Léonard de Vinci et la caricature
Au long des siècles l'apport de la Renaissance italienne et de Léonard de Vinci (1452-1519) en particulier, est primordial dans l'apparition et le développement de la caricature proprement dite.
L'importance fondamentale accordée à l'homme, la recherche des proportions idéales du corps humain, l'évolution des concepts philosophiques qui n'assimilent plus le beau au bien et le laid au mal, comme durant les siècles précédents, tous ces éléments ont contribué à renouveler le concept avec lequel on aborde l'étude de la figure humaine.
Tout le monde s'accorde cependant à ne pas rattacher directement les nombreuses études des "Têtes grotesques" de Léonard de Vinci à la caricature proprement dite: celle-ci, en effet, ne deviendra un véritable langage graphique que près d'un siècle plus tard. Il va sans dire, cependant, que les dessins de l'auteur de la Joconde en ont largement facilité l'éclosion, et ses carnets de croquis ont souvent été qualifiés de caricatures.
Homme de la Renaissance, Léonard - tout comme Michel-Ange et Dürer - en vient forcément, lorsqu'il étudie la figure humaine, à envisager celle-ci, non seulement dans la beauté de ses proportions mais aussi dans le terme opposé, c'est-à-dire dans la disproportion, la difformité, le laid.
Giorgio Vasari rapporte que Léonard de Vinci errait parfois dans les rues à la recherche de gens aux allures et aux expressions bizarres. Il passait de longues heures à les observer puis, une fois rentré dans son atelier, il s'amusait à les croquer de mémoire. Ces dessins surprenants font de lui l'un des premiers grands caricaturistes de l'histoire de l'art.
La croyance de Léonard à un lien étroit entre les organes internes reflète une conception très signifiante de la nature humaine. Les deux canaux du pénis correspondent à l’idée que le sperme ne suffit pas à procréer – une substance mentale est tout aussi nécessaire. Cette substance provenant du siège de l’âme serait porteuse de qualités intellectuelles élevées, alors que l’apport du sperme serait plutôt responsable d’instincts plus bas, mais aussi de qualités comme la bravoure au combat.
Léonard exprime d’autres idées similaires sur la fonction de certaines substances corporelles et l’effet qu’elles produisent ; par exemple, le liquide lacrymal qui proviendrait directement du cœur, considéré comme le siège des sentiments. D’après ces conceptions physiologiques, chaque organe a une signification émotionnelle.
Dans le même ordre d’idées, Léonard présume aussi d’un lien direct entre le caractère et la physionomie humaine. Il tente d’illustrer cet aspect direct de la mimique dans de nombreuses études de têtes et de caricatures. Les dessins, plus grotesques que réalistes, montrent surtout des hommes plus âgés et presque jamais des jeunes gens, et expriment entre autre l’idée selon laquelle les qualités et les émotions du moment se reflètent directement sur le visage de l’être humain. Ainsi, un homme, dont le visage ressemble à celui d’un lion, possède sans doute aussi les caractéristiques marquantes de cet animal.
Léonard retient ce poncif dans l’une de ses études. Les traits léonins du visage de l’homme représenté correspondent à une peau de lion jetée sur son épaule, et dont on reconnaît tout spécialement la tête. Léonard reprend la même idée dans son célèbre dessin aux cinq têtes grotesques. Un vieil homme, représenté de profil et portant une couronne de feuilles de chêne (attribut à connotation positive), est entouré de quatre autres hommes dont les visages expressifs reflètent les caractéristiques physionomiques et donc mentales les plus diverses, et plutôt négatives. (source:mosaïque)