Jacques d'Adelswärd-Fersen
Le baron Jacques d'Adelswärd-Fersen (20 février 1880, Paris - 5 novembre 1923) est un aristocrate, écrivain, dandy et poète français. Il est connu pour avoir créé la première revue homosexuelle en France, Akademos.
Né Jacques d'Adelswärd à Paris, il est apparenté du côté de son père à Axel de Fersen, un comte suédois qui avait eu une liaison avec Marie Antoinette. Jacques d'Adelswärd ajouta le nom de Fersen à son patronyme en hommage à ce lointain parent. Le grand-père d'Adelswärd-Fersen avait instauré l'industrie de l'acier à Longwy-Briey, ce qui valut à Adelswärd-Fersen de devenir extrêmement riche lorsqu'il hérita à l'âge de vingt-deux ans. En conséquence, il était très recherché dans les plus hauts cercles, certaines familles souhaitant qu'il épouse une de leurs filles.
Il rejoignit l'armée, puis voyagea longuement avant de s'installer pour se consacrer à l'écriture. Il publia plusieurs recueils de poèmes, par exemple Chansons Légères, et des romans. En 1897, il visita pour la première fois Capri, où il rencontra Oscar Wilde et Alfred Douglas. Impressionné par Wilde et le dandysme, il décida de quitter la carrière diplomatique et de devenir écrivain. En 1901, il voyagea à Venise où il rencontra l'écrivain symboliste Claude Lorrain.
Ses penchants homosexuels se révélèrent à lui alors qu'il avait atteint la vingtaine, et il s'en ouvrit dans sa poésie. Malheureusement, il n'était pas attiré par des adultes mais par des adolescents entre 15 et 17 ans. Alors que l'homosexualité n'était pas réprimée par la loi à l'époque en France, sa pédérastie allait l'éloigner de la société française.
En 1903, il est arrêté pour avoir tenu des messes noires au 18 avenue de Friedland, des soirées lors desquelles des tableaux vivants mettaient en scène des élèves des meilleures écoles parisiennes, fréquentées par la crème de la société parisienne. Il fut accusé de conduite indécente avec des mineurs et purgea une peine de six mois de prison, dut payer une amende de cinquante francs et perdit ses droits civiques pour cinq ans. A sa libération, il voyagea au Sri Lanka et en Chine pour finalement retourner à Capri et s'y installer.
Il décida d'y bâtir une maison. Il acheta un terrain au sommet d'une colline à l'extrême nord-est de l'île, près de l'endroit où l'empereur roman Tibère avait fait construire sa Villa Jovis deux mille ans plus tôt. Sa maison, d'abord appelée Gloriette, fut finalement baptisée Villa Lysis (et ensuite simplement connue comme la Villa Fersen) en référence au dialogue socratique Lysis qui aborde l'amitié, et ce que nos conceptions modernes nomment l'amour homosexuel.
La villa fut achevée en 1905, et il y invita alors un jeune homme de 17 ans rencontré à Rome, Antonio (Nino) Cesarini (1890-1943) qui devint l'amour de sa vie.
Jacques Fersen et Nino Cesarini, 1905
Le garçon était jeune et beau, il en fit sa muse, et l'offrit en modèle à de nombreux artistes. Il le fit peindre par Umberto Brunelleschi (1879-1949), par Paul Höcker (1854-1910). Il servit également de modèle au sculpteur Francesco Ierace (1854-1937), et le photographe Wilhelm von Plüschow(1852-1930) fit de nombreux clichés de lui. Fersen organisait des soirée dont son jeune amant en tenue antique était le héros. Nino fut également une source d'inspiration pour sa poèsie.
Nino Cesarini. par Paul Höcker 1904
Nino, Wilhelm von Plüschow
Nino par Wilhelm von Plüschow 1909
Nino?
En 1911 Nino revint du Service militaire retrouver son amant. Fersen le baptisa alors son «soldat de Mithra». En 1914, la guerre éclata. Les deux hommes furent alors mobilisés. Alors que Nino partit au combat, Fersen, lui, fut déclaré inapte par le consulat français de Naples en raison de sa forte dépendance à l'opium et à la cocaïne. Nino fut blessé au combat et fut soigné à Milan avant de rejoindre son amant à Capri. Et la vie repris son cours. Mais Fersen devenait de plus en plus dépendant à la drogue.
Jacques d'Adelswärd-Fersen
En 1921, il publia son dernier ouvrage, Hei Hsiang (Le parfum noir) presque entièrement consacré à l'opium.
AU PAVOT DE BÉNARÈS
Les nuits de Bénarès, les nuits de saphir rose,
Les palais d'or, les ghaûts jonchés de bûchers bleus,
Les morts flottant bouffis, l'oeil hagard, les pieds creux,
Les buffles roux oints de santal, mâcheurs de roses,
Les éléphants qu'un cornac pique, afin qu'ils posent
Leurs deux genoux massifs au seuil même des Dieux,
Les nuits de Bénarès, musicales, les cieux
Tout flamboyant d'appels, d'essors, d'apothéoses,
L'orgie hindoue aux gongs de cuivre, au goût de sang,
Les mauvais sorts, les fleurs qui tuent, les kriss dansants,
Les vieux rajahs souillés, hoquetants sous les perles,
Ganesh et ses lingams, Kâli, Siva, l'horreur
De ce Gange où la Mort et l'Extase déferlent
Tout cela nage en ton suc noir - o lourde fleur!
Le 5 novembre 1923, après s'être rendu à Naples avec son amant pour s'approvisionner en cocaïne, le baron mourut d'une overdose, de retour à Capri, de cocaïne dissoute dans un verre de champagne (suicide? accident?). La famille de Fersen, afin d'écarter Nino, l'accusa d'empoisonnement. Mais cette hypothèse fut écartée par les autorités. Nino hérita de la villa, puis finit par la vendre à la soeur de Fersen. Il gagna Rome où il fut propriètaire d'un bar, avant de s'éteindre à l'hopital de Rome en 1943.
un très bon article sur "Le baiser de Narcisse", de Jacques d'Adelswärd-Fersen sur le site de bibliothèque gay.
La revue Akademos.
Akademos, fondé en 1909 par Jacques d'Adelswärd-Fersen est la première revue homosexuelle française.
Akademos,Revue Mensuelle d'Art Libre et de Critique représente la brève tentative d'Adelswärd-Fersen de promouvoir la pédérastie à l'aide d'une revue mensuelle.
C'était la première revue de ce genre à paraître en langue française. Ses thèmes étaient semblables à ceux de la revue allemande Der Eigene, publiée entre 1896 et 1931 par Adolf Brand.
Adelswärd-Fersen avait en effet lu les publications allemandes qui voulaient promouvoir l'acceptation sociale de l'homosexualité avant de lancer Akademos. Il entretenait une correspondance tant avec Magnus Hirschfeld qu'avec Brand.
Akademos ne dura qu'une année, après douze numéros mensuels. On pense que la raison qui l'a poussé à abandonner sa publication est qu'elle était trop chère pour le baron. Cependant, d'autres facteurs comme la pression générée par l'attitude hostile de la société et de la presse ne peuvent être écartés.
En dépit de cet arrêt, les numéros parus à la vente contenaient des contributions d'auteurs importants comme Xavier-Marcel Boulestin, Colette, Georges Eekhoud, Achille Essebac, Claude Farrère, Jean Ferval, Anatole France, Filippo Tommaso Marinetti, Joséphin Péladan et Laurent Tailhade.
Le premier numéro de la revue Akademos numérisé sur archiveshomo.info: ICI
Bonjour,
RépondreSupprimerVotre blog est superbe, j'ai beaucoup aimé votre dernier post sur Fersen... Voudriez-vous que nous échangions nos liens, pour permettre des croisements entre nos regards respectifs ? Je vous ai déjà ajouté à ma liste de blogs favoris.
Amicalement
Butterfly
http://siciliandreams.blogspot.com/
Trois remarques :
RépondreSupprimerIl me paraît légitime de se demander si toutes les photos reproduites sont bien celles de Nino. Personnellement j’en doute.
Par ailleurs, vous dîtes que Jacques « offrit » à quelques artistes d’immortaliser la beauté de Nino (rencontré à Rome par le plus beau des hasards) et parmi ces artistes, vous citez Wilhelm von Plüschow. Or, tout donne à penser que c’est au contraire par les photographies de ce dernier (photos d’adolescents nus qui acceptaient de « rencontrer » les amis de Plüschow) que Jacques a « sélectionné » Nino pour une rencontre intime.
Nino, amour de sa vie ? C’est une vision romantique. N’oublions pas que le dernier amour de Jacques fut le jeune Corrado Annicelli auquel il dédia ses derniers poèmes, inédits (« La Neuvaine du petit faune »).