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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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vendredi 23 février 2018



Friedensreich Hundertwasser, 1928-2000. Autriche

Artiste, architecte et écologiste



« La spirale est exactement là où la matière inanimée se transforme en vie. »


Friedensreich Hundertwasser, de son véritable nom Friedrich Stowasser, est un artiste autrichien né à Vienne. Ayant perdu très jeune son père (1928), il est élevé par sa mère. Ses premiers dessins datent de 1934, il a 6 ans. Ceux-ci s’annoncent déjà très prometteurs. Sa mère l’oriente vers des études classiques que la seconde guerre mondiale interrompt.

En 1943, 69 membres juifs de sa famille maternelle, parmi lesquels sa tante et sa grand-mère, sont déportés et tués.

En 1948, il entre à l’académie des Beaux-Arts de Vienne pour y apprendre les techniques de base du dessin. Il y reviendra en tant que professeur en 1981.

Ses innombrables voyages à travers le monde lui permettent de découvrir les tendances très diverses de l’art moderne et contemporain, pourtant on ne peut pas vraiment le rattacher à aucun groupe ou un courant. Même s’il débute comme peintre, on décèle dès le départ, dans ses tableaux son attrait pour l’architecture.



Friedensreich Hundertwasser. Discours « dans le nu » contre le rationalisme en architecture au Foyer international des étudiants, Vienne, 1968


Alors que le 20e siècle se plie aux lignes rigides du modernisme, l’architecte autrichien Hundertwasser imagine, lui, des constructions qui épousent les formes de la nature. Pionnier de l’écologie, cet artiste protéiforme envisage la ville comme une osmose entre l’Homme et son environnement. Toitures végétalisées, traitement des déchets ou encore omniprésence des arbres… Autant de caractéristiques indissociables de son oeuvre que les villes s’approprient aujourd’hui dans le cadre de leur mutation urbaine.

Né à Vienne en 1928, Friedrich Stowasser entre à l’académie des Beaux-Arts de sa ville natale à l’âge de 20 ans. C’est alors qu’il adopte le pseudonyme Friedensreich Hundertwasser. Contraction des termes allemands « friden » et « reich » qui signifient « paix » et « royaume » ainsi que de « hundert » et « wasser », littéralement « cent » et « eaux », il édifie son « Royaume de la paix aux cent eaux ». Un patronyme à travers lequel émane les bribes de sa philosophie artistique. 

D’abord peintre, ses premiers coups de pinceaux se transforment en d'hypnotiques spirales multicolores au milieu desquelles s’élèvent d’étranges demeures incurvées et asymétriques. « Mes lignes colorées sont comme les anneaux de la sève des arbres, comme les sédiments de la nature, comme la croissance organique », confesse-t-il lors du vernissage de son exposition à Milan en 1955. De cette relation fusionnelle à la nature naîtra un profond rejet des lignes droites, véritables « danger créé par l'homme car elles sont étrangères à la nature de l'homme, de la vie, de toute création …» Les courbes esquissent ainsi le fil rouge de l’oeuvre de Hundertwasser, qui atteint son apogée avec l’architecture.

C’est vers l’âge de 40 ans, à l’aube des années 1970, que Hundertwasser embrasse la carrière d’architecte. Telles des mises en application de ses toiles, ses édifices se dévoilent tout en sinuosité. Arabesques et ondulations s’opposent alors à la symétrie du baroque viennois et à la rigidité urbaine traditionnelle, comme chez l’architecte barcelonais Gaudí dont il s’est inspiré. De l’Autriche au Japon, de l’Allemagne à la Nouvelle-Zélande, ce « médecin de l’architecture », selon ses propres dires, panse les plaies du conformisme, guérissant les demeures autant que leurs habitants. S’il réhabilite des lieux aussi austères que des toilettes publiques ou une aire d’autoroute, il s’attache surtout à accentuer les liens entre citadins et environnement. Un dessein qui se contemple notamment à l’aune des façades colorées et sinueuses de la Hundertwasserhaus, à Vienne. Cette HLM d’une cinquantaine d’appartements semble ne faire qu’un avec la végétation.

Auteur de plusieurs manifestes, Hundertwasser invente le concept d’arbre locataire, qui consiste à installer des arbres dans les logements, toujours face aux fenêtres de sorte à ce qu’ils poussent vers l’extérieur. Un hébergement que ces végétaux paient en purifiant l’air et en apportant du bien-être, « accédant de nouveau au rang de partenaire privilégié de l’homme ». L’artiste s’efforce d’accentuer cette intimité en végétalisant les toitures ou en installant des toilettes sèches, dont l’humus nourrit le gazon. Les constructions de Hundertwasser deviennent ainsi de véritables écosystèmes dont la pérennité repose sur l’alliance entre les habitants et la nature. Une leçon d’urbanisme qui préfigure les écoquartiers d’aujourd’hui.


Le peintre


En tant que peintre, en plus des techniques classiques de l’aquarelle, il travaille souvent les techniques mixtes mais aussi la gravure, la lithographie, la sérigraphie, la linographie, l’eau-forte…

Son œuvre picturale est caractérisée par un bouillonnement de formes organiques, les couleurs sont brillantes, parfois même fluorescentes. Dans sa peinture, Hundertwasser utilise des pigments, du sable, du charbon de bois, de la brique pilée, de l’or, de l’aluminium. Pour lui, le peintre est un chercheur qui expérimente des techniques différentes sur des supports variés. S’inspirant des maîtres anciens. Par exemple, il fera de la peinture à l’œuf, dite a tempera (technique longtemps utilisée par les peintres primitifs). Il utilise dans ses toiles des couleurs chatoyantes, gardant les couleurs fluorescentes pour son œuvre gravée (lithographies, gravures sur bois…). Il isole des formes, des motifs (larmes, gouttes de pluie, fenêtres) qu’il magnifie en utilisant des feuilles d’or ou d’argent.




Irina Land über dem Balkan (La terre d'Irina sur les Balkans), 1969




L'image de télécopie de 30 jours




Schalttafel (Panneau électrique), 1960




Spi O in der Ecke (Spi O dans le coin), 1962




Spirale mit Tränen mit Kito in der Ecke (Spirale avec des larmes avec Kito dans le coin), 1962




Ich weiß es immer noch nicht (Je ne sais toujours pas), 1960




Unendlichkeit in der Nähe (L’infinité tout près), 1994










L'architecte


Peintre juif autrichien, Friedensreich Hundertwasser ressent la nécessité de s'enfouir dans une tanière, seul refuge contre la persécution nazie qui a touché son peuple. Malgré l'aspect souterrain du concept, sa maison idéale peinte en 1962 possède mille fenêtres qui s'ouvrent au monde. Le "droit de fenêtre" présenté dans le cadre de l'émission Wunsch Dir Was en 1972, revendique la possibilité pour tout habitant de se pencher à la fenêtre et de modifier le pourtour de celle-ci, aussi loin que son bras le porte afin qu'on puisse voir de loin qu'"ici habite un homme".

Rêveur enfantin, il puise dans l'architecture anonyme ses constructions organiques, s'inspirant de ses voyages au Yémen, au Soudan, en Nouvelle-Zélande, en Islande. Ardent défenseur de l'harmonie entre Nature et Humains, il prône l'écologie à travers des projets aux toitures couvertes de forêts, comme sa Maison aux prairies hautes, les Arbres locataires d'Alserbachstrasse à Vienne, la Maison en terrasse pour beaucoup d'arbres et beaucoup de personnes, la halte-garderie d'Heddernheim ou la Kunsthauswien. Opposé à l'architecture rationnelle, moralement morte, il repeint les façades pour humaniser les maisons, à la recherche d'un art équitable, capable de créer des valeurs durables.




Centrale thermique Spittelau, Vienne, 1988-1992




Centrale thermique Spittelau, Vienne, 1988-1992




La citadelle verte de Magdebourg, 1998-2005




La citadelle verte de Magdebourg, 1998-2005




La forêt en spirale de Darmstadt, 1998-2000




Village thermal de Blumau




La tour de Kuchlbauer à Abensberg en Allemagne. Elle abrite une brasserie.










Hundertwasser lors d'une manifestation à Hainburg contre le projet de construction d'une centrale électrique, début 80. Sur l’affiche on lit: « la nature libre est notre liberté ».




Die freie Natur ist unsere Freiheit
(La nature libre est notre liberté)



Ses manifestes :

· Manifeste de la moisissure contre le rationalisme dans l’architecture (1958/1959/1964).

· La Dictature des fenêtres et le droit de fenêtre. 

· La nature est irréprochable. C’est l’homme qui a des défauts.




Spiralental, Vallée de spirales, céramique, 1983

Sources


INA


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