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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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dimanche 5 mars 2017




Ren Hang, 1987-2017. Chine










Rongé par la dépression, Ren Hang a mis fin à ses jours le 24 février. Il avait 29 ans. Né le 30 mars 1987 à Changchun, province de Jilin, au nord-est du pays, d’un père cheminot et d’une mère ouvrière, Ren Hang n’a pas étudié la photographie mais le marketing à l’université. Trouvant ses études ennuyeuses, il s’est mis à photographier ses amis de dortoir dans des mises en scène improvisées. Il gardera toujours cet aspect instantané : chez lui, pas de lumière sophistiquée, pas d’équipe fournie, il photographie avec un petit Minolta et saisit son intuition du moment.

A peine trentenaire, le jeune homme avait déjà fait l’objet d’une monographie chez Taschen en janvier, intitulée tout simplement Ren Hang. En Occident, son œuvre singulière, pleine de nus à la fois délicats et désinvoltes, lui avait valu une reconnaissance rapide. Il empilait les corps pour faire des dunes, entremêlait les bras et les jambes en piles ou accrochait ses modèles dans les arbres comme des pantins ou au sommet de gratte-ciels. Cheveux au vent, sexes apparents et corps tout blancs, se doublaient toujours chez lui de visages au regard impassible ou lointain. Un mélange d’érotisme, de distance et d’humour qui ne plaisait pas vraiment en Chine, où il a été censuré de nombreuses fois.

Il choisit ses modèles parmi ses connaissances, et ensuite parmi ceux qui postulent sur son site Internet. Il doit leur parler et s’entendre avec eux pour faire une photo, sinon il arrête la séance. Son studio, au début, se limite à son petit appartement. Sans jamais théoriser sa démarche, Ren Hang renouvelle le genre du nu en traitant le féminin et le masculin avec la même désinvolture amusée et distante, mêlant les corps des deux sexes, s’arrêtant aussi bien sur les seins que les fesses, les aisselles, le pénis.

En Chine, la nudité et l’absence de pudeur de ses images jugées pornographiques lui valent très vite des ennuis. Il se fait embarquer lors des séances de shooting, on l’empêche d’exposer certaines images – il répond en accrochant des cadres vides –, on ferme son exposition au bout de quelques heures ou quelques jours, on clôt son profil weibo. Pourtant, les images de Ren Hang ne se veulent pas provocantes ou subversives. « Les idées politiques exprimées dans mes images n’ont rien à voir avec la Chine, expliquait-il dans la monographie publiée chez Taschen. C’est la politique chinoise qui veut s’introduire dans mon art. Une de mes expositions a déjà été annulée par le gouvernement chinois pour “suspicion de sexe” ».

La dépression, dont il souffre depuis des années, occupe une section à part entière de son site Internet, où il consigne des poèmes et des notes personnelles. Sa maladie a même donné le titre à un de ses livres, en 2013. « Depuis tant d’années, j’ai essayé de me soigner, partageant mon moi entre les rôles de médecin et de malade, écrit-il sur son site Web en 2016. Si la vie est un abîme sans fond, lorsque je sauterai, la chute sans fin sera aussi une manière de voler ».

(Source : Claire Guillot dans Le monde du 28.02.2017)














































































































































































































































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