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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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samedi 21 juillet 2018

Pierre-Jean de Béranger, 1780-1857. France






Les chansons érotiques de P.J. Béranger, 1923 (1926)

Aux dépends d'un amateur











LES CULOTTES,

CHANSON EN MANIÈRE D’ORDURE,


Faite par ce polisson de Gilles, dessus mam’zelle Zirzabelle, qui aime à se mettre en homme, parce que ça lui fait plaisir.


Air : Tout le long de la rivière.


Zirzabelle, est-c’ ben vous que j’vois?
J’vous r’connaissons à vot’ minois;
Est-c’ encor’ mam’zell’ qu’on vous nomme?
Vous voilà costumé’ zen homme.
C’t habit raplatit vos appas,
Qu’aujourd’hui vous n’étalez pas.
Rien d’moins gênant zavec vous qu’une cotte,
Mam’zelle, ôtez donc, ôtez vot’ culotte;
Mam’zelle, ôtez donc vot’ culotte.

Changer de sesque, c’est fort mal
Quand on n’est plus dans l’carnaval;

P’t-être aussi qu’vous changez d’manière,
Et qu’aux femmes vous voulez plaire;
Ce s’rait deux bons goûts à la fois,
J’vous crois fait’ pour en avoir trois.
Mais, d’queq’côté qu’on vous porte une botte,
Mam’zelle, ôtez donc, ôtez vot’ culotte;
Mam’zelle, ôtez donc vot’ culotte.

Comme l’amour rend zinconstant!
J’finis par trouver ça piquant.
Permettez que j’vous déboutonne…
Mais, jarni, ne vient-il personne?
On peut nous voir de c’te façon,
Et vous prendre pour un garçon.
Pour qu’on n’dis’ pas qu’j’ai changé de marotte,
Mam’zelle, ôtez donc, ôtez vot’ culotte;
Mam’zelle, ôtez donc vot’ culotte.

Dépêchez, ou j’vais par-dessus
Vous fair’ un’ boutonnièr’ de plus…
Mais v’là que j’vous tache, mam’zelle,
C’est la faute de vot’ bretelle :
Plus qu’mon amour elle tenait;
Bonsoir, j’ai remis mon bonnet.
Sans étrenner, r’mettez tout dans la hotte,
Mam’zell’, montez donc, montez vot’culotte;
Mam’zell’, montez donc vot’culotte.

Mesdam’s, la morale est mon fort;
Or donc, notre habit vous fait tort.

Ne prenez c’costume nuisible
Que pour tromper, si c’est possible,
Les homm’s impurs qui sont l’effroi
Des jolis garçons comme moi.
Autrement qu’ça, dit l’Saint-Père aux dévotes,
Mesdam’s, n’mettez qu’la main dans les culottes,
N’mettez qu’la main dans les culottes.






SERMON D’UN CARME,

SEUL MANUSCRIT TROUVÉ DANS L’UNE DES MAISONS DE CET ORDRE, QU’ON DEVRAIT S’EMPRESSER DE RÉTABLIR.
AINSI SOIT-IL.


Air : Chantons lætamini.


Un carme, à ses ouailles,
Tous gens de goûts suspects,
Disait : Corbleu ! canailles,
Vos péchés sont infects.
Eh! fi! fi! fi! fi! fi!
Est-ce ainsi qu’on vous fit?

Ô Bulgares ! vous êtes
Atteints et convaincus
De faire des cornettes
Et jamais de cocus!
Eh! fi! etc.

Vous tombez dans le schisme,
Et c’est, en vérité,
Prendre le paganisme
Par le vilain côté.
Eh! fi! etc.


Du ciel vos goûts étranges
Font votre exclusion :
Vous perdriez les anges
De réputation.
Eh! fi! etc.

Avec vous, fille sage
Perdant ainsi son droit,
Fait de son pucelage
Une bague à son doigt.
Eh! fi! etc.

Qui ne juge aux harangues
Des Saphos de nos jours
Que ces mauvaises langues
Font la guerre aux amours?
Eh! fi, etc.

Quand vous fuyez ces dames,
Seul, que ne puis-je, hélas !
Suffire à tant de femmes!
Je ne vous dirais pas :
Eh! fi, etc.

Si des feux de Gomorrhe
Rien ne peut nous sauver,
Qu’en moi Dieu voie encore
Un homme à conserver.
Eh! fi! fi! fi! fi! fi!
Est-ce ainsi qu’on vous fit?






LES ARCHERS DE L’AMOUR.

Air : Oh! voilà la vie.

L’Amour sur son trône,
Dit à ses sujets :
« Sans fixer à l’aune
« Le prix des objets,
« J’exige qu’on tende
« Mon arc tour à tour.
« Archers, que l’on bande,
« L’on bande,
« L’on bande;
« Archers, que l’on bande
« Cette arme de l’Amour!


« Montrez à ma mère
« Tout votre savoir;
« Elle va vous faire
« Tirer dans le noir.
« C’est moi qui commande,
« Sans bruit ni tambour :
« Bien ferme qu’on bande,
« Qu’on bande,
« Qu’on bande;
« Bien ferme qu’on bande
« Cette arme de l’Amour! »

Lors, parmi les vierges
S’avance un vieillard.
« Qu’on le passe aux verges, »
Dit Vénus à part :
« Qu’il soit de ma bande
« Banni sans retour :
« Jamais il ne bande,
« Ne bande,
« Ne bande;
« Jamais il ne bande
« Cette arme de l’Amour. »

Vient de Ganymède
Un amant damné.
Vénus crie à l’aide,
Se pince le nez,
Et dit : « Qu’il s’amende,
« Ou bien, nuit et jour,

« Sans tirer, qu’il bande,
« Qu’il bande,
« Qu’il bande;
« Sans tirer, qu’il bande
« Cette arme de l’Amour! »

Puis elle examine
L’arc et son ressort :
Sous sa main badine
Il se tend d’abord.
Sensible à l’offrande,
Vénus, en retour,
Fait tout pour qu’on bande,
Qu’on bande,
Qu’on bande;
Fait tout pour qu’on bande
Cette arme de l’Amour!

Elle est toute nue,
Étalant aux yeux
Sa croupe charnue,
Son sein merveilleux.
Une ardeur si grande
Enflamme sa cour
Que partout l’on bande,
L’on bande,
L’on bande;
Que partout l’on bande
Cette arme de l’Amour!


À l’archer qui touche
Offrant un tribut,
Vénus qui se couche
Dit : « Voilà le but…
« Que le trait s’y rende,
« Droit ou par détour.
« Tout va dès qu’on bande,
« Qu’on bande,
« Qu’on bande;
« Tout va dès qu’on bande
« Cette arme de l’Amour! »

Tous prenant le large,
Font dix coups de plus.
« Dieux! quelle décharge!
« S’écria Vénus;
« Mais, je le demande,
« Par quel mauvais tour
« Faut-il qu’on débande,
« Débande,
« Débande;
« Faut-il qu’on débande
« Cette arme de l’Amour? »






LA MARRAINE.


Air : J’ai vu la boulangère.


Marraine, qui nous instruisez
Dès qu’au monde nous sommes;

Rien qu’à l’tenir, vous qui prisez
L’cœur de messieurs les hommes,
J’suis en âge d’avoir un amant,
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Comment,
Comment qu’y faut qu’je l’prenne?

J’vois deux morveux qui m’font la cour
Se frotter à ma jupe ;
L’un a l’nez long, l’autre a l’nez court,
Et c’est là c’qui m’occupe ;
Ces deux morveux sont bien tournés;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-ce au nez,
Au nez qu’y faut qu’je l’prenne?

L’un est brun, bien dru, bien droit,
Plein d’esprit et d’bravoure ;
Ôtez-lui la main d’un endroit,
Dans un autre il la fourre ;
Dru comme il est, j’aurais d’son cru ;
Dit’s moi donc, ma marraine,
Est-ce le dru,
Le dru qu’y faut que j’prenne?

L’autre est un roux dur et sournois,
Tout frais v’nu de sa province,
Qui n’me fait rien qu’en tapinois,
Qui m’chatouille et qui m’pince;
Dur comme il est, c’est un homm’sûr;

Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’le dur,
Le dur qu’y faut que j’prenne?

L’un n’est pas plus haut que cela,
Mais y n’lui faut point d’aide ;
Quand je l’tiens dans ces cinq doigts-là,
Jarni, comme il est raide!
Tout p’tit qu’il est, y m’divertit ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’le p’tit,
Le p’tit qu’y faut que j’prenne?

L’autre est si gros que je n’crois point
Que par ma porte il passe ;
Mais rien n’lui va comm’l’embonpoint,
Car jamais y n’se lasse ;
Gros comme il est, ça n’a point d’os ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-ce l’gros,
Le gros qu’y faut que j’prenne?

Le choix vous semble embarrassant,
J’en juge à vot’silence ;
Vot’filleule a l’cœur innocent,
C’est pour ça qu’ell’balance.
Peur de faire un choix hasardeux,
Dites-moi donc, ma marraine,
Est-c’ les deux,
Les deux qu’y faut que j’prenne?




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