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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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samedi 3 septembre 2011

Rudolf Lehnert (1878-1948) et Ernst Landrock (1878-1966)




Rudolf Lehnert, autoportrait, Tunis, 1936




Rudolf Lehnert est un photographe d'origine austro-hongroise né le 13 juillet 1878 à Grossaupa (Bohême), actuelle République tchèque, naturalisé français en 1931 et mort à Redeyef (Tunisie) le 16 janvier 1948.




Ernst Landrock par Lehnert




Rudolf Lehnert a suivi ses études secondaires à Vienne. Après des études de 1899 à 1901 dans la première école financée par un État où l'on enseigne la photographie (l'Institut des Arts Graphiques de Vienne ou « Graphische Lehr und Versuchsanstalt », créé par JM. Eder), il voyage jusqu'à Taormina et Palerme et découvre l'Orient en Tunisie en 1903. À son retour, il rencontre en Suisse Ernst Landrock né le 4 août 1878 à Reinsdorf (Saxe), mort le 30 avril 1966 à Kreuzlingen (Suisse), et s'associe avec lui pour créer à Tunis la maison d'édition « Lehnert et Landrock ».







La création artistique de Rudolf Lehnert comprend quatre périodes, son associé Ernst Landrock assurant le rôle de gestionnaire du studio.


Une première période tunisienne de 1904 à 1914 (Lehnert et Landrock, Tunis)

Après des débuts très modestes dans une maison située tout près de la Grande Mosquée au 7, rue des Tamis , Lehnert & Landrock ouvrent un studio au 17, avenue de France en 1907. Leur succès international à partir de 1910 leur permet d'ouvrir un autre magasin, plus important, dans l'ancien studio du photographe Garrigues au 9, avenue de France.

La guerre avec l'Allemagne et l'Autriche entraine la fermeture du studio et un séquestre sur les biens personnels des deux associés. Accusé d'espionnage, Lehnert est emprisonné en Corse puis en Algérie. En 1916, il peut enfin rejoindre la Suisse, où se trouve déjà Landrock depuis le début de la guerre, à titre de réfugié sanitaire. Il s'y marie avec une jeune femme d'origine alsacienne, Jenny Schmidt.




Nicole Canet, Lehnert & Landrock - Tunis intime, Portraits et Nus, 1904-1910, Editions Nicole Canet-Au Bonheur du Jour, 2007




Une période allemande de 1919 à 1924.

Après leur libération, tandis que Landrock réédite les vues du Maghreb depuis Leipzig, Lehnert devient citoyen tchécoslovaque en 1919 et réussit à faire lever le séquestre à Tunis après un séjour de deux ans (1920-1922). Malgré l'attachement de Lehnert à la Tunisie, la décision est prise de commencer une nouvelle carrière dans une Egypte politiquement stabilisée et bénéficiant alors des retombées médiatiques et touristiques de la découverte de la tombe de Toutankhamon.








Une période égyptienne de 1924 à 1930.

Après un début comme grossistes qui se heurte à une très forte concurrence locale, L&L évitent de peu la faillite, ouvrent un magasin de détail et se concentrent sur le marché local avec la carte postale. Les vues du Maghreb circulent toujours avec celles d'Égypte et de Palestine.




Sans titre (Jeune garçon), 1910




Seconde période tunisienne de 1930 à 1939.

Après une demande de nationalité française (déposée en 1929 et obtenue en 1931) et le rachat de ses droits par son associé dans des conditions qui entrainent une brouille définitive entre les deux hommes, Lehnert rentre à Tunis pour renouer avec l'activité de portraitiste.




Tunisie




Après un oubli de près d'un demi-siècle, Rudolf Lehnert est de nouveau mondialement reconnu pour ses vues d'Afrique du Nord (Algérie, Tunisie), ses paysages sahariens et scènes de genre, ainsi que pour de remarquables portraits et des études académiques orientales « révélant » la sensualité de « l'orient », imaginaire jusqu'alors surtout exploité par les peintres.




Sans titre (portrait d'un garçon tunisien), vers 1910



L'œuvre de Lehnert a été très abondamment diffusée, tant en superbes tirages photographiques au bromure et en héliogravures sépia qu'en chromolithographies et multiples séries de cartes postales. Elle se trouve en cela au carrefour du pictorialisme, de l'art nouveau et de la reproduction quasi industrielle. Elle a également été reproduite dans des ouvrages de nature très variée : revues et livres d'art, guides touristiques, encyclopédies, études ethnographiques, livres d'inspiration coloniale et parfois même raciste.




Moment bucolique, Sidi Bou Saïd, 1907




L'œuvre de Rudolf Lehnert (et de Landrock) est l'exemple le plus emblématique de la photographie orientaliste car la seule à regrouper toutes les composantes de ce courant. Elle se trouve donc aujourd'hui au centre de tous les questionnements : art et commerce, orientalisme et colonialisme, photographie et carte postale, ethnographie et pictorialisme, représentation de la femme et du corps nu en pays musulman, illustration de la pédérastie et de l'homosexualité au Maghreb, évocation de l'esclavage, photographies (confidentielles) de bondage.







Ses mises en scènes très élaborées sont jugées entièrement factices par les uns alors que d'autres y voient, au contraire, la recherche d'une vérité au-delà des simples apparences, peut-être sous l'influence de la théosophie et de Rudolf Steiner, et l'intérêt attesté de Lehnert pour la photographie transcendantale.

Le questionnement de cette oeuvre concerne donc les conditions historiques de sa réalisation, les thèmes abordés, les moyens de diffusion et ses caractéristiques tant esthétiques qu'informatives.

Le débat s'est récemment développé autour de la publication de photographies de nus inédites et l'identification d'une carte postale Lehnert & Landrock d'un éphèbe tunisien légendée "Mohamed" comme matrice de posters édités et diffusés en Iran depuis les années 1990 pour représenter le Prophète Mahomet à visage découvert dans son adolescence.




Mohamed





Mohamed











Garçon tunisien, vers 1920





L'apprenti potier (Tunisie), 1910





La séduction, Sidi Bou Saïd, 1907





Jeux dans les rochers Sidi Bou Saïd, 1907





Jeune homme au bord de l'eau, 1932





Jeune homme à la gargoulette Sidi Bou Saïd, 1907





Jeune arabe, 1920





Etude de jeune oriental, Tunis, 1933





Garçon tunisien, 1900





Bédouin égyptien, vers 1910





Jeune arabe, 1910





jeune arabe, 1910





Le petit Ali, vers 1910





Jeunes arabes, 1910







(Source biographique: wikipédia)
Rudolf Koppitz (1884, Silésie tchèque - 1936, Autriche)



Im Schoße der Natur (Selbstbildnis), um 1925





Die Brüder, 1928






Der Fels Werfer (le lanceur de rocher), 1923

Rotimi Fani-Kayode (1955, Nigéria -1989, Angleterre)




Rotimi Fani-Kayode. Photographie de Robert Taylor





Oluwarotimi (Rotimi) Adebiyi Wahab Fani Kayode est devenu l'un des photographes noirs les plus importants de la fin du XXe siècle, en explorant les thèmes l'identité raciale et sexuelle.







Il est né à Lagos, au Nigeria en 1955. Sa famille est originaire d'Ifé, le centre spirituel yaruba. Fani-Kayodes était de la famille de l'Akire, l'oracle yoruba, gardien du sanctuaire d'Ife. Son père était un politicien de haut rang.







Bien qu'il soit né dans une famille privilègiée dans les milieux politiques et religieux, suite à un coup d’état militaire au Nigeria quand il avait onze ans, Fani Kayode a du fuir avec sa famille en Angleterre où ils ont demandé l'asile politique. Bien qu'il ait passé la plupart de sa vie en exil, l'iconographie de la culture yoruba marque lourdement ses photographies.







En 1976, Fani Kayode se rend aux États-Unis pour étudier les beaux-arts et l'économie. Il a reçu un BA de l'Université de Georgetown en 1980 et une maîtrise du Pratt Institute en 1983. A cette époque, il faisait déjà des photos d'hommes noirs en costume yoruba, tentant de concilier son héritage en exil avec son homosexualité. Il retourne en Angleterre peu de temps après son diplome de Pratt en 1983.







La race, la sexualité et la nationalité sont inextricablement liées dans ses photographies et ses écrits sur son travail. Dans un essai souvent cité, « Traces of Ecstacy » («Traces de l'extase»), il explique, "C’est de la photographie, par conséquent - Noir, Africain, photographe homosexuel - que je dois utiliser non seulement comme un instrument, mais comme une arme pour résister aux attaques contre mon intégrité et en vérité, mon existence selon mes propres termes. "







Ses photographies sont lyriques, sensuelles, sexuelles, et mythiques avec des autoportraits et des portraits d'autres hommes noirs et blancs. Ils reflètent une exploration permanente de l'identité culturelle, sexuelle et raciale et de la fierté.







En tant qu’homme noir exilé de sa patrie africaine en Angleterre, Fani Kayode aspirait à sa culture yoruba, qui, cependant, n’acceptait pas son homosexualité. Ce triangle de conflits définit son travail. Il n'a jamais exposé ses photographies en Afrique, craignant que leur contenu explicitement homoérotique aurait pu être dommageable pour sa famille.







Fani Kayode a été l’un des rares photographes africains dont le travail est purement artistique plutôt que documentaire ou commerciale. Sa vie et son art sont une dichotomie de la révélation et de la répression.







Il est devenu un membre fondateur de Autograph, une association de photographes noirs influents établie à Londres en 1987, et a été un membre actif dans l’organisation Black Audio Film.







Fani Kayode a compilé ses photographies dans une publication Black Male/White Male (1988) et son partenaire, le photographe et cinéaste britannique Alex Hirst (décédé en 1994), en a fourni le texte. Le livre comprend les images les plus simples de Fani Kayode, explorant la masculinité et la race, ainsi que des portraits tendres d’hommes aimant d’autres hommes, comme l'écrivain Essex Hemphill. Fani Kayode et Hirst ont également collaboré à une autre série photographique intitulée « Bodies of Experience. »







Comme beaucoup d'artistes séropositifs, Fani Kayode a abordé directement sa maladie. Notamment dans sa série photographique «Ecstatic Antibodies».




Every moment counts (de Ecstatic Antibodies)





Fani Kayode est mort du sida le 21 Décembre, 1989. Sa carrière, dont l’apogée se situe entre 1982-1989, n’a duré que sept brèves années.







Après sa mort, Hirst a signé des noms des deux artistes les œuvres précédemment attribué à Fani Kayode, d'où le débat persistant entourant la paternité des photographies Fani Kayode. Une publication posthume, Rotimi Fani-Kayode et Alex Hirst: Photographies (1996), a encore amplifié le débat.


















Cargo of Middle Passage, 1989





Dan Mask, 1989





Denis Carney and Essex Hemphill in Brixton























Waist beads, 1987























Sonponnoi, 1987


(source biographie: Carla Williams sur glbtq.com)