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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mercredi 5 octobre 2016




FUTURISME, Italie

" Glorifie la guerre, seule hygiène du monde."

le manifeste de la mode futuriste, 1914 par Giacomo Balla






Filippo Tommaso Marinetti, 1876-1944. Italie. Ecrivain









Le futurisme est né en Italie autour du poète Filippo Tommaso Marinetti (Manifeste du futurisme, 1909). Auteurs de deux manifestes en 1909, publié dans le journal français Le Figaro et 1910, les premiers peintres du mouvement, Giacomo Balla (1871-1958), Umberto Boccioni (1882-1916), Carlo Carrà (1881-1966), Gino Severini (1883-1966), Luigi Russolo (1885-1947), empruntent à la technique divisionniste et au cubisme pour faire interférer formes, rythmes, couleurs et lumières afin d'exprimer une « sensation dynamique/énergique », une simultanéité des états d'âme et des structures multiples du monde visible.

Né en Egypte (en 1876) de parents italiens, Marinetti reçoit une formation italo-française dans un collège tenu par des Jésuites français à Alexandrie. « On pourrait dire qu’il était français de tête et italien de cœur », écrit Giovanni Lista (catalogue de l’exposition, « Les sources italiennes du futurisme »).

Ce n’est, en fait, qu’à 18 ans qu’il découvre l’Italie et la France (où il vient valider son baccalauréat). De l’Italie, il a une vision affective construite sur la culture littéraire de sa mère qui lui lisait la Divine Comédie de Dante ou des poèmes hérités de l’esprit du Risorgimento, mouvement politique et culturel qui conduit à l’unification de la péninsule entre 1860 et 1870. L’idéalisation du passé devait contribuer à forger le sentiment national.

Le futurisme se caractérise par une recherche de l’expression picturale du mouvement. S’inscrivant dans le prolongement du cubisme, on y voit parfois une certaine géométrisation des formes qui s’y apparente. Le mouvement est principalement fondé sur la fascination des machines, de la vitesse, et sur la décomposition du mouvement et sa représentation.

Mi-janvier 1909, sous forme d’un tract écrit en bleu, le texte a été envoyé à ses amis en leur demandant d’adhérer au programme futuriste, ainsi qu’à la presse de la péninsule puis du monde entier. Le Manifeste publié dans le Figaro s’en distingue par un prologue, où Marinetti raconte les circonstances qui auraient précédé son lancement : un accident arrivé au volant de sa cinq-chevaux. Afin d’éviter deux cyclistes, sa voiture a quitté la route, le renversant dans un canal d’eau boueuse. Emprisonné sous l’automobile, il a ressenti sa mort imminente. Et c’est sa délivrance du « maternel fossé à moitié plein d’une eau vaseuse », qui l’a conduit à dicter sa volonté





Manifeste du Futurisme paru en première page du Figaro le 20 février 1909




Le Manifeste lui-même comprend un programme en onze points qui sont autant de mots d’ordre pour l’action. Suivi d’un appel direct à la révolution culturelle :

" Et boutez donc le feu aux rayons des bibliothèques ! Détournez le cours des canaux pour inonder les caveaux des musées ! Oh ! qu’elles nagent à la dérive, les toiles glorieuses ! À vous les pioches et les marteaux ! … Sapez le fondement des villes vénérables ! "


Comment le mot futurisme s’est-il imposé à lui ? Le moment raconté relève de l’épopée et de la transe : « Le 11 octobre 1908, après avoir travaillé six années durant dans ma revue internationale Poesia afin de libérer des chaînes traditionnelles et mercantiles le génie lyrique italien menacé de mort, je sentis soudain que les articles, les poésies et les polémiques ne suffisaient plus. […] Mes amis […] cherchèrent avec moi le mot d’ordre. J’hésitai un moment entre les mots dynamisme et futurisme. Mon sang italien bondit plus fort quand mes lèvres inventèrent à haute voix le mot futurisme. C’était la nouvelle formule de l’Art-Action, et une loi d’hygiène mentale. » (Texte de 1915, cité par Giovanni Lista, dans sa biographie, p. 77.)




« Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles! »



« Le devenir, voilà la seule religion… Quand vous regrettez quelque chose…
c’est déjà un germe de mort que vous portez en vous. »



« Idéalistes, travailleurs de la pensée, unissez-vous pour démontrer comment l’inspiration, le génie marche du même pas que le progrès de la machine, de l’aéronef, de l’industrie, du commerce, des sciences, de l’électricité. »

F. T. Marinetti.





Filippo Tommaso Marinetti, Les mots en liberté futuristes, 1919







Filippo Tommaso Marinetti - Poème : Le soir, couchée sur son lit, elle relit la lettre de son artilleur (Les Mots en Liberté futuriste, 1919)







Filippo Tommaso Marinetti, « Irredentismo », 1914 (collage, Lugano, coll. privée)
















Manifeste des Peintres futuristes, 11 avril 1910.
U. Boccioni, C. Carrà, L. Russolo, G. Balla, G. Severini




Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, des peintres de Milan, auxquels se sont ajoutés Giacomo Balla de Rome et Gino Severini qui réside à Paris depuis 1906, se sont ralliés au futurisme. Le Manifeste des Peintres futuristes paraît sous forme de tract le 11 avril puis est publié le 18 mai dans Cœmedia. Boccioni est son principal rédacteur. Ces artistes ont en commun d’être les héritiers du symbolisme, du divisionnisme et des couleurs pures de Seurat et Signac. Le ton est celui de l’élan vital, de la spontanéité. Leurs déclarations (plongée dans le dynamisme universel, héritage coloré des divisionnistes) disent toute la distance qui les sépare des cubistes (stabilité, analyse formelle et palette monochrome).



« Le geste que nous voulons reproduire sur la toile ne sera plus un instant fixé du dynamisme universel. Ce sera simplement la sensation dynamique elle-même.
En effet, tout bouge, tout court, tout se transforme rapidement. »



« Le Divisionnisme, pour le peintre moderne, doit être un complémentarisme inné. »



« … notre art est ivre de spontanéité et de puissance. »






Carlo Carrà (1881-1966) - I funerali dell'anarchico Galli (1910-11)








Carlo Carrà - Demonstration interventioniste , 1914. Tempera et collage sur carton, 38.5 x 30 cm



Le mouvement se place dans un contexte d’avant-guerre où le climat politique et social est particulièrement tendu. De nombreux jeunes veulent changer radicalement le monde et ne voient la révolution qu’à travers la destruction de toutes les valeurs du passé (musée, bibliothèques, villes historiques…) à la faveur de la machine et de la vitesse.



« […] nous voulons délivrer l'Italie de sa gangrène de professeurs, d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires »  F. T. Marinetti.







Tullio Crali - La force et la courbe, 1930







Tullio Crali - Bombardamento Aero, 1932



La guerre apparaît comme une solution pour repartir à zéro et recréer un monde fondé sur de nouvelles bases. Les futuristes proclament ce côté guerrier de manière assez virulente, certains allants même jusqu'à prôner les valeurs fascistes de manière radicale. Ils sont fascinés par le modernisme, la machine, et notamment les machines de guerre. C’est sur ces bases qu’ils entendent créer le monde nouveau, un monde moderne fondé sur la machine toute-puissante. L'esprit qui anime le mouvement est révolté et révolutionnaire.





Gino Severini (1883-1966) - Synthèse plastique de l'idée Guerre, 1915, huile sur toile, 60 x 50 cm, Galerie municipale d'art moderne, Munich.







Gino Severini - Le Train (Il treno della Croce Rossa che attraversa un villaggio), 1915,Musée Solomon R. Guggenheim, New York.







Gino Severini - Ricordi di viaggio, 1911 (Souvenirs de Voyage). Huile sur toile, 47 x 75 cm, Collection privée








Gino Severini - Danseur à Pigalle, 1912. Huile et paillettes sur gesso sculpté sur panneau de toile, 69,2 x 49,8 cm, Baltimore Museum of Art



Plus qu'un mouvement, le futurisme devient un art de vivre et une véritable révolution anthropologique. Il touche la peinture, la sculpture, la littérature, le cinéma, la photographie, le théâtre, la mise en scène, la musique, le bruitisme, l'architecture, la danse, la typographie, les moyens de communication, et même la politique, la cuisine ou la céramique qui sera consacrée dans le dernier des manifestes futuristes de 1939.













Fortunato Depero (1892-1960) - Le cycliste traverse la ville, 1945







Fortunato Depero







Fortunato Depero - Des femmes, des escaliers, des gratte-ciel, 1930







Fortunato Depero, 1928







Fortunato Depero, affiche de théatre







Enrico Prampolini - Femme, lumière, environnement, 1915. Huile sur toile




Les avancées technologiques dans le domaine de la photographie et du cinéma permettent enfin de donner à voir la décomposition du mouvement de manière précise. L’instantané photo donne enfin à voir un instant arrêté de ce mouvement.

De nombreux artistes vont prendre comme support de recherche des études photographiques sur la décomposition du mouvement afin de réaliser leurs œuvres. C’est le cas du Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp (qui a fait scandale lors de sa présentation au public). À travers ce tableau, si Duchamp développe les formes plastiques et les thèmes de recherches futuristes, il ne partage pas les opinions politiques et idéologiques des italiens. Sa préoccupation majeure reste un questionnement purement artistique.





Marcel Duchamp, Nu descendant un escalier, 1912. Huile sur toile, 1,47 m x 90 cm. Philadelphia Museum of Art






Woman Walking Downstairs (1887), étude photographique composée par Eadweard Muybridge, citée par Duchamp lors d'un entretien






Marcel Duchamp descending a staircase by Eliot Elisofon, New York, 1952




Les futuristes en se liant de manière ambiguë au régime fasciste de 1919 à 1945 ont soulevé des réserves à leur égard, en tant que première avant-garde italienne. 











Propagande fasciste, mai 1929




En 1909, est publié le Primo manifesto politico. Lors des élections de 1913, Marinetti, Boccioni, Carrà et Russolo ont établi un programme politique futuriste qui évoque la protection économique du prolétariat et qui propose l'expansion coloniale. Dans l'écrit intitulé Che cos'è il futurismo. Nozioni elementari daté de 1920, les buts politiques sont plus détaillés : mise en place d'une armée de volontaires, modernisation du service de sécurité public et prise en mains du gouvernement italien par des jeunes qui se sont battus sur le front.






Alfredo Gauro Ambrosini Mussolini, 1930







Gerardo Dottori







Gerardo Dottori - Il Trittico della Velocità, Il Via, 1927







Gerardo Dottori - Il Trittico della Velocità, il corsa, 1927







Gerardo Dottori - Il trittico della velocit, l'arrivo, 1927








Giacomo Balla (1871-1958) -Transformation Form-Esprit, 1918. Huile sur toile







Giacomo Balla - la lumière de la rue, Etude sur la lumière, 1909. Huile sur toile







Giacomo Bella – Etude sur la vitesse des voitures,1913



Mussolini, qui connaissait Marinetti depuis 1915, tire avantage de l'environnement intellectuel révolutionnaire des futuristes. À partir de sa prise de pouvoir en 1922, il s'inspire de leur volonté déterminée de renouvellement, de leur éloquence agressive et de leur bonne organisation de groupe. En 1924, Marinetti réfléchit au lien entre art et politique en Italie dans son traité Futurisme et fascisme. Il met en valeur le rôle pionnier du futurisme et souligne les rapprochements possibles avec le fascisme. Plus tard, Mussolini prend ses distances avec le futurisme. En se rapprochant de l'Église catholique et du parti conservateur par opportunisme politique, Mussolini révèle alors une vision anti-futuriste.














Les artistes du mouvement futuriste en 1924.


 Fortunato Depero (1892-1960), Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) et Francesco Cangiullo (1884-1977) ; en second plan, derrière Depero et Marinetti, Gianni Mattioli (1903-1977).












Luigi Russolo (1885-1947)







 La rivolta, 1911. Huile sur toile, 150.8 x 230.7 cm, Gemeentemuseum Den Haag








Combinaison de maisons dans la lumière du ciel








Le joueur de piano








Sintesi plastica dei movimenti di una donna (Synthèse plastique des mouvements d'une femme), 1912. Huile sur toile, 86 x 65 cm, Musée de Grenoble








Solidità della nebbia, 1912. Huile sur toile, 100 x 65 cm
Gianni Mattioli Collection, prété à the Peggy Guggenheim Collection, Venise







Umberto Boccioni, 1882-1916. Italie







Autoportrait, 1905. Huile sur toile. Metropolitan Museum of Art








Dinamismo di un ciclista (Dynamisme d'un cycliste), 1913. Huile sur toile, 70 x 95 cm. Gianni Mattioli Collection, puis the Peggy Guggenheim Collection, Venise








La Risata, 1911 [Le Rire] Huile sur toile, 110,2 x 145,4 cm. The Museum of Modern Art, New York







 Les adieux états d'âme, 1915







La ville se lève, 1910, The Museum of Modern Art, New York.






Forme uniche nella continuità dello spazio, 1913




Formes uniques de la continuité dans l'espace ou L'Homme en mouvement, 1913. Plâtre (Bronze fondu en 1950), 121.3 x 88.9 x 40 cm

La sculpture originale a été réalisée en plâtre et n'a jamais été coulée en bronze du vivant d'Umberto Boccioni. L'original est aujourd'hui conservé au Museu de Arte Contemporânea de São Paulo mais plusieurs exemplaires en bronze sont exposés, notamment au Museum of Modern Art de New York et au Museo del Novecento de Milan.

Le message de l'œuvre semble être la glorification du mouvement, le dynamisme de la vie moderne. On pourrait parler d'un homme nouveau qui marche d'un pas ferme vers l'avenir, qui semble encore radieux en 1913, grâce à tous les apports de l'industrie et de la modernité.







Etude pour l'homme en mouvement, 1913, crayon sur papier gris-vert, (15,5 x 12,4 cm), Museum of Modern Art, New York.
















































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