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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mardi 9 août 2016




La Renaissance



Malgré tout cela, un renouveau, perceptible à travers les premiers signes d'une relance démographique et économique, est sensible dans toute l'Europe à partir de 1450. L'Europe de la fin du Moyen Âge devient surtout celle des « hommes d'affaires ». Les Médicis à Florence, les Fugger et les Welser à Augsbourg sont à la tête d'un réseau d'affaires international et discutent à égalité avec les grands princes, dont ils sont les banquiers et les prêteurs.

On a l'habitude de dire que Francesco Petracco (1304-1374), dit Petrarca (en français Pétrarque), est à l'origine de la Renaissance et de l'humanisme. Avide de voyages et amoureux de l'Antiquité classique, Pétrarque est avant tout connu de ses contemporains comme érudit. Ami du poète Giovanni Boccaccio (en français Boccace), il se plonge dans l'étude des textes anciens en vue de concilier le christianisme et l'héritage antique.





Pétrarque peint par Andrea del Castagno, Galerie des Offices, Florence



Le terme de Renaissance est l'équivalent français de l'italien rinascimento, ou rinascita : le renouveau des arts européens, lequel prend sa source, au XVe, en Italie, où il est associé à la redécouverte de la littérature, de la philosophie et des sciences de l'Antiquité ainsi qu'à l'évolution des méthodes empiriques utilisées pour l'étude de ces disciplines.

En Europe du Nord, si l'Angleterre s'intéresse peu à ce mouvement, l'Allemagne et les Flandres sont largement pénétrées par ces idées. Ce renouveau ne fait pas disparaître les angoisses nées de la crise de la fin du Moyen Âge : la peur de l’enfer demeure très vive au sein de la population. Mais dans le climat de confiance retrouvé, des savants s’efforcent de mieux comprendre le monde. Cependant, alors que le Moyen Âge centrait sa réflexion sur Dieu, ces savants, sans rejeter Dieu, s’intéressent d’abord à l’homme. L'homme au centre des choses. Grace à l'imprimerie de Gutenberg, les idées des humanistes commencent à circuler en Europe.





Une page de la Bible de Gutenberg, composée à partir de la Vulgate de Saint Jérôme, vers 1456



Ces humanistes portent les noms d'Erasme également appelé Érasme de Rotterdam (1469-1536), Jean Pic de la Mirandole (1463-1494. Italie), Nicolas Machiavel (1469-1527. Florence. Italie), Thomas More (1478-1535. Angleterre), François Rabelais (1494-1533) en France. On redécouvre Platon, alors que le moyen- âge se référait surtout à Aristote. On se met à étudier les langues anciennes, non seulement le latin, que tous les lettrés connaissent alors, mais aussi le grec et parfois l’hébreu.






Desiderius Erasmus (1469-1536) par Hans Holbein le jeune, 1523 







Nicholas Machiavel (1469-1527), portrait posthume par Santi di Tito, au Palazzo Vecchio de Florence.







Thomas More par Hans Holbein le Jeune, 1527




L’homme selon Pic de la Mirandole.

"J’ai cru avoir compris pourquoi l’Homme est l’être digne de toute admiration et quel est en définitive ce haut rang qui lui est échu dans l’ordre de l’univers. Le Parfait Artisan prit l’Homme et lui parla ainsi: « ô Adam, pour les autres leur nature est régie par des lois que nous avons prescrites, toi tu n’es limité par aucune barrière (….). Je t‘ ai installé au milieu du monde afin que de là, tu examines plus commodément tout ce qui existe. Nous ne t’avons fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel, ni immortel, afin que maître de toi-même tu te composes la fortune que tu auras préférée. Tu pourras dégénérer en formes inférieures qui sont animales, tu pourras au contraire par décision de ton esprit être régénéré en formes supérieures qui sont divines."

Pic de la Mirandole (1463-1494), De la dignité de l’homme, 1498






Jean Pic de la Mirandole (1463-1494)



"Et quant à la connaissance des faits de nature, je veux que tu t’y adonnes curieusement: qu’il n’y ait mer, rivière, ni fontaine, dont tu ne connaisses les poissons; tous les oiseaux de l’air, tous les arbres, arbustes et buissons des forêts; toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tout Orient et Midi, rien ne te soit inconnu. Puis soigneusement revisite les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudistes et kabbalistes, et par fréquentes dissections, acquiers-toi parfaite connaissance de l’autre monde, qui est l’homme. Et, par quelques heures du jour, commence à visiter les saintes lettres. Premièrement, en grec, le Nouveau Testament, et Épîtres des Apôtres, et puis, en hébreu, le Vieux testament. Somme, que je vois un abîme de science."


Ton père, Gargantua

Rabelais, Pantagruel, Chap. VIII, 1532.





François Rabelais (1494-1533)




Bosch est un érudit. La latinisation de son prénom l'atteste. Il connaît la Bible, bien sûr, mais aussi il a lu "la Comédie" de Dante Alighieri, oeuvre la plus traduite à l'époque après la Bible. Et très probablement Hypnerotomachia Poliphili, en français  Songe de Poliphile, rédigé en 1467 et imprimé à Venise en 1499. Il est qualifié de l'un des « livres les plus beaux du monde », il est aussi l'un des plus mystérieux de la Renaissance. C'est un roman illustré italien écrit en un mélange de grec, de latin et d'italien dialectal.





Hypnerotomachia Poliphili






Hypnerotomachia Poliphili




Cette époque dans laquelle vit Jérôme Bosch est assoiffée de savoir. Dans l'Europe du Nord, un ordre particulier s'attacha à promouvoir cette soif, la communauté des Frères et sœurs de la vie commune. C'était un mouvement laïc de dévotion chrétienne qui vit le jour dans les Pays-Bas bourguignons durant le XIVe siècle et se rattache au courant plus vaste de la « dévotion moderne » ou « devotio moderna », sous l'impulsion de Gérard Groote prédicateur populaire et le fondateur des Frères de la vie commune.





Le début du Livre des Heures de Gérard Groote



Ce mouvement révolutionnaire, est une réaction contre la mystique intellectuelle et abstraite développée au XIVe siècle. Cette spiritualité a conduit à un retour à une vision plus affective de la vie chrétienne. A l’opposé de la vision rigoriste et scholastique pour qui l’homme est essentiellement « mauvais » et uniquement sujet à correction par un code de conduite morale extérieure, la Dévotion Moderne partait de la conviction optimiste qu’on pouvait consolider une autorité intérieure dans tout un chacun, permettant à l’homme de mettre en accord son libre arbitre avec la volonté du créateur visant à accroître le bien sur terre. C'était un mouvement qui incitait chaque fidèle à sa propre interprétation du christianisme par sa propre expérience et l'imitation du Christ. Chaque personne avait le choix entre le bien et le mal.





Triptyque du Chariot de Foin de Bosch, panneaux fermés. Il représente le chemin de la vie à suivre, seul comme un pèlerin, une espèce d´ermite stoïque qui résiste aux tentations sur la route, c´est l´idée même de la Devotio Moderna. En bas à gauche les os, crâne et oiseaux semblent dessiner le mot « ill », le Mal ?



Bois-le-Duc était une ville importante et commerçante, notamment dans le tannage de peaux. Elle était après Bruxelles, Anvers et Louvain, la quatrième ville du Duché du Brabant. En 1526, elle comptait près de 25 000 habitants. Les érudits s'y rendaient volontiers. c'était aussi un centre culturel et les membres de la confrérie Notre Dame dont Bosch faisait partie, rencontraient ceux des Frères de la Vie Commune. Érasme, fils non reconnu d'un moine du Brabant, fut trois ans pensionnaire chez les frères de la Vie commune à Bois-le-duc.

Bosch baigne donc dans cette dichotomie. Une église archaïque pour qui l'homme est de toute façon mauvais, constamment soumis au péché, tenté par la Diable et les sorcières et qui doit s'élever vers Dieu et qui s'il ne le fait pas doit périr sur le bûcher; et une église nouvelle, plus humaniste, pour qui l'homme possède un libre arbitre qui lui permet de choisir entre le bien et le mal, et recevoir le Christ pour que toute l'espèce humaine s'élève au rang d'Homme.

Cette opposition a du longuement tirailler le peintre. Dans certains de ses tableaux, et nous le reverrons plus tard, comme le jugement dernier, point de choix, point de salut. Le sort de l'homme est scellé dés le départ. Du fait du pécher originel, l'homme est mauvais, soumis à tous les vices, vis dans le péché en se détournant de Dieu et doit répondre de son comportement par une damnation éternelle faite de tortures et de tourments. Mais la vision nouvelle ouvrant une autre voix au destin de l'humanité éclate dans le tableau du Jardin des délices. Et c'est ce qui en fait un tableau remarquable. C'est l'œuvre la plus humaniste de Bosch et la plus optimiste.




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