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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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dimanche 6 novembre 2016





ROBOTS!









Le moins qu'on puisse dire, je ne suis pas "très danse". J'ai déjà depuis mon enfance assisté à plusieurs ballets. Et franchement la vue d'un tutu m'emmerde profondément au bout de trente secondes. Pour moi "Casse-noisette" est à prendre au premier degré. Je me souviens du dernier calvaire vécu quand une amie m'a traîné par les cheveux, voulant que je l'accompagne voir je ne sais même plus quel ballet sous la menace qu'elle ne m'aimerait plus si je ne remplaçait pas un ami qui lui avait fait faux bond au dernier moment. Interminable. Chiant au possible. Le seul intérêt que je trouve à la danse, c'est le corps et l'entrejambe bien moulé des danseurs. Mais passer une soirée les yeux rivés sur des moules-bites même bien remplis, ça lasse. Jusqu'à cette nuit. La révélation. Rentrant d'une soirée bien arrosée chez des amis que j'ai le bonheur de porter dans mon cœur (surtout le week-end autour d'une bonne bouteille de vin). 

Il devait être deux heures du matin. Heure honorable quand on veut faire comprendre aux dits-amis qu'on est bien en leur compagnie. Encore plein de l'adrénaline des débats passionnés qui n'en finissent plus (Refaire le monde est un dur labeur), je zappais mollement affalé sur mon canapé. M6, Supernatural, ouais, bof, déjà vu. Cette histoire de loups-garous, les balles en argent et tout le tintouin, je zappais prestement sentant ma paupière s'abaisser légèrement. France 3. Bon, on verra. A cette heure il ne faut pas être trop difficile. De toute façon, il faut aller se coucher. La fin d'une captation du Barbier de Séville, Rossini. Allez, Même si je pense que l'opéra n'est réellement bien que dans un théâtre et qu'il "passe" mal à la télé, quelques petits airs avant les bras de Morphée qui m'attendent seront les bienvenus. Contre toute attente, je vais jusqu'au bout, mise en scène intéressante. 

Programme suivant, le temps d'un petit pipi et trois autres broutilles, je loupe le début. De retour devant l'écran, je tombe sur ce que je prends pour un clip d'une vague musique électro. Je suis immédiatement happé par les images que j'ai du mal à interpréter. Il me faut quelques secondes, et ça n'était pas lié aux vapeurs de l'alcool qui berçaient doucement mon cerveau, pour comprendre qu'il s'agissait de la projection d'images sur le corps d' un homme quasi-nu. Quelle beauté, quelle étrangeté, et la musique entêtante, sourde et angoissante qui martelait les changement d'images. L'intérieur d'un corps, un cœur projeté qui palpite à toute force, le corps brusquement recouvert d'une carapace métallique, le corps du robot de Métropolis de Fritz Lang. Tiens! Goldorak! Qu'est-ce que c'est que ça? Soudain, sont étrangement éclairés six ou sept danseurs. Et merde, me dis-je, encore un ballet! Je ne l'aurais jamais cru, mais je n'ai pas lâché un spectacle qui m'a définitivement réconcilié avec la danse. Une révélation, je vous dis! Ah, la Danse, quel grand Art. Le Spectacle a été magnifique. Il s'agissait de Robot! de Blanca Li. Elle a l'honneur, sans le savoir, de faire partie des trois ou quatre chorégraphes que je connais, avec Pina Bausch et Carolyn Carlson dont j'ai vu le travail d'un œil distrait. 

























































Je n'avais jamais vu son travail, mais je l'avais déjà entendu en interview et j'avais aimé sa personnalité. Cette Femme est un génie et son spectacle Robot! est une merveille. Blanca Li met en scène huit danseurs et six robots humanoïdes NAO dans un univers électro mécanique déjanté. Le décor minimaliste, centré sur quelques machines musicales improbables conçues par le collectif japonais Maywa Denki, programmées pour faire de la musique en direct, était magnifique. Les lumières qui venaient envelopper le corps des danseurs et en révéler certaines parties recréant des être hybrides à doubles membres ou amputés, étaient sublimes. 










































Et la danse, la Danse... Une révélation je vous dis. Comment dire...moderne, très moderne, post-moderne. J'ai pensé à l'innovation, la création d'un style et le scandale de l'interprétation de Nijinski dans l'Après midi d'un faune. Il avait insufflé à la danse un ton radicalement nouveau qui avait provoqué un tollé en 1912 et que l'on voit maintenant comme une véritable révolution. Robot!, est, pour moi, de ce tonneau. Je suis encore étonné aujourd'hui d'avoir regardé un spectacle de danse dans son intégralité jusqu'à 4 heures 30 et d'en avoir retiré un grand plaisir. Il a fallu à Blanca Li trois ans de recherches avec des experts en robotique pour créer cet enchantement. Fascinée par tous les accessoires high-tech qui envahissent notre quotidien en se rendant de plus en plus indispensables, Blanca Li a eu envie de consacrer un spectacle à ces machines invraisemblables.


































Robot!, comme son titre l'indique, spectacle chorégraphié en 2013 par Blanca Li, a tout d'un show ludique sur le thème de l'ultramécanisation du monde contemporain, sur fond d'humour pop. Car entre les robots et les humains, terriblement humains dans le dénuement de leurs costumes, tout joue sur des échanges de mouvements, des pas de deux légers qui racontent un monde enfantin merveilleux. N'étant pas spécialiste et probablement pas suffisamment armé pour décrire le spectacle, je vous fait partager l'avis du musicologue Martial Leroux que j'ai trouvé sur le site de Blanca Li et qui résume très bien ce que je pense de ce moment d'émotion. 














































Robot! se joue encore deux fois pour ceux qui auraient la chance de se trouver dans les parages, le 14 décembre 2016 à Oyonnax (01) France, près de la frontière Suisse et le 22 février 2017 à Londres. Je n'exclus pas, maintenant une petite escapade éclair à Londres en février. Si vous le pouvez, courrez-y. Juste un dernier petit commentaire. France 3, avec cette programmation, remplit pleinement son rôle de vecteur de culture que l'on peut attendre d'une chaîne du service publique et je les en félicite. Il me semble en revanche indigne que cette programmation soit faite dans la nuit de samedi à dimanche entre 3 heures et 4 heures 30 du mâtin alors qu'un spectacle de cette qualité aurait mérité une programmation de première partie de soirée. On marche sur la tête.






















Commentaire de Martial Leroux.


C'est peu de dire que j'ai aimé, j'ai adoré ce spectacle tissé de poésie, de mystère, de magie, d'onirisme, de suspension et qui, en outre, a le mérite de ne pas nous bercer d'illusions, en sachant nous ramener dans un état de veille interrogative, quasi philosophique, sur le devenir du monde, les rapports étroits entre l'homme et la machine, l'impossibilité pour l'homme d'échapper à son destin, et l'ineffable avenir auquel est confronté l'être humain.


Il y a des moments incroyables à travers ce spectacle, où l'on reste bouche bée et yeux écarquillés devant tant de beauté formelle et d'incroyables exploits (dont ceux de ces adorables petits robots, ce qui en devient presque inquiétant). La musique est souvent écrite en mineur, avec des accords simples, quasi basiques, mais d'un pouvoir envoûtant extrêmement rare. Quelques sonorités nippones, quelques accords augmentés, et une polyphonie qui naît peu à peu à nos oreilles, comme pour mieux nous rappeler l'origine du monde. D'ailleurs, n'y a-t-il pas que la danse pour nous raconter l'histoire de l'humanité ?


Les danseurs se mêlent les uns aux autres, comme par fusion alchimique, mélangeant hommes et femmes avec une habileté déconcertante qui nous fait douter de nos certitudes en ce domaine, et qui, par leur union quasi sacrée, semble vouloir créer une ligue humaine asexuée décidée à lutter contre le fatalisme des temps modernes.


Le début du spectacle, bouleversant d'émotion, est axé sur la dichotomie (puisque tel semble être le parti pris de Blanca Li par rapport à son sujet) : robot/homme, ombre/lumière, noir et blanc/couleurs, réalité/rêve ? Une musique, dans le style de Steve Reich, faite de battements de coeur allant crescendo, nous projette dans la médecine du futur et ses expériences méphistophéliques... Et puis, que dire de ce magnifique duo mimétique entre le petit robot et le danseur ? Etonnant, envoûtant !

Martial Leroux















Comme je le répète de temps en temps, je télécharge les vidéo sur mon site. Ce ne sont pas des liens. La raison est qu'il est souvent frustrant de tomber sur un lien mort. Mais la qualité s'en ressent. Aussi je vous conseil de cliquer en bas de la vidéo pour la voir sur le site d'origine en meilleur qualité.







































Chorégraphie, direction artistique : Blanca Li
Machines musicales : Maywa Denki, Yoshimoto Creative Agency
Robots NAO : Aldebaran Robotics
Musiques originales : Tao Gutierrez et Maywa Denki
Scénographie : Pierre Attrait, assisté de Marion Leduc
Lumière : Jacques Chatelet, assisté de Sylvie Debare
Vidéo : Charles Carcopino, assisté de Simon Frezel et Pierre-Jean Lebassacq
Ingénierie numérique : Thomas Pachoud et Aurélien Conil
Animation robots : Clément Bigot et Valentin Bertrand
Costumes : Maywa Denki et Armando Sanchez

Danseurs : Yacnoy Abreu Alfonso, Iris Florentiny, Géraldine Fournier, Yann Hervé, Africa Manso, Samir M’Kirech, Gaël Rougegrez, Yui Sugano
Deuxième cast : Jonathan Ber


Site officiel de Blanca Li. Lien direct vers la page de ROBOTS!



2 commentaires:

  1. Que tu n'aimes ou n'apprécie pas la danse, check tout de même les ballets de Sidi Larbi Cherkaoui, (https://vimeo.com/79597689) et le dernier spectacle danse de Jan Fabre, (http://culturebox.francetvinfo.fr/live/theatre/theatre-contemporain/mount-olympus-de-jan-fabre-performance-de-24-heures-1-234199) ça vaut le détour.

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  2. Merci beaucoup pour l'info. Je file les voir.

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