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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mardi 9 août 2016





Voila, ce 9 août, Hieronimus Bosch est mort il y a 500 ans jour pour jour. Cet artiste fait partie de mes peintres préférés. Pour commémorer sa mort, j'ai décidé de présenter l'une de ses œuvres pour moi la plus emblématique, le jardin des délices. Après un mois de recherches et d'étude et de rédaction, je vous propose un article que j' ai du, du fait de sa longueur, scinder en 8 post. Je reviens dans cet article sur la thèse de l'historien d'art Wilhelm Fraenger de 1947, thèse qui a été battu en brèche par la suite, mais que je trouve extrêmement intéressante. Je vous souhaite bonne lecture, et n'hésitez pas à réagir, cela me fera plaisir.





Hieronymus Bosch, vers 1450 - 1516. Flandres







Portrait de Jérôme Bosch, attribué à Jacques Le Boucq, vers 1550. Fusain et craie rouge sur papier. Arras, Bibliothèque Municipale.









« La différence entre les œuvres de ce peintre et celles des autres : ils cherchent à peindre les hommes tels qu'ils apparaissent vus du dehors, lui cherche à les peindre tels qu'ils sont dedans, à l'intérieur… »

José de Sigüenza, religieux espagnol du XVIe siècle (Historia de la Orden de San Gerónimo, 1605)





Le jardin des délices









Jérôme Bosch est mort il y a tout juste 500 ans. Malgré toutes les recherches, il reste à tout point de vue une énigme. Et c'est pour cela qu'il fascine autant. Ce peintre de génie, oublié durant des siècles et redécouvert au 20ème siècle par les surréalistes, n' est rattachable à aucune école. De sa vie, on ne sait que peu de choses. De grands pans de sa biographie sont inconnus et prêtent à spéculation. Et cela accroît le mystère autour de ce personnage qui nous apparaît comme un homme très religieux et bien rangé. Mais derrière cette façade, dans cette période tourmentée du passage du 15 au 16ème siècle, du passage du moyen-âge à la renaissance, pointent conspirations politiques, guerres religieuses et sociétés secrètes dignes des romans les plus épiques.



De ce peintre, plus de trente œuvres peintes lui sont attribuées, neuf sont signées. Six d'entre elles sont des triptyques. Le catalogue raisonné publié par l'équipe du Bosch Research and Conservation Project (BRCP) en 2016, en attribue une vingtaine à Bosch ou son atelier. Le reste serait le travail de suiveurs. Les copies, du fait du succès de Bosch à son époque, sont nombreuses.





Le jardin des délices, copie du tableau de Bosch, anonyme, 1520. Huile sur toile, 166 x 158 cm. Musée des Beaux Arts de Budapest



Les attributions à Bosh se font et se défont depuis la création en 2007 du BRCP. Un tableau relégué dans les réserves d’un musée de Kansas City, La Tentation de saint Antoine, était jusque-là attribué à l’atelier de Bosch ou à l’un de ses suiveurs. Il est maintenant attribué à la main du maître.

Le Jugement dernier du musée Groeninge qui était attribué à des élèves de Bosch est retourné dans le giron de l'artiste. Le Portement de croix du Musée des Beaux-Arts de Gand a quant à lui été rétrogradé et serait une oeuvre de l'atelier ou de suiveurs. En Espagne, où se trouvent le plus grand nombre de tableaux, le Couronnement d’épines, conservé à l’Escorial (collections du Patrimonio Nacional) et trois œuvres du Prado, Les Sept péchés capitaux (dont l’attribution a fait plusieurs fois débat), La Lithotomie (tableau également intitulé Cure de folie ou Excision de la pierre de folie) et une autre Tentation de saint Antoine abbé, ne seraient finalement pas de Bosch lui-même.





La Tentation de saint Antoine, vers 1500-1510. Huile sur bois, 38,6 x 25,1 cm. Kansas City, The Nelson-Atkins Museum of Art



Si l'attribution est difficile, la datation des tableaux l'est encore plus. À l'exception notable de la table des Sept péchés capitaux, exécutée sur un panneau de peuplier, les tableaux attribués à Bosch sont généralement peints à l'huile sur des panneaux de chêne de la Baltique. Les historiens d'art ont d'abord pensé qu'il s'agissait d'une œuvre de jeunesse, à l'instar de Ludwig von Baldass (1917).

Pour dater les panneaux, on fait appel à la dendrochronologie, une méthode scientifique permettant d'obtenir des datations de pièces de bois à l’année près en comptant et en analysant la morphologie des anneaux de croissance (ou cernes) des arbres. De ce fait, les dates sont indicatives. Ainsi, pour son œuvre la plus emblématique que j'ai choisi d'étudier, Le Jardin des délices, les dates vont de 1480 à 1510. Le Terminus post quem ( Date à partir de laquelle un événement s'est nécessairement produit.) de l'analyse dendrochronologique nous donne la date de 1466. Les panneaux de bois étaient généralement conservés plusieurs années pour séchage avant d'être utilisés.

Le Musée du Prado, à Madrid, en Espagne, ou le triptyque est conservé, date le panneau entre 1490 et 1500. La plus ancienne mention concernant ce triptyque se trouve dans le récit de voyage du chanoine Antonio de Beatis qui le situe en 1517 dans le palais de Nassau à Bruxelles d'Henri de Nassau-Breda. Le mystère ne fait que commencer et la plupart des "informations" au sujet de cette œuvre ne sont que des suppositions. Les dernières recherches tendraient à situer le triptyque entre 1505 et 1510.

Commençons par la biographie de Jérôme Bosch. Tout d'abord ce monsieur bien mystérieux ne s'appelle pas Jérôme Bosch. Il naît Jeroen ou Hieronymus Van Aeken vers 1450 à ‘s-Hertogenbosch ou Den Bosch (traduit en français Bois-le-Duc, bosch signifiant bois), commune de commerce située au sud des Pays-Bas (Brabant septentrional) au sein d’une famille d’artistes originaire d'Aix-la-Chapelle (Aachen, Aken en néerlandais) qui se consacrait à la peinture de fresques et à la dorure de statues. Si la date de sa mort est certaine, le 9 août 1516, du fait de sa notoriété, celle de sa naissance n'est pas connue exactement. Très tôt, le jeune Hieronymus est initié à la peinture, aux côtés de son frère aîné Goessen, par son grand-père Jan van Aken et son père Anthonis van Aken dans l'atelier familial.





Statue de Jérôme Bosch sur la place centrale de Bois-le-Duc derrière lui, façade verte, la maison de son enfance,



En 1478, il épouse Aleyt Goyarts Van den Meervenne, la fille d’un bourgeois aisé, de vingt ans son aînée. Il acquiert ainsi une aisance financière qui lui donnera une plus grande liberté de création. En 1480, il apparaît comme peintre dans les archives de sa commune. Les deux époux deviennent membres de la confrérie Notre-Dame de Bois-le-Duc en 1486.





Registre de la confrérie  Notre Dame. Inscription de Jérome Bosch parmi les nouveaux membres, 1486. Brabants Historisch Informatie Centrum, Bois-le-Duc




Cette confrérie, qui comptait quelques 7000 membres à travers l'Europe, se consacrait au culte de la Vierge et à des œuvres de charité et ses membres se réunissaient lors de « banquets des cygnes » dont nous reparlerons plus tard. Il devient le peintre attitré de la confrérie. La vingtaine de documents parcellaires qui persistent encore actuellement, semble indiquer qu'il ait mené une vie de notable bien rangé.







Page de l'armorial de la Confrérie des Frères des cygnes.




Hieronymus  Aeken, alias Bosch avec la date de décès, 1516



Son talent, lui fait prendre l'ascendant dans l'atelier qu'il dirigera à la mort de son frère, Goessen, en 1497. A cette époque, Bosch travaille pour les grandes familles de Bois-le-Duc, pour la confrérie Notre-Dame et d’autres communautés du même type ainsi que pour les bourgs environnants. Sa réputation va s’étendre rapidement : le duc de Bourogne Philippe le Beau (1478-1506) et le cardinal vénitien Grimani (1461-1523) lui adressent des commandes.

Il semble, en dehors d'un voyage supposé à Venise entre 1499 et 1502, que Bosch n'ait jamais quitté Bois-le-Duc. Sa réputation s'étend rapidement hors des frontières de la Flandre (alors sous domination espagnole) et tout particulièrement en Espagne où se trouvent actuellement la plupart de ses œuvres les plus importantes.

En septembre 1504, le gouverneur des anciens Pays-Bas, Philippe Ier le Beau, fils de Maximilien de Habsbourg, dont la cour est installée à Bruxelles, verse à « Jheronimus van aeken dit bosch (bosch signifiant Bois) paintre dem [eurant] au bois le duc la somme de trente six livres » pour « ung grand tableau de paincture de neuf pietz de hault et unze pietz de long ou doit estre le jugement de dieu assavoir paradis et infer ». Il s'agit du premier document dans lequel le peintre est désigné par le surnom « Bosch ».

C'est en 1516 que meurt, sans enfant, Jheronimus Bosch, dont les obsèques ont lieu le 9 août et sont prises en charge, sans doute selon une pratique courante, par différents membres de la Confrérie de Notre-Dame. Il a probablement succombé à une épidémie de peste, à laquelle semblent faire allusion des chroniques de Bois-le-Duc et qui emporte également son neveu Anthonis. Son atelier continue néanmoins de fonctionner durant au moins une dizaine d'années dans la maison "In Sint Thoenis" à laquelle Aleid restitue en décembre 1516 le mobilier et les biens de son défunt mari tout en habitant jusqu'à sa mort en 1523 la maison "ln den Salvator”. Il est alors dirigé probablement par le fils aîné de Goessen, Johannes (1470-1537), auquel peut être assigné, de manière hypothétique, un petit groupe d'œuvres autour du triptyque d'Anderlecht.

Le peintre sera vite oublié. Karel Van Mander (1548-1606) le signale dans son Livre des peintres de 1604. En 1605, Jose de Sigüenza (1544-1606), historien et théologien espagnol, écrivait: " Les autres cherchent à peindre les hommes tels qu'ils apparaissent vus du dehors ; celui-ci a l'audace de les peindre tels qu'ils sont au-dedans." En Espagne, Philippe II achète en 1570 cinq de ses peintures dont le triptyque du Chariot de foin et La Cure de la folie. Un vif intérêt pour son œuvre demeure jusqu'au XVIe siècle, et Bruegel l'ancien (1525-1569) s'inspirera grandement de Bosch. Mais à partir du classicisme, on ne verra en lui qu’un fou jusqu’à la première moitié du 20e siècle.





La Lithotomie, également appelé La Cure de la folie ou plus rarement L'Extraction (ou Excision), vers 1494. Huile sur panneau de 48 × 35 cm. Musée du Prado, Madrid.



En 1568, l’historien italien des artistes, Vasari, qualifia l’invention boschienne de « fantastiche e capricciose ». Lomazzo, l’auteur du « Traité sur l’Art de la Peinture, la Sculpture et l’Architecture », publié la première fois en 1584, parla du « flamand Girolamo Bosch, qui en représentant des apparences étranges, et des rêves effrayants et horribles, était unique et réellement divin ». Carel van Mander, le Vasari du Nord, considérant l’ensemble des œuvres de Bosch, se contenta d’observer qu’il s’agissait de « peintures macabres de spectres et fantômes horribles venus de l’enfer ».





Portrait de Hyeronimus Bosch par Hendrick Hondius, 1610, Rijksmuseum, Amsterdam. Série de 72 portraits d'artistes produite par Hendrick Hondius




Le contexte historique



Les XV et XVIème siècles représentent une période charnière et troublée. La chute de Constantinople en 1453, date supposée de la naissance de Bosch, marque la transition entre le moyen-âge et la renaissance. 1453 est également la fin de la guerre de cents ans qui opposa la France et l'Angleterre. Une période de guerres, de révoltes, de famines et d'épidémies de peste s'achève lentement. Les pays sont à repeupler. Mais la crise économique persiste. La crise politique et spirituelle secoue les états. L'inquisition, créée au début pour lutter contre l'hérésie et la sorcellerie, s'attaquera également aux artistes et à leurs œuvres. En 1450 Gutenberg invente l'imprimerie et commence à diffuser la Bible, même si les débuts sont difficiles. Le Brabant est alors gouverné par Philippe le Bon (duc de Brabant de 1430 à 1467). L'Espagne devient après la découverte par Christophe Colomb des "Indes occidentales", une grande puissance économique.



Le contexte politique



En 1183, Henri Ier de Brabant (1165 † 1235) qui abandonne alors le titre de duc de Lothier devient le premier duc de Brabant, dux Brabantie, de 1183 à 1235. Les trois villes principales sont Bruxelles, Louvain et Anvers. En 1185, Henri Ier de Brabant en fonde une quatrième, Bois-le-Duc, au confluent de l’Aa et du Dommel qui, réunies, forment la Dieze.

À partir du XVe siècle, pour des raisons de succession, le duché relève de la dynastie capétienne de Bourgogne : il fait partie des Pays-Bas bourguignons. En 1430 le duc Philippe le Bon (1396-1467) acquiert le duché de Brabant-Limbourg. Son fils Charles le Téméraire (1433-1477), grand ami du roi de France Louis XI, hérite du Duché de Bourgogne. Il sera le dernier Duc de Bourgogne a régner sur le Brabant.





Philippe le Bon (1396-1467) portant le collier de l'Ordre de la Toison d'or et le chaperon à cornette pendante (copie d'après Rogier van der Weyden, vers 1450, Musée des beaux-arts de Dijon).







Charles le Téméraire (1433-1477) portant le collier de l'ordre de la Toison d'or par Rogier van der Weyden, vers 1462. Huile sur bois, Gemäldegalerie, Berlin.



Sous Philippe le Bon puis sous son fils Charles le Téméraire, le pays connaît une expansion économique dont profitent les villes. Charles est l'arrière-grand-père de l'empereur romain-germanique et roi d'Espagne Charles Quint (1500-1558), donc l'ancêtre des Habsbourg d'Espagne.






L'État bourguignon, sous Charles le Téméraire



A sa mort, sa fille, Marie de Bourgogne épouse Maximilien de Habsbourg (1459-1519). Leur fils, Philippe le Beau né en 1478, épouse en 1496 Jeanne la Folle, fille d'Isabelle la Catholique et de Ferdinand d'Aragon, qui lui donnera pour fils le célèbre Charles Quint. Sous le règne d'Isabelle la Catholique, Christophe Colomb découvre les "Indes occidentales", au nom de la couronne de Castille. C'est le début d'une expansion économique phénoménale.






Isabelle la Catholique (1451-1504)







Ferdinand II d'Aragon dit le Catholique (1452-1516)







Philippe le Beau (1478-1506)







Jeanne Ire de Castille (1479-1555), par Jean de Flandres, Musée d'histoire de l'art de Vienne.








Portrait de Charles Quint (1500-1558) à l'époque de son élection à l'Empire par Bernard van Orley (vers 1519)







Les possessions de Charles Quint




Le contexte religieux



Dès qu’elle accède au statut de religion d’Etat sous Constantin, l’Eglise entretient des rapports ambigus avec l’hérésie. Conformément à sa doctrine, elle refuse que la foi soit imposée par la contrainte physique et prononce des peines spirituelles, la plus grave étant l’excommunication. Cependant, atteindre à la doctrine de l’Eglise, c’est atteindre à l’Etat et à l’empereur. Par conséquent, à la notion d’hérésie se superpose la notion de trouble social et de crime de lèse-majesté. Dès lors des châtiments physiques allant jusqu’à la peine de mort apparaissent, au nom de l’Eglise, mais souvent exécutés par l’Etat.

A la fin du XIIème siècle, l’Eglise est très présente auprès des Etats européens et constitue un lien social majeur. Cependant, malgré leurs efforts, aucun des deux ne parvient à enrayer les hérésies régionales à l’exemple des Cathares. Les principes de Bernard de Clairvaux, « la foi doit être persuadée, et non imposée », sont encore dans les esprits, mais l’hérésie et ses risques politiques guettent. En 1199, Innocent III franchit un pas avec la bulle Vergentis in senium qui met en place une procédure répressive contre les Albigeois.

Grégoire IX donne une nouvelle forme à la lutte de ses prédécesseurs Innocent III et Honorius III en promulguant la constitution Excommunicamus en 1231. Désormais, ce n’est plus aux évêques de surveiller l’orthodoxie mais à des inquisiteurs qui dépendent directement du Saint-Siège. Par ailleurs, la prison et la mort par le feu deviennent des instruments officiels de pénitence.






Peine du feu ordonnée par l'Inquisition (ici, des templiers), détail de la Chronique de Saint-Denis



Des inquisiteurs partent en missions dans le Saint-Empire, puis en France en 1233. A l’exception de l’Angleterre, toute l’Europe va être parcourue par ces « juges » souvent dominicains ou franciscains. Bénéficiant d’un pouvoir exceptionnel (ils peuvent excommunier les princes), ils vont de localité en localité.

Mais les inquisiteurs parviennent à acquérir beaucoup de pouvoir et s’opposent même au pape. Usant parfois de la torture et des bûchers avec excès, comme en France, ils sont de moins en moins contrôlables par le Saint-Siège. L’Inquisition connaît alors son apogée mais pour peu de temps. Dès 1312, Clément IV incite à une plus grande collaboration avec les évêques. Moins de vingt ans plus tard, le pouvoir de l’Inquisition est encore réduit par Jean XXII.





Un résumé de 1533 relatant l’exécution d’une sorcière accusée d’avoir brûlé la ville de Schiltach en 1531.



Dès lors l’Inquisition poursuit son office mais sous contrôle et avec moins d’excès. Elle dépend en effet du Saint Siège mais voit aussi progressivement son pouvoir d’action diminuer avec le renforcement des justices étatiques. Cependant, elle étend son domaine aux sorcières, aux beggards (une secte chrétienne du XIIIe siècle refusant l'autorité du clergé et de l'aristocratie). Quelques dates marquent les esprits, comme la condamnation de Jeanne d’Arc en 1430.






Gravure sur bois montrant des sorciers suppliciés, Tengler's Laienspiegel, Mainz, 1508.



Au XVIème siècle, alors que la menace ne vient plus des manichéens cathares mais de la Réforme, l’Eglise se réorganise et crée la Sacrée Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle, connue sous le nom de Saint-Office. C’est la fin de l’Inquisition médiévale et de ses moyens exceptionnels. Les Etats se chargent désormais du contrôle de leurs sujets sans avoir besoins des moyens du Saint-Siège. Ainsi, c’est eux qui éventuellement condamnent ou persécutent les protestants.

En 1479, alors que l’Inquisition médiévale vit ses dernières heures, Ferdinand V et Isabelle la Catholique fondent l’Inquisition espagnole. Cet acte de naissance illustre la particularité de cette institution : elle est sous le contrôle de l’Etat et non du Saint-Siège, même si celui-ci a donné son accord. Le contexte de la Reconquista donne également des objectifs bien précis, orientés contre les minorités religieuses que sont les juifs et les musulmans. Après la Reconquista, le but est de débusquer et de condamner les marranes (juifs convertis. Le terme marrane vient de l'espagnol marrano = cochon) qui continuent à pratiquer leurs rituels juifs en cachette. En 1492, débutera la répression contre les juifs espagnols.





La Question par les brodequins



Le roi Ferdinand V nomme de nouveaux inquisiteurs chargés d’éradiquer l’hérésie dans le territoire espagnol. Parmi eux, figure le futur inquisiteur général, Tomas de Torquemada (1420-1498). Symbole du fanatisme religieux et de la violence de l’Inquisition espagnole, il a une grande responsabilité dans la généralisation de la torture et des bûchers. Les jugements de l’Inquisition prennent alors le nom d’Autos da fe (acte de foi). Des milliers de personnes périront sur le bûcher.





Tomás de Torquemada (1420-1498)



On voit des sorcières et le diable partout. L'église mène une lutte contre les pratiques magiques. Innocent VIII émit la bulle « Summis desiderantes affectibus » en 1484, c’est-à-dire trois ans après « Malleus maleficarum » (Marteau des sorcières) où est émise la déclaration suivante : « ne pas croire à l’existence des sorcières est le comble de l’hérésie » qui déclencha la chasse aux sorcières. On pourchasse les hérétiques partout. Les bûchers se dressent. Il ne faut pas grand chose pour être soumis à la "question", séances de tortures qui font avouer n'importe quoi.









En Italie, à Florence, née sous l'impulsion de Laurent de Médicis dit aussi Laurent le Magnifique (1449-1492), la renaissance italienne marqua un coup d'arrêt à la mort de Laurent, sous l'influence de Jérome Savonarole (1452-1498), un frère dominicain, prédicateur et réformateur italien, qui institua et dirigea la dictature théocratique de Florence de 1494 à 1498 après la chute des Médicis. En 1497, Savonarole et ses disciples élèvent le bûcher des Vanités.





Laurent le Magnifique (1449-1492) par Girolamo Macchietti (XVIe siècle).







Portrait de Jérôme Savonarole (1452-1498) dans sa cellule au couvent San Marco, réalisé par Fra Bartolomeo en 1498 Museo di San Marco, Florence.




 Des jeunes garçons sont envoyés de porte en porte pour collecter tous les objets liés à la corruption spirituelle : les miroirs et cosmétiques, les images licencieuses, les livres non religieux, les jeux, les robes les plus splendides, les nus peints sur les couvercles des cassoni, les livres de poètes jugés immoraux, comme les livres de Boccace et de Pétrarque. Ces objets sont brûlés sur un vaste bûcher de la Piazza della Signoria. Des chefs-d’œuvre exceptionnels de l’art florentin de la Renaissance ont ainsi disparu dans le bûcher, y compris des peintures de Sandro Botticelli que l’artiste a lui-même apportées. Il ne peindra plus de nus après cet épisode. Savonarole, excommunié, accusé d'hérésie, périra lui-même sur le bûché en 1498.





Autodafé de livres. Tableau du XVe siècle.







Francesco Rosselli, le supplice de Savonarole, détrempe sur panneau, 101 x 117 cm. Florence, Museo di San Marco





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