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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mercredi 31 juillet 2013






BARBETTE , 1899 -1973. USA












"N'oubliez pas que nous sommes dans cette lumière magique du théâtre, dans cette boite à malice où le vrai n'a plus cours, où le naturel n'a plus aucune valeur"  Barbette










Le plus célèbre des travestis des années 20 et 30 fut Barbette. De son vrai nom, Vander Clyde Brodway où Vander Clyde, il est né à Round Rock en 1899 (même si la date de 1906 est parfois citée) au Texas d'un père hollandais et d'une mère américaine. Il eu, entre 1920 et 1930, une fabuleuse notoriété tant aux États-Unis qu’en Europe. Mais il obtenu son grand succès surtout à Paris.






Barbette, 1926, photo par Madame d'Ora




Très tôt, le jeune homme s'intéresse à l'acrobatie, attiré par les spectacles de voltige qu'il voit au cirque où l'amène sa mère. A 14 ans, il intègre l'équipe d'un numéro de cirque réputé de haute voltige intitulé "Les Sœurs Alfaretta". L'une des sœurs Alfaretta lui demanda de remplacer au pied levé sa sœur qui venait de se tuer à Austin. D'après ses confidences à Michel Georges-Michel, il aurait commencé à se déguiser en fille dans une troupe trop exclusivement masculine, parce qu'il était le seul à pouvoir faire illusion. Il développa par la suite un numéro solo et pris le nom de Barbette pour son exotisme français. Il commença sa carrière solo à la Harlem Opera House en 1919.






Vander Clyde, 1926, photo par Madame d'Ora



Il était un trapéziste de talent, chorégraphe et danseur sur trapèze. Il se produisait habillé en femme, maquillé, après avoir exécuté un numéro sensuel très féminin, puis redescendait sur scène et saluait le public en retirant sa perruque et reprenant une attitude masculine.

Il tourne alors avec le Keith Vaudeville Circuit et est désigné comme "versatile specialty" (spécialité versatile).





Vander Clyde, 1926, photo par Madame d'Ora



Barbette fait ses débuts en Europe en 1923, envoyé par le William Morris Agency. Il tourne d'abord en Angleterre puis en France, à Paris où il triomphe au Casino de Paris, au Moulin Rouge, à l'Empire, au cirque Médrano, au Théâtre de l'Alhambra et aux Folies Bergères.

Jean Cocteau parlait de son numéro en ces termes:

"Le rideau s'écarte sur un décor utile: fil de fer entre deux supports, système de trapèze et d'anneaux pendus au cadre de la scène. Au fond, divan recouvert d'une peau d'ours blanc sur lequel, entre l'exercice du fil et l'exercice de trapèze, Barbette, enlevant sa robe gênante, jouera une petite scène scabreuse, véritable chef d'oeuvre de pantomime, où, parodiant, résumant toutes les femmes qu'il a étudiées, il devient la "femme-type", au point d'éteindre les plus jolies personnes qui le précédent ou le suivent sur l'affiche".

Il lui confiera un rôle dans "Le sang d'un poète" en 1930.












Paris, théâtre de l'Empire, 1937, Gaston Paris



Cocteau explique également son succès.

"La raison du succès de Barbette vient de ce qu'il s'adresse à l'instinct de plusieurs salles en une, et groupe obscurément des suffrages contradictoires. Car il plaît à ceux qui voient en lui la femme, à ceux qui devinent en lui l'homme, et à d'autres dont l'âme est émue par le sexe surnaturel de la beauté (...) Il me fera comprendre que les grands pays et les grandes civilisations ne confiaient pas seulement par décence les rôles de femmes à des hommes."






Paris, théâtre de l'Empire, 1937




En 1926, Cocteau écrit un essai influent sur la nature et l'artifice du théâtre appelé "Le Numéro Barbette" qui a été publié dans la Nouvelle Revue Française . Il commanda une série de photographies de Barbette au photographe surréaliste Man Ray portant sur les aspects de la performance mais surtout sur son processus de transformation.





Paris, théâtre de l'Empire, 1937, Gaston Paris



Barbette retourne aux USA en 1924 et apparaît en vedette chez Barnum, puis il part en tournée à Londres, Bruxelles et Berlin. Lors d'une tournée au Palladium de Londres, il est surpris alors qu'il a des relations sexuelles avec un homme. Il est expulsé du pays et condamné à ne plus pouvoir travailler en Angleterre.

Victime d’une chute en 1937, il se reconvertit comme directeur artistique dans de nombreux Cirques et Music-halls et servit de consultant sur le film "Certains l’aiment chaud" de Billy Wilder où il conseillait Jack Lemmon et Tony Curtis pour leurs scènes de travestis. Il se retire ensuite chez sa sœur où il se suicide d’une overdose en 1973.





Paris, théâtre de l'Empire, 1937








Paris, théâtre de l'Empire, 1937








Man Ray, 1926








Man Ray, 1926








Man Ray, 1926








Man Ray, 1927








Man Ray, 1927








Man Ray, 1927








Man Ray, 1927












Jean Cocteau 1889 - 1963. France




Le Mystère de Jean l'Oiseleur, 1924



Cocteau et l'opium







Jean Cocteau par Man Ray en 1924





Jean Cocteau et Raymond Radiguet, l'auteur du Diable au corps ou du Bal du comte d'Orgel, vécurent durant quelques temps une relation amoureuse tumultueuse et orageuse. A la mort de Radiguet, à l'âge de vingt ans, en 1923, fou de chagrin, Cocteau part se refugier à Ville-franche sur mer et s'enferme dans l'hôtel Welcome. C'est en se regardant dans le miroir de sa chambre qu'il décide de réaliser trente autoportraits où il dépeint sa tristesse sous le nom de Jean l'oiseleur. Cocteau avait été initié à l'opium par Diaghilev en 1923 après la mort de Radiguet. 


C'est sous l'effet de cette substance, face au miroir qu'il produit cette série hallucinée. Cocteau déverse sa douleur dans un monde énigmatique et féérique embué des fumées de l'opium. Ces dessins annotés créés en 1924, apparaissent comme une sorte de thérapie de l'artiste pour l'aider à ne pas sombrer dans le chagrin. Cette oeuvre, qui ne ressemble pas aux autres permet à l'artiste de continuer à créer alors que l'inspiration d'écrire s'est envolée sous le poids du chagrin. Il y parle de la mort, de l'art et évoque sa propre mort. 


Il y parle de l'art et de son expérience de l'opium. Il évoque son amour disparu, Raymond. On y croise Uccello, Apolinaire, Picasso, Gide, Genet, Barbette, le célèbre transformiste américain. C'est une oeuvre embrumée, onirique où les fumées de l'opium nous tirent par la main pour suivre Cocteau dans son monde artificiel et profond. Une oeuvre magnifique où le dessin l'a emporté sur la prose.







Raymond Radiguet








Raymond Radiguet et Jean Cocteau sur la plage du Lavandou en 1922


















Raymond Radiguet et Georges Auric à Besse-en-Chandesse, juillet 1921 (Musée Cocteau)









Jean Cocteau par Man Ray en 1922









Le Mystère de Jean L'Oiseleur








Couverture



















Jean Cocteau, Le mystère de Jean l' oiseleur, monologues, 1924, à Edouard champion (à gauche)


Jacomet miroir des poètes. La phototypie de ce manuscrit a été faite par Daniel Jacomet pour Edouard Champion. Achevé de tirer le 29 janvier 1925. Cent trente exemplaires dont dix sur japon de A à J accompagnés d'une page autographe tous chiffrés à la main par Jean cocteau et signés. (à droite)












Villefranche, octobre 1924



"Je sais mieux que personne le ridicule auquel on s'expose en s'asseyant entre un miroir et devant une sténographe.

Mais à force d'exercer les sens les plus endormis j'ai basculé dans un monde qui me rend la signification du nôtre très obscure. Car le mensonge me gène et, mon seul moyen, maintenant, d'avoir l'air naturel serait que je jouasse un rôle.

En effet tout ce qui ne porte pas d'étiquette, tout ce qui bouge confusément au fond de nous comme les animaux aveugles de la mer monte peu à peu à ma surface. La subconscience m'est en quelque sorte devenue un état normal, alors que les choses qui permettent aux hommes d'agir, de s'associer, de mordre à l'engrenage, sont descendues prendre aux profondeurs vagues la place de ce qui dirige ma vie et me condamne à la solitude.

 je ne m'en vante pas. Il m'arrive...










l'histoire des gens curieux d'un poison et qui s'intoxique sans se rendre compte du danger. Impossible de revenir en arrière. J'habite la mort. Elle cherche les autres dans leurs maison. Elle me prendra dans la sienne.

Je retourne au ridicule de l'égotisme. Il faut, pour le ressentir, faire partie d'une entente où le ridicule et le tact possèdent une réputation précise. Cette réputation j'arrive à l'admettre, mais elle disparait aussi vite de moi que disparaissent des autres les problèmes mystérieux sur quoi leur esprit se fixe une seconde et qui deviennent ma réalité.

Cette réalité irréelle défigure la plupart de mes actes. On en cherche les mobiles d'après les règles du jeu; on les trouve - et j'ai vu souvent, avec surprise, des personnes de bonne foi, prendre...








hotel Welcome. Villefranche sur mer A.M.



mon désintéressement maladif pour de rusés calculs.

Les trente planches ne dénoncent aucune vanité. Le hasard d'une chambre d’hôtel petite avait placé ma table devant l'armoire à glace. J'était seul. je cherchais les nombreuses manières de résoudre un même visage; or comme depuis longtemps Edouard Champion me demande une oeuvre à reproduire manuscrite et que je n'écris plus, j'ajoutais quelques notes en marge pour lui faire une surprise.

Voila des motifs d'ordre "humain".

Pour le reste ce qu'il peut y avoir de rapport entre les phrases et les regards, d'aveux et de poésie dans les contours, il faut y lire les signes du mal, qui depuis bientôt douze ans, m'oblige à d'incroyables exercices de volonté."

Jean cocteau 1924















"La mer et le rêve se ressemblent. Les plantes que l'on ôte de l'une et les phrases que l'on retire de l'autre perdent immédiatement leur beauté."










"Rome est une ville trop lourde pour son sol mou et son ciel léger. Elle s'enfonce. Nous ne la voyons plus qu'à mi-corps. Le spectacle du Forum consterne un esprit actif. On arrive trop tard dans la chambre; les bijoux ont disparu. Il ne reste que les malles ouvertes, les meubles à la renverse, le linge épars, les tiroirs fracturés."










Une "figure intéressante" est une pauvre chose. Elle appartient aux artistes. L'amour ne la regarde même pas.









Dés 1925 Gide m'a ouvert les yeux sur mes erreurs. Je portais un chapeau en peluche et une cape jetée sur les épaules. Une bible sous le bras, il patinait et signait sur une eau perfide, profonde: l'eau russe. J'adorais son nom glacial.









comment la beauté de l'art ne ferait t'elle pas triste figure devant la beauté insolente, poignante des avis à la mode et des danses de music-hall? 

En effet, ceux-ci doivent donner toutes leur force d'un seul corps et céder la place, alors que l'art doit répandre la sienne peu à peu, sur un espace de plusieurs siècles.








Voit tout entend tout nul ne s'en doute









l'opium agit sur le grand sympathique*. En l'endormant il endore la douleur morale ou plutôt la présente sous un angle qui la font supportable, douce et parfois belle. il faut donc conclure, puisqu'une drogue la calme, que la douleur morale n'est qu'une douleur physique. Par conséquent il est fou de trouver naturel qu'un homme qui souffre des dents aille chez le dentiste et anormal qu'un homme qui souffre de l'âme fume l'opium. C'est le vieux culte romantique de l'inconfort. Le confor classique nous fera considérer comme de l'hygiène ce que le romantisme condamne comme une lacheté. Car seuls les artistes faibles tirent profit du désespoir. Un artiste vraiment grand ne s'exprime que dans la sérénité.

(*un nerf du corps humain)









le désordre d'un esprit bien fait le mène au besoin désespéré de se mettre en ordre. L'ordre naturel ne me touche pas; c'est l'académisme. Voila toute la différence entre l'académisme et le classicisme.









J'ai endormi des gens trop éveillés pour qu'ils rêvent à d'autres qui s'endormait j'ai crié de toutes mes forces "cave somniavisti"

A little too much is just enough for me (écriture spéculaire)









J'ai voulu faire du blanc plus blanc que neige et j'ai senti combien mes appareils étaient encrassés de nicotine. Alors j'ai formé Radiguet pour réussir à travers lui ce à quoi je ne peux plus prétendre. J'ai obtenu le bal du compte d'Orgel maintenant je reste seul, stupéfait de tristesse debout au milieu des décombres d'une usine de cristal.









Le diamant dur je suis ~ qui ne se romp du marteau

Sur la lettre: Un miracle sortit des mains du ciel m'a coupé la parole








j'ai reçu la leçon d'un jeune acrobate américain: Vander Clyde. sous le pseudonyme de Barbette et travesti en femme, il exécutait au "Cazino de Paris" des exercices de trapèze. Il se balançait sur le public, sur la mort, sur le ridicule, sur le mauvais gout, sur le scandale, sans tomber. Cette créature ravissante tuait les petites femmes autour. Elles s’éteignaient, devenaient laides. C'est qu'en jouant le rôle d'une femme il les résumait toutes - aucune ne pouvait tenir à côté d'un pareil relief. Même il bouclait la boucle, car après avoir jeté sa poudre aux yeux en une minute, il n'évitait plus les gestes d'homme. On avait donc le spectacle d'une amazone. Calculs instinctifs.  Il faut les transporter sur notre domaine et le faire exprès.









Quel est le fil qui empêche un livre comme "Monsieur Lecoq" d'obtenir les suffrages de l'élite et de prendre place aux côtés de la "Chartreuse de Parme" et ou "René Goriot". Selon les termes de Maurras un honnête homme s'interroge en relisant ce chef d'oeuvre à la campagne. Sans doute son sort vient il de la couverture en couleurs et son prix d'1f.75. On ne rencontre que chez Emile Gaborian le plaisir qu'on éprouve à lire Stendhal et Balzac.









Je garde mon ange









Mon Antigone c'est une photographie de l'acropole prise d'un aéroplane.










On prend pour une oeuvre classique l'oeuvre qui "en à l'air". Or une oeuvre véritablement classique ne peut que le devenir. Elle ne saurait donc en avoir l'air. La faiblesse de l'oeuvre d'Anatole France est d'avoir cet air classique, d'être faite sur des modèles classiques. Elle est une oeuvre d'art inspirée d'oeuvres qui furent vivantes, non une oeuvre vivante. Elle restera comme un objet, un monument charmant. Sa seule chance de vie sera de s'effriter à la longue et que l'herbe y pousse. L'émotion lui manque, elle aura l'émotion qui accompagnent toujours les ruines.









Douter de tout c'est aussi douter du doute. Voila ce qui guette les incrédules.








Les parisiens ne peuvent admettre qu'on se passe d'eux et qu'on vive à la campagne; ils pensent qu'on y cache un vice. Aimer Paris c'est aimer une mante religieuse qui nous dévore pendant l'amour.










Le cubisme prend sa source chez Paolo di Dono (Uccello). Apollinaire lisait beaucoup Marcel Schwob et il en parlait à Picasso. Toute graine que Picasso absorbe épanouit un jour des résultats surnaturels. Donatello surnommait di Dono "l'oiseau", Apollinaire "l'oiseau du bénin" Picasso, à cause d'un oiseau de bronze et de cuivre qui venait du Bénin, et qui ornait la table de travail du poète, le rayon du cinématographe tricote les images sous une forme que notre oeil ne sait pas lire. Il faut qu'une surface plate le découpe. alors notre oeil les déchiffre et se complait. Il existe un ciel ou Dieu compose la réalité humaine. Les géométries inconnues s'y chevauchent. Uccello a découvert ce ciel mais il se pipait et pipait les autres en ne dessinant que choses divines contrefaites. Picasso a découvert le ciel et le mur qui délivre les lignes. P. Uccello est mort de solitude; P. Picasso mérite la reconnaissance des hommes. 
DEUX OISEAUX








La fausse beauté se tient assise sur un fauteuil de velours et d'or. La vraie beauté penche atrocement sur le vide comme un clown musicien jouant de la mandoline en haut d'une pile de chaises.








Je vous ai donné un livre de neige: "Thomas l'Imposteur" et "Le Grand Ecart" une statue peinte comme les déesses d'Athènes. mais à quoi bon? Donnez toute votre fortune à la France. C'est une danseuse; elle se dépêche d'en profiter avec d'autres.










Gide m'en veut pour mes préfaces et mes notes. après la publication des Mariés il m'écrivit: je peste contre cette préface qui attache si court cette chose ailée qui ne demande qu'à voler. Au fond, je l'approuve et je retire des volumes d'ensemble les prospectus dont j'aime à abêtir mes produits lorsque je les offre un par un. Mais l'inutilité de ces contextes est bien touchante, car ils témoignent combien l'auteur se sépare avec peine de on livre. Il ne peut se résoudre aux adieux nets. Il se dandine. Il fait des recommandations oiseuses. Vingt fois il remonte sur le marchepied du train.








On reproche à Thomas l'imposteur d'être trop brillant. C'est possible: brillant comme une larme.









Pour bien tuer l'ours vendez d'abord sa peau. Le luxe de la poésie écrase peu de monde.








Tous nos amis sont morts. Mes amis où êtes vous? Comment vient on? Pitié! Tendez moi une main d'ombre.










Ne me dites pas  "notre métier" s'il vous plait. Le votre vous fait vivre et le mien me tue. 
J'écoute les étoiles (en miroir)




Comme vous le constatez, je n'ai pas trouvé la page 31. Je fais appel à vous pour me la faire parvenir si vous l'avez. Merci d'avance









Je suis bien gardé. Jean L'Oiseleur









Ronsard, Mozart, Uccello, Saint-Just, Radiguet, mes amis étoilés, j'aspire à vous rejoindre






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