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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mardi 9 août 2016




Les influences



Des historiens d'art fixent l'origine de l'art de Bosch dans le gothique international – style ayant marqué l'ensemble de l'art européen autour de 1400. Bosch est certainement l’un des artistes les plus énigmatiques de l’histoire de l’art. A cheval entre le gothique et la Renaissance, ses œuvres, présentant une lecture simple ou plus ésotérique, ont un style particulier, très personnel, reconnaissable entre tous. Il est pourtant l'héritier de ces maîtres prédécesseurs et également de toute l'imagerie médiévale. L'artiste ignore la perspective italienne mais invente des procédés de composition originaux et une géométrie toute personnelle.

Ces maîtres sont appelés les primitifs flamands. Cette expression est apparue au XIXe siècle pour désigner les peintres actifs dans les anciens Pays-Bas méridionaux aux XVe et XVIe siècles, dans les villes florissantes de Tournai, Bruxelles, Bruges, Gand et Anvers, bénéficiant de la prospérité du duché de Bourgogne. Ce groupe est à l'origine de la Renaissance nordique. L'art des primitifs flamands correspond à la fois à l'aboutissement de l'héritage artistique médiéval du nord de l'Europe et à une évolution vers une acceptation de l'idéal développé à la Renaissance.

Les plus renommés d'entre eux étaient Jan Van Eyck (1390-1441), qui fut très lié à Philippe le bon, Hans Memling (1430-1494) et Gérard David (1460-1523, Bruges), Rogier Van der Weyden (Roger de la Pasture. 1400-1464) et Hugo Van der Goes (1440-1482, Gand). 

Le plus célèbre d'entre-eux est probablement Van Eyck, qui a développé la technique de la peinture à l’huile permet d’obtenir une pureté et une luminosité bien plus grandes que la tempéra, le mélange à l'œuf, qui séchait trop rapidement, rendant les retouches très difficiles. C'est à cette époque que l'on voit également apparaître doucement la toile qui remplacera peu à peu les panneaux de bois. Il met surtout, et c'est une révolution, en pratique, avant beaucoup d'autres, la perspective.





Jan van Eyck (1390-1441). L'Homme au turban rouge, 1433 Autoportrait présumé






Jan Van Eyck. Le Chancelier Rolin en prière devant la Vierge, dit La Vierge du chancelier Rolin ou Vierge d'Autun, vers 1435. huile sur panneau, 66 × 62 cm. Paris, Musée du Louvre






Jan van Eyck, Les Époux Arnolfini 1434. Huile sur panneau de chêne, 82cm × 60 cm. National Gallery, Londres






Hans Memling (vers 1435/1440-1494) Scènes de la Passion du Christ entre 1470 et 1471. Huile sur panneau de chêne, 56,7 cm x 92,2 cm. Galleria Sabauda, Turin, Italie






Hans Memling. Le Jugement Dernier Triptyque vers 1466-1473, huile sur panneau. Musée national de Gdańsk






Hugo van der Goes (1440-1482). L'Adoration des Mages triptyque, seconde moitié du 15ème siècle. Huile sur toile, 96,3 cm x  109,2 cm. Musée de L'Hermitage, St Petersbourg






Rogier van der Weyden (1399/1400 -1464). Triptyque de la Crucifixion , 1443 - 1445. Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche



On ne sait rien des influences directes de Bosch, ni de sa formation. On ne sait pas s'il a voyagé, mais on perd sa trace à quatre reprises dans les registres de Bois-le-Duc. Certains ont imaginé un potentiel voyage à Venise, puisqu'on retrouve la trace de trois de ces tableaux là-bas. Mais on n'en a aucune preuve. Peintre parmi tant d'autre dans l'atelier de son père, à ses débuts, les peintures de Bosch ne sont orthodoxes et guère originales, même si on peut, ça et là, distinguer des personnages caricaturaux. Il explore rapidement des thèmes plus inhabituels comme les messes noires (La tentation de St Antoine).

Bosch s'est fidèlement inspiré du Nouveau et de l'Ancien Testament. Il décrit les textes de façon littérale. Ses représentations, volontiers moralisatrices ou didactiques, sont dans l'orthodoxie religieuse. Derrière un penchant affirmé pour le symbolisme ou l'ésotérisme, on peut parfois déceler des allusions à l'alchimie et à l'astrologie. Mais son imagination est sans limite. Il peint des personnages grotesques ou fantastiques, mi-homme, mi-animal. Il imagine des paysages d'un autre monde emplis d'une végétation irréelle, peuplés d'animaux hybrides merveilleux, hallucinants et terrifiants. Il semble qu'il ait puisé son inspiration dans la littérature médiévale, les Livres des Heures, les enluminures, les bestiaires.





Licorne bleue sur un bestiaire du XIIème siècle.







Lions dans le Bestiaire d'Ashmole vers 1210.






Éléphant dans le bestiaire d'Aberdeen. IIe siècle






Le Physiologos de Berne c. 825-850



Ses personnages monstrueux sont inspirés par les grylles de l'Antiquité, des créatures grotesques ou burlesques, repris dans de nombreux manuscrits médiévaux, en particulier dans les marges, sous le terme de drôleries. Ils sont l'image de l'âme prisonnière de la bête, monstre qui dénonce l'avilissement de l'esprit et la folie du péché.





Les grylles. Bréviaire de Renaud de Bar - volume d'Été (1302-1303), Bibliothèque Municipale de Verdun (France), ms. 107 Enluminure folio 111. Chevalier-poisson combattant un grylle.







Les grylles. Illustrations de la Chronique de Nuremberg, par Hartmann Schedel (1440-1514)






Les grylles de Jérôme Bosch. Le jugement dernier







Les grylles de Jérôme Bosch. Le jugement dernier







Les grylles de Jérôme Bosch







Les grylles, gravure de Hieronymus Cock, Flamand, c. 1510 - 1570, d'après Bosch







Les grylles (détail du Jugement dernier de Munich, dû à un suiveur de Jérôme Bosch).








Les grylles. Initiale "Q"  - Archange Michel terrassant le dragon. Psautier, Würzburg ca. 1240-1250LA, The J. Paul Getty Museum, Mme Ludwig VIII 2, fol. 61v








Les grylles. The Rutland Psautier, Angleterre, vers 1260



Il connait L’Ars Moriendi (l’art du décès, l’art de bien mourir) deux textes en latins datant respectivement de 1415 et 1540. Ils se proposent d'aider à bien mourir, selon les conceptions chrétiennes de la fin du Moyen Âge. Ils montrent un homme à l’agonie dont l'âme est l’enjeu d’une bataille entre les anges et les démons.





Ars Moriendi 






Ars Moriendi Renouard N°120




Il a lu des traités d'alchimie, d'astrologie, La Nef des fous de Brant, La Légende dorée où sont décrites les tentations de Saint Antoine, et Les Visions de Tungdal. En 1484, cet ouvrage , d'un auteur anonyme irlandais circule en Hollande. C'est un long poème qui raconte l'histoire de Tungdal un chevalier Irlandais du XIIIéme siècle qui après une existence d'oisiveté et de débauche, voit en songe l'enfer durant trois jours et trois nuits. A son réveil il se repent en se retrouvant dans son corps humain. Il y a vu un monde peuplé de monstres, d'insectes et de serpents, dans les ténèbres de l'enfer que l'on rejoint en traversant le paradis rempli de plaisirs, d'or, et de pierres précieuses. Sa vision de l'Enfer est influencé par les images des Livres des Heures où sont figurés les damnés dévorés par des bouches géantes.





La gueule des Enfers, enluminure du Maître de la Cité des Dames,début XVème siècle







Psautier d'Henri de Blois; cathédrale de Winchester dont Henri était évêque, 1120-1160.






L'Enfer. Speculum humanae salvationis, vers 1470-1480. Marseille - BM - ms. 0089 







La Cité de Dieu, de St Augustin, livre 19 trad. de Raoul  de Presles, 1480







Augustinus. La Cité de Dieu. L'Enfer. XVème







Compost et calendrier des bergers. En Enfer, supplice des avares,1493







Compost et calendrier des bergers. En Enfer, supplice des gloutons, 1493






Compost et calendrier des bergers. En Enfer, supplice des luxurieux, 1493






Compost et calendrier des bergers. En Enfer, supplice des orgueilleux, 1493



Le thème de la folie est vieux comme le monde mais, aux environs de 1500, il est pour ainsi dire omniprésent; à tel point qu’on a cru pouvoir qualifier le phénomène de « psychose collective ». Trois ouvrages ont alors eu un retentissement considérable : « La Nef des fous », (1494) de Sebastian Brant, l'"Ensorcellement des fous" (1512) du français alsacien Thomas Murner et le chef-d’œuvre d’Erasme « Eloge de la folie » (1511). La littérature et le théâtre populaires, les fabliaux, les traités pieux et moralisateurs, les sermons, la xylographie (illustrations des livres et feuilles volantes), la peinture et la statuaire, les cortèges et les fêtes, l’astrologie et l’alchimie : partout, on rencontre la folie ou sa personnification, le bouffon.

Et il est bien sûr fortement influencé par la vision millénariste, n'oublions pas que nous sommes en 1500, et que chaque passage de siècle ou de demi-siècle, à cette époque, était synonyme de fin du monde. Et puisque la corruption et le péché étaient monnaie courante en cette fin de siècle, beaucoup attendaient l'Apocalypse.

L'inquisition est partout et l'homme est péché et tout est Diable.




Livre d'heures de Catherine de Clèves, vers 1440.




Les sermons de Jacques de Voragine (1228-1298), chroniqueur italien du Moyen Âge,archevêque de Gênes ont été publiés en moyen-néerlandais à Zwolle, en 1489.

"Sachez que les démons qui dominent le monde sont quatre : Lucifer, Asmodée, Mammon et Belzébuth. Lucifer est le prince de l'orgueil. Ceux qui se vantent de leur rang social, de leur beauté physique, de leur pouvoir, de leur connaissance et de leur richesse hériteront de Lucifer les supplices éternels en enfer. Asmodée règne sur la luxure ; il déteste la pureté, adore l'adultère et la fornication. Ses enfants, ceux et celles qui vivent dans l'adultère et le péché charnel sont très nombreux ; aussi seront-ils damnés. Mammon règne sur la cupidité. Par ce vice, l'homme préfère à Dieu les biens terrestres ; il ne se soucie guère de la façon de s'enrichir : prêt à usure, vol, ruse ou violence pour enlever aux pauvres le peu qu'ils possèdent. Belzébuth est maître de la colère et de la haine ; il gère la mauvaise volonté et les mauvais désirs. Tous les pécheurs qui ont succombé aux tentations de ces quatre princes de mal seront damnés".





Le Jugement dernier,1306. Fresque de Giotto di Bondone à la Chapelle Scrovegni, Padoue 






Le Jugement dernier,1306. Fresque de Giotto di Bondone à la Chapelle Scrovegni, Padoue 




Le jardin des délices



Le jardin des délices est un triptyque, peint à l'huile sur des panneaux de chêne. Il fait 2,20 m de haut et 3,89 m de large une fois ouvert. Au moment où Bosch peint ce tableau, en Italie, Léonard de Vinci peint la Joconde (1503-1504). On ne connait pas le commanditaire de l'œuvre. On peut supposer qu'il s'agit qu'il s'agit d'Henri III, Duc de Nassau (1483-1538), un seigneur réputé comme bon vivant, puisque la première mention du tableau est celle du chanoine Antonio de Beatis dans un récit de voyage qui le situe en 1517 dans le palais de Nassau à Bruxelles.






Portrait de Henri III de Nassau attribué à Bernard van Orley.




Il aurait ensuite été hérité en 1538 par Guillaume Ier, prince d'Orange (1533-1584), à Bruxelles. Il aurait été confisqué en 1568 par Ferdinand Alvare de Tolède (1527-1591), IIIe duc d'Albe (1507-1582) et emmené en Espagne. Il aurait été acquis à une date inconnue par Fernando de Tolède, prieur de l'ordre de Saint-Jean de Malte en Castille et fils naturel du grand-duc d'Albe, puis acheté à sa mort par Philippe II d'Espagne (1527-1598). Il entre dans les collections de l'EscoriaI le 8 juillet 1593 sous le numéro 73 sous le nom 'Del Madroño' (L'Arbousier). Ce dont on est sûr est qu'il a été transféré au Musée du Prado en 1939, où il réside depuis.






Portrait de Philipe II d'Espagne par Sofonisba Anguissola, 1565. Huile sur toile, 88 × 72 cm. Museo Nacional del Prado, Madrid, Espagne



On ignore le titre originel de l'oeuvre que nous nommons maintenant comme Le Jardin des délices ou Le Jardin des délices terrestres. A son entrée à l'Escorial en 1593, il est interprété comme une représentation de "la bariedad del mundo". Il a été nommé par des écrivains espagnols "l'arbousier" ou 'la luxure". Aujourd’hui, certains chercheurs pensent que le titre d’origine était Sicut erat in diebus Noe (Comme aux jours de Noé), se fondant sur l'existence d'un tableau de Bosch intitulé Sicut erat in diebus Noe et conservé en 1595 dans la collection du grand-duc Ernest d'Autriche à Bruxelles.

La citation est empruntée à Mathieu 24 :37-39 :

« Comme aux jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme. En ces jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari... et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge, qui les emporta tous. Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme ».

Je n'ai pas trouvé qui et quand dénomma le triptyque de son nom actuel.

Ce tableau si mystérieux fait couler depuis des décennies des flots d'encre. Les commentateurs se perdent en conjecture quand à sa signification. Là ou certains voient la condamnation moralisatrice des péchés de l'homme, d'autres évoquent la philosophie ésotérique et émancipatrice de sectes religieuses.

Ernst H. Gombrich interprète le triptyque comme la représentation de l'humanité avant le déluge. Mais, nous le verrons plus loin, pourquoi condamner une humanité qui n'a pas péché?

Jean Wirth, historien, estimait que Le Jardin des délices montrait une utopie : "Comment serait l'humanité si l'homme n'avait pas commis le péché originel". L'humanité sans le péché.

La théorie que l'historien d'art allemand Wilhelm Fraenger (1890-1964) défend dans son livre paru en 1947, Hieronymus Bosch. Das tausendjährige Reich (Hieronymus Bosch. Le Royaume millénaire), est que le sens de l'œuvre de Bosch se découvre si on la situe dans les courants spirituels de son temps. Pour Fraenger, l'innocence Adamite conduit l'humanité en train de renaître comme le Nouvel Adam dans un nouveau millénaire, alors que ceux qui la rejettent sont condamnés à l' Enfer.











La secte des Adamites


Tout commence avec John Wyclif, v. 1331-1384, un théologien anglais et précurseur de la Réforme anglaise, et plus généralement de la Réforme protestante. Il remet radicalement en cause la notion d'autorité, en particulier spirituelle, et conteste par conséquent la hiérarchie ecclésiastique et les pouvoirs qui y sont associés : pouvoir temporel d'abord, mais aussi la presque totalité du pouvoir spirituel. S'ensuivent le rejet de la Tradition comme source de la Révélation, le rejet de la définition des sacrements et la condamnation de nombreuses pratiques religieuses comme la vie monastique, les œuvres de piété individuelle ou la possession de biens temporels par le clergé. La théologie de Wyclif fait de l’Église un être purement spirituel, rejetant son caractère incarné : la puissance absolue de Dieu s'exerce directement sur la terre, sans la médiation d'une institution.








John Wyclif




En 1402, Jan Hus devient prédicateur à Prague. Influencé par Wyclif, il s'interroge sur les conséquences pratiques de l'obéissance au Christ. À la chapelle de Bethléem, il prononce des sermons contre « les erreurs du catholicisme », où il préconise une réforme de l'Église. Son excommunication en 1411, sa condamnation par l'Église pour hérésie, puis sa mort sur le bûcher le 6 juillet 1415, lors du concile de Constance, déclenchent la création de l'Église hussite et les croisades contre les hussites. Le protestantisme voit en lui un précurseur.





Jan Hus au bûcher. Chronique illustrée de Diebold Schilling le Vieux, 1485.



Au lieu d'éteindre le mouvement hussite, le Concile de Constance l'avait rallumé. De plus en plus souvent il y eut des révoltes un peu partout en Bohème. Le mouvement qui était en train de prendre forme fut appelé d'après son symbole, le calice, les Calixtins. On distingue deux parties dans ce mouvement révolutionnaire : d'un côté les modérés, les Utraquistes (utra, lat. = égal, car il voulaient l'équivalence des deux formes de communion, le pain et le vin), de l'autre, l'aile radicale, les Taborites (d'après la ville de Tabor qu'ils venaient de fonder).

Les Taborites se réclament des idées de Jan Hus et demandent la communion sous les deux espèces pour les laïcs (pain et vin) avec présence réelle du Christ, la pauvreté obligatoire du clergé et retour de la plus grande partie des terres de l'Église aux propriétaires laïcs, l'interdiction de la prostitution et le châtiment des péchés mortels (ce dernier point s'opposant à la vente des indulgences), et prêcher selon la Bible uniquement.

« En ces temps il y aura sur terre ni roi ni seigneur ; ni sujet, et tous les redevances et impôts seront abolis, aucun n'obligera un autre à faire quelque chose car tous seront égaux; frères et soeurs. »

« Comme il n y pas de 'à moi' ni 'à toi', puisque tout est à tous en commun, ainsi il en sera partout et celui qui aura une propriété particulière commettra un péché mortel. »

Plus radicaux encore que les Taborites, une communauté, les Picards ou Adamites, tente de rejoindre le mouvement. Fondant sur les troubles de Bohême l'espoir de vivre selon leurs principes de liberté, des groupes de Picards qui fuient la persécution engagée contre les Hommes de l'Intelligence s'installent vers 1418 dans les régions de Žatec, Plzeň et Prague. Leurs idées influencent, en particulier Martin Húska, dit Loquis, qui prêche, dans la tradition millénariste, l'avènement d'un « nouveau royaume des saints sur la terre [où] les bons ne souffriront pas davantage ». Cependant, Húska se tient à l'écart de la tendance picarde, surtout quand les pratiques de Libre-Esprit suscitent l'hostilité des taborites orthodoxes.

« À cause de cette hérésie, rapporte Laurent de Břczcová, les frères vivant à Tabor se scindèrent en deux fractions, l'une picarde, l'autre taborite. Le parti le plus fidèle, les taborites, expulsa plus de deux cents hommes et femmes infestés par l'hérésie picarde. »

De décembre 1420 à janvier 1421, la communauté picarde connaît une période d'autonomie et de liberté. Ils s'installèrent sur une île du fleuve Moldau, non loin de Prague. Ils y vécurent nus, en communauté, mettant tous leurs biens en commun et faisant de leur mieux pour recréer les conditions de vie du Paradis terrestre avant la "Faute". La notion de culpabilité était abolie. Ils remettaient en cause non seulement l'Eglise mais la société toute entière. Ils estimaient que la meilleure manière de se rapprocher de Dieu serait de vivre dans les mêmes conditions qu'Adam, le premier homme avant le péché originel. Toutes les structures sociales étaient bannies. Ils avaient supprimé le mariage, l'argent, le travail, la noblesse, la bourgeoisie, l'administration, l'armée. Ils s'interdisaient de cultiver la terre et se nourrissaient de fruits et de légumes sauvages. Ils étaient végétariens et pratiquaient le culte direct de Dieu, sans Eglise et sans clergé intermédiaire.






Les Adamites






Adamites, 641



Le fond de leur proposition était que « l'homme doit être aussi heureux ici-bas qu'il sera un jour dans le ciel » (Tommaso Campanella, La Cité du Soleil, 1568). Ils furent exterminés en 1421 par Jan Žižka.

Certains pensent que la peinture de Jérome Bosch, Le Jardin des délices, pourrait être une représentation de la mythologie adamite, car la secte des Frères du Libre-Esprit suivant ses principes se développait à Bois-le-Duc, la ville où il résidait.

Les frères du Libre Esprit ou, pour être plus précis, les frères et les soeurs du Libre Esprit constituèrent un grand mouvement hérétique qui se propagea le long de la vallée du Rhin jusqu'aux Pays-Bas. Parmi les villes phares de ce mouvement citons Strasbourg, Mayence, Cologne et Amsterdam. Ces frères, dont les croyances sont à rapprocher de celles de sectes alexandrines telles que les adamites, avaient choisi ce nom parce qu'ils étaient convaincus d'incarner l'Esprit saint, sa puissance et son infaillibilité et partant, d'être lavés de tout péché en dépit de leur obligation de vivre dans la matière et donc dans le péché.

Ils formaient des groupes ou loges secrètes où accédaient et se côtoyaient hommes et femmes. Les disciples étaient recrutés tout d'abord parmi les dévots (béguines, tertiaires, beghards) qui furent nombreux à venir grossir les rangs de la secte. Cette secte avait repris certaines doctrines cathares, condamnation de la matière, refus du mariage et de la procréation, régime végétarien, mais à en croire les dires, elle sacrifiait cependant à des rites orgiaques.

A ce propos, Giovanni Vittoriense, ecrivit en 1326 dans son Cronicon :

« A cette époque apparut à Cologne une secte hérétique : femmes et hommes de diverses conditions se rencontraient au beau milieu de la nuit dans des lieux souterrains qu'ils disaient être leur temple où un certain prêtre du nom de Walther célébrait la messe. Après l'élévation et le sermon, les lumières s'éteignaient et les hommes mine de reconnaître la femme qu'ils avaient à leurs côtés. Après un repas copieux, ils se mettaient à danser et à s'abandonner à toutes sortes de plaisirs qu'ils baptisaient état du paradis, du nom du jardin donné à leurs ancêtres originaires de cette folie. Leur chef se faisait appeler Christ et la noble et belle jeune fille qui prenait place à ses côtés Marie. En agissant de la sorte, ils dégradaient le caractère sacré de la Foi et les valeurs de bienséance et de vérité. »

Il est vrai que le panneau central pourrait sembler être une description de la philosophie Adamite. Les adeptes vivent nus s'adonnant à divers plaisirs dont celui de la chair, se nourrissant de fruits dans un monde merveilleux où la procréation est bannie (il n'y a pas d'enfant). Cette thèse a été très populaire dans les années 70 et 80, pour être par la suite de plus en plus délaissée par les chercheurs.




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