Les Berdaches
Quand Christophe Colomb découvrit l'Amérique, la société de l'ancien monde fut confrontée à un phénomène culturel qu'elle était bien incapable de comprendre. Les tribus autochtones disposait d'un "troisième" sexe, les berdaches. Une étude de 1991 a documenté l'existence de ces berdaches dans plus de 130 tribus d'Amérique du Nord réparties sur l'ensemble du territoire quelque soit la culture d'origine. Le statut de berdache était essentiellement masculin car des berdaches femmes n'ont été signalées que dans seulement 30 groupes.
Berdache Whe-Wa de la tribu Zuni, Nouveau mexique, 1889
Berdache Whe-Wa de la tribu Zuni, Nouveau mexique, 1889
Ces indiens acceptaient l'idée qu'un membre de leur communauté ne se sente ni homme ni femme et choisisse une autre voie. Le terme "berdache" est un terme générique utilisé par les anthropologues, mais est considéré comme offensant par les amérindiens. Il est dérivé du mot français bardache qui désigne un homosexuel passif, un giton, un jeune prostitué (via l'espagnol bardaxa ou bardaje / bardaja par l'italien bardasso ou berdasia via l'arabe bardaj venant du persan bardaj ).
Plan de termes berdache
On lui préfère depuis 1990, à l'origine de la troisième conférence intertribale amérindienne sur les questions gais et lesbienne de winnipeg au Canada, le terme de bispirituel où "Deux-esprits" (Two-spirits) qui est une traduction directe du terme, Niizh manidoowag tiré de l'ojibwé qui est une langue algonquienne proche de l'algonquin. Il est parlé par le peuple ojibwé un peu partout dans la région des Grands Lacs, et aussi plus à l'ouest dans les plaines du Nord. C'est une des langues amérindiennes d'Amérique du Nord les plus importantes pour ce qui est du nombre de locuteurs.
Souvent au sein des tribus, le sexe de l'enfant était attribué en fonction de leur penchant pour les activités féminines où masculines. C'est à la puberté que l'enfant choisissait les vêtement qu'il désirait porter en fonction de son orientation sexuelle. Le berdache est-il un homosexuel où un transsexuel? Les indiens ne se préoccupait pas de ces questions et il ne cataloguaient pas les individus au vu de leur comportement sexuel, la différence est d'ordre spirituel.
La danse berdache, George Catlin
Les indiens acceptaient donc qu'un corps abrite un esprit féminin et masculin. Au quotidien, ces individus portent des vêtements empruntés au codes féminins et masculins. Ils accomplissent des tâches des deux sexes, et ont un rôle social dans leur tribu. Des fonctions sociales spécifiques leur sont attribuées.
Les personnes bispirituelles, biologiquement masculines, mais spirituellement de sexe féminin pouvaient participer aux activités dévolues aux femmes comme la cuisine, le tricot, l'élevage, la cueillette, l'agriculture, la poterie. Ils avaient des fonctions d'éducation auprès des orphelins où des enfants dont les parents étaient incapables de s'occuper. Ils étaient conseillés conjugaux, disaient l'avenir et réglaient de nombreux problèmes au sein de la tribu. Les femmes berdaches pouvaient participer à la chasse et à la guerre si elles en étaient capables.
La danse berdache, George Catlin (détail)
La danse berdache, George Catlin, entre 1832 et 1839
La position sociale des bispirituels étaient importante car il avaient des fonctions de guériseur et pouvaient prédire l'avenir. Bien que les bispirituels étaient craints et respectés pour les pouvoirs qu'on leur attribuait, au revers de la médaille, ils pouvaient être sacrifiés, accusés de sorcellerie, lorsqu'un mauvais sort s'abattait sur la tribu.
Squaw Jim (1854-1929)
Même si le comportement homosexuel était le plus répandu chez les bispirituels, ils pouvaient avoir des relations sexuelles avec l'autre sexe et on pouvait voir un homme berdache vivre avec une femme. Les hommes non bispirituels pouvaient avoir des relations sexuelles avec les hommes bispirituels. Certains leur attribuaient des pouvoirs magiques et l'acte était sensé leur porter bonheur et renforcer leur virilité. Mais cette relation n'était considérée ni comme homosexuelle ni comme hétérosexuelle, c'était autre chose.
Lorsque les espagnols débarquèrent sur le continent, ce fut le choc des cultures. Ils étaient là sur le "nouveau monde" pour conquérir, asservir, et l'intolérance face à ses civilisations autochtones atteint vite la sexualité. Cette sexualité "libre" où l'homosexualité n'était pas un interdit allait à l'encontre de leur vision et de leur culture. Le terme "crime abominable" fit alors son apparition pour qualifier ces comportements sexuels. Les conquistadores s'acharnèrent à détruire cet abominable pêché de sodomie. Des massacres furent organisés.
Chiens attaquant un groupe de sodomites panaméens, Vasco Nunez de Balboa
Hermaphrodites assujettis au transport de nourriture (gravure de Bry). Les berdaches étaient assimilés à des hermaphrodites.
Et ce, d'autant plus que les berdaches possédaient des fonctions religieuses et avaient un pouvoir d'influence. Les indiens réagirent aux persécutions de façon subtile. En retirant tout rôle religieux aux berdaches et en les attribuant aux femmes (qui de mieux placé pour remplacer un garçon efféminé?), ils protégeaient en fait ceux qu'ils semblaient punir. Il persiste depuis lors trois caractères liés aux bispirituels, le côté androgyne, l'inclinaison aux tâches féminines et un comportement sexuel passif. Dans leur fureur de destruction, les conquistadores espagnoles ont réussi à tuer la dimension spirituelle des berdaches.
Hermaphrodites utilisés comme travailleur (gravure de Bry).
(Sources: wikipédia, webster online dictionary, culture et débats overblog, Megan Langford The Berdache of Early American Conquest, Native american history southernmuse.hubpages)
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