Race d’Ep !
Guy Hocquenghem, 1946-1988
Lionel Soukaz, né en 1953
Race d'Ep est un film documentaire français d'une durée d'une heure et demie réalisé par Lionel Soukaz avec la collaboration de Guy Hocquenghem.
Ce film militant est tourné à l'automne 1979, à l'époque des grands mouvements de libération homosexuelle et pour la reconnaissance de l'homosexualité (race d'Ep signifie « pédéraste » en verlan). Sur des textes de l'écrivain-philosophe Guy Hocquenghem, qui en est l'un des principaux acteurs, ce documentaire est une reconstitution cinématographique de l'histoire gaie et lesbienne sur une période d'un siècle. Le film affirme que « la libération des homosexuels n'est
pas née dans les années 60 », mais elle a eu ses racines au milieu du 19ème
siècle. C'est le point de Lionel Soukaz et Guy Hocquenghem, qui ont conçu et
réalisé le film, que le développement plus ou moins simultané de la
photographie et la naissance d'une conscience homosexuelle sans vergogne au
19ème siècle n'étaient pas une coïncidence. La photographie, dit le narrateur,
« a créé une nouvelle définition de « l'humanité » et a donné aux homosexuels
les moyens par lesquels il pouvait exprimer leurs désirs « interdits ».
Jugé scandaleux lors de sa sortie, Race d'Ep fut classé X. Mais, grâce au soutien d'intellectuels tels que Michel Foucault, Roland Barthes, Gilles Châtelet et Gilles Deleuze, ou d'un dramaturge comme Copi, le film a pu être projeté, mais dans une version expurgée.
Film culte de Lionel Soukaz, écrit et joué par Guy Hocquenghem, Race d’Ep ! propose un voyage homosexuel dans le siècle en quatre temps. Quatre histoires autour des archétypes de l’inconscient gay.
1900 : Le Temps de la pose, un ancien modèle, Il Moro, évoque le souvenir du baron allemand Wilhelm von gloeden photographiant de jeunes éphèbes dénudés pour en faire un commerce.
1930, Berlin : Des années folles à l’extermination, le récit de la secrétaire lesbienne du Dr Magnus Hirschfeld, fondateur de l’institut de sexologie jusqu'à sa fermeture par les nazis et la déportation de la plupart des homosexuels qui gravitaient autour de l'institut.
L'étape suivante nous plonge au coeur des sixties, dans un Éden hippie pour « jeunes-hommes-fleurs » où la liberté sexuelle commence enfin à poindre. On y retrouve Hocquenghem, à 16 ans qui nous narre ses aventures sexuelles à une époque où apparaissent les premiers magazines gays venus des Etats-Unis.
Enfin, avec Royal Opéra, on suit les déambulations nocturnes de deux hommes, dont Hocquenghem jouant son propre rôle, sur les berges de la Seine pour une nuit de drague dans le Paris des années 70. On remarquera la présence parmi les habitués du café de Copi, le romacier, dramaturge et dessinateur argentin, figure majeur du mouvement gay des années 70 et 80, jouant un toxicomane. On pourra regretter dans cette séquence qu'il ne soit fait aucunement allusion à la lutte politique des homosexuelles durant cette période ni au fameux FHAR (Front homosexuel d'action révolutionnaire) créé pourtant par Hocquenghem lui même et que cette époque ne soit retransmise qu'à travers l'insouciance de la drague, notamment aux tuileries. D'ailleurs on peut reprocher au film dans son intégralité une certaine légèreté et un survol des différentes périodes (sauf peut-être celle consacrée au docteur Hirschfeld, plus grave), chose un peu inattendue quand on connait le combat politique qu'a mené son auteur pour la reconnaissance des droits des homosexuels.
Race d'ep! à la télévision en 1979
Les années 1900 Le temps de la pose
Quelques épisodes de la vie du baron von Gloeden sont illustrés par des photographies, notamment des nus d'adolescentes et d'adolescents. Il est né en 1856 sur les bords de la Baltique. A vingt ans, tuberculeux, il décide de visiter la Sicile et s'installe à Taormina. En 1888, ruiné, il fait de la photographie. Il Moro, son modèle préféré, parle de sa rencontre avec le baron. Après avoir observé les adolescents dans leurs jeux, il leur demande de poser nus dans sa maison. Il récite des vers grecs, indique les postures et agrémente leurs têtes de fleurs. A la belle saison, les poses ont lieu sur la terrasse. Il veut parfois représenter la douleur et les attache sur des roues, en imprimant des contorsions à leurs corps. La nuit, les poses ont lieu dans un petit jardin tropical. Avertis, des touristes viennent pour acheter ses photographies.
Pancrazio
Buccini (Il Moro), 1879-1963 (voir ses relations avec von Gloeden ici)
Les années 30, le troisième sexe ou des années folles à l'extermination
Magnus Hirschfeld (1868-1935)
Magnus Hirschfeld (1868-1935)
Deuxième (les années trente) et troisième parties (les années 60, sweet sixteen in sixties) de cette histoire de l'homosexualité, qui débute au XIXe siècle en Allemagne. Les leaders du mouvement homosexuel sont tous des médecins, dont le plus important est Magnus Hirschfeld. Son mouvement, qui prend son essor dans les années vingt, va médicaliser l'homosexualité, ce qui permet d'adoucir la répression. L'arrivée du nazisme remet en question ce mouvement. Évocation du saccage par les nazis, en 1933, de l'Institut de recherches sexuelles de Hirschfeld à Berlin. Une ancienne secrétaire raconte l'événement. Les nazis arrêtent les médecins, brûlent les livres et déportent les homosexuels.
Dans les années soixante, un homme raconte son adolescence et la libération sexuelle. Il drague d'autres hommes à Berlin, Amsterdam, Paris. Au Maroc se déroule une scène d'orgie entre hommes, entrecoupée de photographies et d'illustrations pop.
La même nuit est contée par deux voix différentes. Un Américain, représentant en machines agricoles de retour de Singapour, est en escale à Paris pour quelques heures. Il se fait aborder, en achetant des cigarettes, par un Français homosexuel au café Royal Opéra. Ils boivent beaucoup et, au petit matin, déambulent de l'Opéra aux rives de la Seine. Le Français lui parle de Marrakech. Après avoir uriné dans la rue de Rivoli, ils passent par le jardin des Tuileries, puis se séparent, à la grande déception du Français, le long des berges de la Seine. Plus tard, le Français raconte les événements de la nuit au téléphone, mais d'une manière fort différente.
“Tu sais on a fait les poubelles à cinq heures du mat’, il a trouvé une pièce de un franc, ça porte bonheur ; on était encore ronds comme des billes, et on s’est mis à pisser en pleine rue. Il a une bite, mais une bite, c’est pas une queue, c’est une trompe…” Guy Hocquenghem
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