ne m'ont pas écrit, mais il y en a qui m'ont écrit en me disant qu'ils ne souffraient pas pour faire de la propagande, c'est-à-dire se réhabiliter et j'en conclus que quand on a besoin de se réhabiliter, c'est qu'on est quand même culpabilisé d'une façon ou d'une autre.
Alors maintenant je vais donner la parole aux gens qui sont là. Je sais déjà ce qu'ils ont à dire, ils ont beaucoup de choses à dire. Je crois que Claudia voudrait dire un mot.

Claudia. - Moi je voudrais témoigner en tant qu'assistante, Jeanine et moi, ils nous arrive tous les jours, quotidiennement, des problèmes extrêmement graves, cruels, la souffrance des gens qui s'expriment et qui nous ébranlent toutes les deux. Très souvent dans ces problèmes, des homosexuels. Je sais qu'il y a des homosexuels qui assument leur homosexualité, en particulier dans la salle aujourd'hui. Mais il y a tous ceux qui souffrent et qui ne savent à qui parler, qui ne savent à qui s'adresser et qui écrivent à Ménie. C'est une réelle souffrance, il s'agit presque toujours de très jeunes, ils parlent toujours de suicide et on les sent bannis de la société et ils sont très très malheureux. Je vais lire dans les cris de la vie une lettre, n'importe laquelle, écrite par un homosexuel à Ménie :

« Je suis un garçon de 19 ans et j'envisage de faire ma vie conjugale avec un homme, je vais vous poser, à vous, la question fondamentale : est-ce possible ? Est-ce monstrueux ? Je suis président d'un club de jeunes, j'ai tenté au début de me suicider mais si à trente ans il n'y a pas d'amour vrai, d'amour fidèle dans ma vie, [je] préférerais la mort à une vie sans but ; or aucune femme ne m'intéresse. Ce sera cela ou la mort, à moins que je n'acquière une autre personnalité. »

Ménie Grégoire. - Je crois que là le problème est bien posé, il est posé par toutes les lettres que j'ai reçu comme ça. Est-ce que vous voulez qu'on le pose autrement ? Dans la salle il y a des gens qui ont posé ces questions. Vous voulez qu'on demande à Yves Guéna (?) qui est psychanalyste de nous expliquer ce que c'est ?

Le psychanalyste. - Je crois qu'il faut partir des éléments de base ; l'amour est une attirance irrésistible qui pousse deux êtres l'un vers l'autre et les amène à certains actes dits sexuels et normalement cet élan se passe de l'être d'un sexe à un être de l'autre sexe, et il arrive que par accident, cet élan se passe entre deux individus de même sexe. Voilà pour la définition de base.

Ménie Grégoire. - Est-ce que ça peut arriver à tout le monde ? que pensez-vous de la position que je prends, que c'est pour moi un accident, c'est à dire une immaturité, c'est l'impossibilité de dépasser un certain stade qui est l'instant d'hésitation entre son sexe et l'autre.

Le psychanalyste. - Je prendrais la même position que vous, tout au moins c'est ce que l'expérience m'a montré, à savoir que quand un homme est homosexuel, et qu'il adoptait un rôle féminin, c'est généralement que sa virilité, sa masculinité, n'était pas développée.

Ménie Grégoire. - Alors nous avons dans la salle un homosexuel qui a dit autre chose, qui a dit : moi je n'aime pas les femmes parce que quel est celui qui a dit ça, levez la main que je vous donne la parole, il était devant.

L'homosexuel. - Ma mère était une femme qui était croyante, très pratiquante, qui a souffert par les autres femmes, car mon père avait beaucoup de maîtresses et personnellement, étant enfant, j'en ai beaucoup souffert. Mon frère aîné était comme moi, il a beaucoup souffert et justement la question que je voulais poser à Ménie : il s'est marié par la faute d'un prêtre. il est malheureux maintenant d'être marié.

Ménie Grégoire. - alors que il n'aurait pas dû épouser une femme ?

L'homosexuel. - Alors normalement, il n'aurait pas dû épouser une femme et de plus il s'est marié dans l'espoir d'avoir des enfants, il n'en aura jamais.

Ménie Grégoire. - Je vous remercie, car là vous posez le problème religieux, on pourrait peut-être demander au père Guinchat (?) de répondre, et de donner la position enfin devant une histoire comme celle-là. C'est à dire un prêtre qui a poussé un homosexuel à se marier, qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous l'auriez fait ?

Le prêtre. - Je crois que le prêtre qui a pris une position de ce genre est sorti de son rôle. Un prêtre n'est pas un psychologue et il y a des quantités de domaines où il doit reconnaître son incompétence. Combien de fois il m'arrive de dire à des gens qui viennent parler avec moi, ce n'est pas mon rôle, allez voir un médecin.

Ménie Grégoire. ­ Mademoi-selle dans la salle

Une femme dans la salle. - Je crois que le psychiatre le psychanalyste qui vient de prendre la position qu'il vient de prendre a pris une position qui est profondément antiféministe, profondément sexiste et qui plus est, fait appel à une conception, à savoir la virilité, qui me paraît actuellement assez indéfendable.

Ménie Grégoire. - Vous voulez qu'on parle à égalité de l'homosexualité masculine et féminine.

Une femme dans la salle. - Pas seulement. Je pense que de toute façon, dire que l'homosexualité masculine résulte du fait qu'on assume pas sa virilité, c'est déjà poser la virilité d'une certaine manière et que ça demande à être justifié pour le moins.

Ménie Grégoire. - Vous voulez répondre, tout de suite ?

Le psychanalyste. - Oui, malheureusement je crois que c'est une question qui nous entraîne trop loin (Rires dans la salle.) parce que quand j'ai dit qu'un homme n'a pas développé entièrement sa virilité, il faut faire appel à des connaissances, à des structures de l'individu assez profondes. Donc je dis bien, ça entraîne trop loin et il est très difficile de répondre sur ce plan. Il est un autre plan sur lequel il est plus facile de parler, c'est ce qui a amené l'individu à ne pas atteindre son développement et alors là, nous tombons dans un domaine dont on peut largement parler qui est celui du milieu, qui est celui des principes, de l'éducation et qui joue évidemment un rôle fondamental. Alors je voudrais compléter ce que j'ai dit sur un point. Ce n'est pas parce que j'ai dit que je considère que l'homosexualité est un accident et même dans une certaine mesure un accident regrettable, que je considère que, tant que l'individu est dans une situation d'homosexualité, il ne doit pas vivre sa vie le mieux possible dans son homosexualité, il faut distinguer deux temps : l'origine et la façon dont l'homosexuel a le droit de vivre.

Ménie Grégoire. - Alors là, je vous pose une question précise. Quand vous, psychanalyste, vous voyez quelqu'un qui vient vous trouver en disant je crois que je suis homosexuel ou je le suis, je voudrais en sortir ­ parce que ça arrive ­, est-ce que vous considérez que c'est réversible et comment ?

Le psychanalyste. - Sauf dans les cas rares où la dominante chez un homme, la dominante féminine, est vraiment flagrante et semble irréversible. Dans la plupart du temps, on peut dire que l'homosexualité est un accident et que normalement elle se résoudra. (Agitation dans la salle.)

Ménie Grégoire. - Oui. Autrement dit, il y a des cas où c'est irréversible, même pris très jeune ?

Le psychanalyste. - Très rarement irréversible, oui, absolument. Alors, d'autre part, jamais je ne prendrais le fait homosexuel comme point de départ, je regarderais l'ensemble de la vie de l'individu et si il est parfaitement épanoui dans l'ensemble de sa vie et qu'il ne semble souffrir de rien d'autre, eh bien, la question de la normalité de son homosexualité pourra parfaitement se poser.

Ménie Grégoire. - Voilà. Autrement dit, quand vous les trouvez équilibrés, vous ne vous sentez pas le droit de les changer, d'autorité. S'il peut s'assumer comme cela, vous leur dites, allez-y donc.

Le psychanalyste. - Absolument.

Ménie Grégoire. - Ça c'est clair. On continue.

Une femme dans la salle. - Alors l'intervention du psychanalyste a en effet mis les choses tout à fait au clair, on ne peut pas parler de l'homosexualité sans parler de la pathologie de la sexualité en général qui est évidemment la sexualité officielle, c'est à dire l'hétérosexualité. On a donc à faire à une pathologie où pour s'aimer dans notre société, un homme doit être viril. La virilité signifie à la fois un sentiment subjectif de domination et de supériorité sur la femme.

Ménie Grégoire. - Mais non !

Une femme dans la salle. - Et aussi, bien évidemment, une situation objective de supériorité. Si on comprend bien, pour ne pas devenir homosexuel, et pour avoir des relations avec l'autre sexe, un homme doit d'abord avoir cette pathologie, c'est-à-dire qu'il doit d'abord y avoir cette inégalité entre les sexes.

Ménie Grégoire. - Alors là, madame, moi, je vous interromps. Vous dites une chose qui est à analyser. Parce qu'elle manifeste, en disant cela, une espèce de refus de l'homme et elle considère l'homme quand il vient lui faire l'amour comme venant l'embêter et l'écraser de sa supériorité. Une femme normale (Cris dans la salle.) une femme qui est hétérosexuelle ne trouve pas qu'on l'écrase, elle trouve qu'on lui fait un joli cadeau. Alors vous continuez ? Et croyez moi, il est de qualité ce cadeau-là.

Le psychanalyste. - Je voulais dire que c'est vous-même qui associez virilité à supériorité, je n'ai jamais rien dit de semblable.

Ménie Grégoire. - Abso-lument ! Dieu merci, il n'y a plus que moi qu'on entend vous voyez que la salle est en pleine confusion. Je voudrais passer le micro à un jeune homme non une dame, Madame, à vous ?

Une femme dans la salle. - Je pense effectivement qu'il y a ici une confusion très grave. Quand on a suivi un enfant pendant des années et qu'on a pu se rendre compte de l'évolution de cet enfant, eh bien, on se rend compte que tout simplement que c'est une question d'éducation, il y a eu au départ un accident, vous l'avez dit, Ménie. Cet accident provient souvent du fait que la mère elle-même était traumatisée. Incon-sciemment, il y a chez la mère un refus de l'homme pour des raisons qui viennent aussi de son enfance, mais c'était inconscient ce refus, mais l'enfant le sentait à travers ce qu'elle était. Et alors cet enfant très jeune a voulu aimer sa mère et lui faire plaisir et pour lui faire plaisir il s'est identifié à elle tout simplement.

Ménie Grégoire. - Je vous remercie de cette belle analyse vécue. Je voudrais vous poser une question pendant qu'on vous tient, Madame. Vous m'avez dit tout à l'heure que vous avez découvert vous-même cette tendance chez un enfant de cinq ans. Vous l'avez emmené à des psychiatres et il a évolué dans le même sens.

Une femme dans la salle. - Très jeune, il refusait son sexe, il voulait des poupées ; bien sûr il voulait porter le nom de sa mère, il refusait le nom du père, il venait se pelotonner parce qu'il voulait prendre sa place, là où c'était sa place, en somme il y avait un refus complet du père.

Ménie Grégoire. - Je crois qu'on a rien à ajouter, c'est éclatant, c'est tout simplement une analyse sans prise de position, allons-y.

Un homme dans la salle. - Moi, je voudrais demander au psychanalyste si, quand il affirme la réversibilité, il l'affirme au nom de la théorie psychanalytique ou s'il l'affirme au nom de son expérience ; c'est-à-dire si il a effectivement des cas de réversion et des cas de réversion bénéfique. Pour ma part, je n'en ai pas connu bien que j'ai eu à éduquer un certain nombre d'adolescents et dont un certain nombre ont été soignés pour ceci, certains se sont équilibrés dans leur homosexualité, d'autres effectivement ne se sont pas équilibrés dans leur homosexualité. Je n'en ai pas connu pour ma part qui aient fait cette réversion heureuse.

Ménie Grégoire. - Je précise que ce monsieur qui parle dans la salle est éducateur, donc il en a vu un certain nombre.

Le psychanalyste. - Ça pose un assez sérieux problème ce que vous dites. Et je crois que trente pour cent des jeunes qui vont consulter des psychanalystes ou des psychiatres sont soit impuissants, soit se croient homosexuels ou ont commencé l'homosexualité. Et il apparaît très relativement facile et très rapide d'enrayer une homosexualité commençante, c'est-à-dire rendre l'individu normal. Dès lors qu'au début, ça peut être fait d'une façon très courante, ceci indique que la réversibilité plus tard sera peut-être plus difficile mais tout aussi possible.

Ménie Grégoire. - Je crois qu'on peut peut-être donner la parole aux gens de la tribune qui ont à poser des questions dans le sens de la salle.

Un journaliste, Pierre Hahn. - Je voudrais d'abord dire une chose qui m'est apparue de plus en plus clairement à mesure que j'étais en rapport avec des spécialistes, c'est-à-dire des ethnologues, sociologues, psychanalystes, prêtres. C'est que nous vivons dans une certaine société et dans une certaine civilisation. Cette civilisation, nous savons qu'elle est judéo-chrétienne. Cette société c'est une société bourgeoise qui s'est fondée au xixe siècle. Et nous avons hérité la morale, particulièrement la morale sexuelle. Moi, ce qui me frappe c'est qu'on donne toujours des explications qui sont en quelque sorte comme si l'homosexualité n'était pas prise dans la société comme si elle venait de par les rapports avec les parents. Tout cela c'est une psychologie qui est détachée du réel.

Ménie Grégoire. - Autrement dit si vous le permettez que je traduise en langage plus clair, vous pensez qu'il y a dans notre société une morale qui condamne, qui est répressive. Que si on sortait de notre société pour aller dans d'autres il n'y aurait pas la même morale ni la même répression.

Pierre Hahn. - Exactement, je suis tout à fait frappé quand je compare et je n'ai pas été le seul je me souviens d'un entretien que j'avais eu avec le professeur Bastide qui était professeur à la Sorbonne et qui est ethnosociologue et qui me donnait des exemples dans les tribus indiennes d'Amérique où vous aviez un statut pour un certain type que nous appellerions, nous, homosexuel et même homosexuel féminin. Si nous nous reportons à la Grèce antique, nous rencontrons d'autres structures de type que nous qualifions, nous, d'homosexuelles. Mais on voit qu'un peu partout, y compris même dans la nature et là je me référerais en ce qui concerne les animaux à ce que disait le professeur Rémi Chauvin qui est éthologue et qui disait : en étudiant le comportement sexuel des animaux, nous pourrons découvrir le secret de tout ce que nous appelons les perversions sexuelles. Mais je me demande et je ne suis pas tout à fait en désaccord avec Freud, je crois que pour Freud la sexualité n'est pas fixée au départ, c'est une chose qui se porte, c'est une force.

Ménie Grégoire. - Je vous interromps parce que vous avez bien posé votre question. Il y a quelqu'un qui veut vous répondre, les frères Jacques, alors allez-y.

Un frère Jacques. - Je me suis rendu compte qu'il y avait deux causes d'homosexualité masculine. Premièrement une cause psychologique, le fait pour le jeune garçon d'avoir été élevé au milieu de femmes et la plupart du temps une mère trop possessive et hors de la présence physique ou morale d'un homme. Le garçon considère alors la femme à la fois avec respect et une certaine crainte qui entraîne la plupart du temps l'impossibilité d'amener à son terme l'acte sexuel.

Ménie Grégoire. - Mais alors là, je voudrais que vous lui répondiez ; il vous a dit que dans d'autres sociétés, c'est considéré comme très bien, voyez la Grèce antique, on connaît l'argument, mais enfin il vous l'a posé. Est-ce que vous pouvez lui répondre ?

Le frère Jacques. - Non, ça me paraît difficile.

Ménie Grégoire. - Est-ce que quelqu'un peut lui répondre ? Moi, il me semble tout de même mon père vous ne vous sentez pas le courage ?
Le curé. - Ce n'est pas une question religieuse, c'est une question médicale.

Ménie Grégoire. - Ce n'est pas une question mais non c'est une question humaine, générale, il s'agit de savoir oui, alors un autre frère Jacques.

Le frère Jacques. - On ne peut pas séparer ce problème-là de l'ensemble de la civilisation antique.

Ménie Grégoire. - Oui, mais je trouve que vous n'allez pas assez loin. Imaginez que l'homosexualité devienne un modèle social et bien je ne sais pas, nous nous serions très vite pas reproduits. Il y a tout de même là quelque chose, il y a une norme de vie, il y a tout de même une négation de la vie ou des lois de la vie dans l'homosexualité. Il me semble qu'on peut répondre cela sans blesser personne. À vous la salle !

Une femme dans la salle. - On parle de l'homosexualité d'une façon horrible comme si il fallait la justifier, comme si l'hétérosexualité était quelque chose de naturel. On sait maintenant parfaitement que tout individu est bisexuel, qu'il n'y a pas de détermination sexuelle autre que sociale (Applaudissements.)

Ménie Grégoire. - Non, arrêtez, on n'entend plus rien. Effectivement Freud a établi une bisexualité originelle, mais il nous a pas dit qu'on allait rester bisexuel jusqu'à notre mort et qu'on n'allait pas se reproduire. Il nous a donné les moyens de choisir un sexe. Nous avons d'ailleurs ici dans la salle un travesti qui a choisi un autre sexe que le sien, et bien je vous assure que ce qu'il nous a dit tout à l'heure, n'était pas emballant. Hein ! Elle n'arrive pas à vivre !

Une femme dans la salle. - La seule question qui se pose à propos de l'homosexualité c'est la répression des homosexuels et non la question de pourquoi ils le sont devenus.

Ménie Grégoire. - Je tiens à poser les deux questions, savoir pourquoi ils le sont devenus, [ce qui] intéresse beaucoup le public et les parents qui ont des enfants mais on peut poser la question de la répression. Qui veut parler, il y a des mains qui se lèvent partout, les homosexuels semblent souffrir de répression, qu'ils nous disent ce qu'ils en pensent.

Une femme dans la salle. - À propos de répression de l'homosexualité on pourrait poser la question de savoir quelle est l'influence des familles coercitives dans la fabrication des homosexuels.

Ménie Grégoire. - Ça c'est une très belle question. Quand vous dites cela vous avez une prise de position personnelle, vous semblez croire, comme moi que c'est tout de même pas un bien d'être homosexuel, vous accusez les familles d'avoir rendu des gens homosexuels et je vous suis totalement, je pense que les familles sont dans le coup.

Un homme dans la salle. - Moi je voudrai continuer à propos de la coercition familiale, que cette coercition oblige les jeunes enfants, garçons et filles, à être hétérosexuels et qu'il faut partir, quand on parle de sexualité, de la bisexualité, qu'on est tous bisexuels et qu'il faut prendre ce point de départ. Je voudrais demander à monsieur le psychanalyste ce qu'il entend par attitude virile en amour et vis à vis de la femme et de l'homosexualité

Ménie Grégoire. - Les hommes qui sont à l'écoute savent très bien et les femmes aussi... mais si, si vous posez la question, vous m'étonnez tout de même, vous savez bien que ça existe, vous savez bien que les femmes heureuses sont celles qui ont rencontré des hommes qui les ont satisfaites. Voyons bien évidemment !

Un homme dans la salle. - J'aimerais terminer en disant que si il y a un rapport entre l'homosexualité et le combat des femmes, c'est que nous sommes les mêmes jouets de la répression virile du male chauvinism, comme on dit aux États-Unis.

Ménie Grégoire. - Je donne la parole à Armand Lanoux qui l'avais demandée avant et je voudrais bien qu'il réponde ; on passera ensuite la parole au psychanalyste.

Armand Lanoux. - Je crois que j'ai beaucoup plus à apprendre de la salle que la salle n'a à apprendre de moi. Pourtant, je voudrais donner quelques résultats d'une expérience de professionnel, d'écrivain, de romancier. J'ai été amené à rencontrer un certain nombre d'homosexuels dans mon existence. D'homosexuels hommes et d'homosexuelles femmes. Je dois vous dire en toute simplicité, j'en ai presque honte devant vous, que j'ai toujours été incapable de percevoir en dépit de toute psychologie si j'avais affaire à des homosexuels, hommes ou femmes, avant qu'ils ne me le disent. Ça vous donne l'état de ma cécité sur ce plan, sauf bien entendu les professionnels, mais alors là, c'est vraiment trop facile. Alors qu'est-ce qui m'a le plus frappé dans ce très grave problème dont on peut sourire, mais il faut le dire, le sourire est le commencement du sérieux. On peut traiter avec sourire les problèmes graves et c'est peut-être le commencement de l'affection fraternelle. Moi ce qui m'a toujours frappé c'est le mot de Colette avec son bel accent bourguignon et qui disait : « Si vous croyez que l'homosexualité c'est une rigolade. » Eh bien ça, je l'ai compris, et je l'ai compris assez jeune. Mes rapports avec ses garçons ­ c'était plutôt des garçons ­ c'était généralement des poètes ou des écrivains, généralement plus jeunes que moi, je les connaissais depuis un an ou deux, nous avions des relations exactement de confrères, je lisais leurs manuscrits, je lisais leurs articles, j'étais plus au moins touché par ce qu'ils faisaient et puis un jour il se produisait quelque chose, je ne sais pas, l'expérience ne vous intéresse peut-être pas mais excusez-moi c'est mon métier, je fais ce que je peux

Ménie Grégoire. - Remarquez, on a plaisir à vous entendre mais il faut qu'on condense.

Armand Lanoux. - Je vais finir sur ce point : c'est que ils me disaient ceci au bout d'un certain temps avec quelque chose que j'appellerais la pudeur de l'homosexuel, ce qui m'a le plus frappé. Ils me disaient, je ne peux pas continuer à être ami avec toi, il y a quelque chose dans ma vie que je dois te dire, voilà je n'ai pas une sexualité normale et je répondais à cela : cela n'a aucune importance, je ne m'en doutais pas, ça jette sur toi et ce que tu as écrit un éclairage que je n'attendais pas, mais je te jure que ça ne changera rien dans nos rapports d'amitié. Quand vous avez posé le problème de la virilité et ça ce sont des homosexuelles femmes qui l'ont posé, mais bon sang, elle est extrêmement claire cette espèce de malheur de l'homosexuels homme ou femme, il s'exprime dans le fait qu'ils ne peuvent pas transmettre directement la descendance. Il n'est pas ailleurs.

Ménie Grégoire. - Évidemment. Nous n'avons plus que cinq minutes. On ne va pas aborder et de loin, tous les problèmes, voulez-vous donner le micro à la salle ?

Un homme dans la salle. - Je voudrais revenir sur ces problèmes concrets. En France, actuellement, les jeunes de 18 ans ont le droit à un amour hétérosexuel, alors que quand on a pas 21 ans on n'a pas le droit de coucher avec un homme. C'est tout.

Ménie Grégoire. - Écoutez, moi je veux dire un mot avant de vous redonner la parole. Je voudrais qu'on pose cette question que vous posez de très loin. L'homosexualité peut-elle être acceptée comme un modèle par une société ? Vraiment, je voudrais tout de même qu'on aille jusque là. Moi, je réponds : non, ce n'est pas un modèle, je suis toute prête à apporter le respect et la compréhension, mais je n'irais pas jusqu'à dire que ça peut être un modèle social. Continuons ! Écoutez on n'entend pas la personne qui est là, je voudrais donner la parole à Monsieur Baudry, qu'on n'a pas encore entendu, de la revue Arcadie (Cris dans la salle.). Pourquoi est-ce qu'on ne donnerait pas la parole à monsieur Baudry ? On lui a demandé de venir pour témoigner justement.

André Baudry. - Il est bien difficile de répondre valablement à toutes les questions posées. Mais je voudrais surtout dire ceci, aussi bien à ceux qui sont dans cette salle qu'aux ­ paraît-il ­ deux millions d'hommes et de femmes de France qui en ce moment écoutent cette émission à la radio chez eux. Mesdames, Messieurs, autour de vous, au milieu de vous, dans votre famille, dans votre entourage professionnel, dans votre village, partout il y a des homophiles que vous ne connaissez pas. Il peut y avoir le préfet de votre département, il peut y avoir le curé de votre paroisse, votre frère... (Hurlements dans la salle.). Parfaitement !

Ménie Grégoire (hurlant dans le micro jusqu'à saturation.). - Oh la la. Écoutez, je suis ... Je suis un peu désolée des bruits de la salle qui nous ne permettent pas de continuer, vous voyez à quel point le débat est passionné, mais nous continuons quand même bravement, si vous pouvez... On vous entend, si vous vous mettez très près du micro comme moi, et vous couvrirez les bruits de la salle, continuez si vous voulez car vous n'avez pas encore dit l'essentiel de votre discours. Bon, vous dites à tout le monde qu'il y en a beaucoup. C'est vrai ! Qu'on ne les voit pas... Qu'est- ce que vous voulez dire qu'on fasse pour eux ?

André Baudry. - Ce que nous voulons, et ce qu'Arcadie ­ même si quelqu'un dans la salle a dit qu'Arcadie mourrait bientôt ­ Arcadie n'a pas bien sûr les paroles de la vie éternelle mais ce qu'Arcadie fait depuis dix-huit ans, depuis vingt ans, et cela auprès des quelques cinq cents mille homophiles qu'elle a contactés rien qu'en France. Elle a essayé d'abord de les rassurer, de leur dire : « vous êtes un homophile, et vous êtes un homme normal. Vous êtes à côté des autres, vous n'êtes pas en dessous des autres ou au-dessus des autres, vous pouvez aimer... »

Ménie Grégoire. - En tout cas, elle a raison de les rassurer parce que si ces gens-là souffrent, on ne peut pas les laisser souffrir sans rien faire pour eux. Vous avez parlé tout à l'heure d'un problème religieux, je voudrais que le père Guinchat donne tout de même... Réponde tout de même... On l'a presque mis en cause au fond, qu'est-ce que font les prêtres devant un homosexuels ? Qu'est-ce que vous faites quand on vient vous trouver en vous disant « je suis un homosexuel » ? Qu'est-ce que vous leur dites ? Vous les rassurez aussi ? Vous voulez répondre ?

Le curé. - Je suis un petit peu gêné pour répondre à cette question. Comme prêtre, eh bien je fais partie d'une église, et j'essaie d'être fidèle à un Dieu qui a donné un certain modèle de vie, qui n'est pas imposé, mais pour être de la maison, il faut tout de même marcher dans le sens de ce modèle de vie. Après cela, il y a le fait concret. Je rejoins tout ce qui a été dit quand on a parlé de la souffrance de certaines situations. Alors là, moi aussi, j'accueille beaucoup d'homosexuels, mes confrères également, et qui viennent parler de leurs souffrances, cette souffrance-là, on ne peut pas y être insensible.

Une voix (Anne-Marie Fauret). - Ne parlez plus de votre souffrance...

Ménie Grégoire. - Écoutez, alors là, je dis qu'il y a une chose tout à fait extraordinaire qui se passe, puisque la foule a envahi la tribune et que des homosexuels...

Un cri dans le micro (Pierre Hahn). - Liberté ! Liberté !

Ménie Grégoire. - Des homosexuels de tout ordre, hommes et femmes...

Un autre cri. - Nous demandons la liberté pour nous et vous !

Un autre cri. - Battez-vous ! Battez-vous !

Coupure du son, retour au studio et musique du génerique de l'émission.

source:
La France Gaie et LesbienneFrance QRDLa revue h : (1)
16/07/1997, page réalisée par LCCopyright GLB, Revue h © 1996, 1997